Etudes de cas - Support TD stratégie L3
Par zemukakuka • 26 Janvier 2019 • TD • 19 998 Mots (80 Pages) • 1 427 Vues
Chapitre 1 – Introduction à la stratégie
Étude de cas : Airbnb, l’apparition d’une licorne
[pic 1]
En référence à l’animal mythique décrit depuis l’Antiquité, réputé aussi rare que difficile à dompter, une licorne, dans le jargon de l’industrie américaine du capital-risque, était une start-up dont la valorisation dépassait le milliard de dollars. Airbnb était une de ces licornes : fin 2016, seulement neuf ans après sa création, sa valorisation dépassait les 30 milliards de dollars, soit autant que celles de Hilton et de Hyatt réunies. Comment expliquer un tel succès ?
Les origines
Les fondateurs d’Airbnb, Joe Gebbia et Brian Chesky, se rencontrèrent à l’école de design du Rhode Island. Cinq ans plus tard, alors âgés de 27 ans, ils avaient du mal à payer leur loyer à San Francisco. En 2007, à l’occasion d’une conférence sur le design, pour laquelle tous les hôtels de la ville affichaient complet, ils créèrent un site Internet très simple, présentant des photos de leur logement, avec trois matelas gonflables à même le sol et la promesse d’un petit déjeuner maison au réveil. Ils attirèrent ainsi leurs trois premiers clients, qui payèrent chacun 80 dollars. Ils comprirent alors le potentiel de leur idée. Tous les deux voulaient être entrepreneurs. Brian avait déjà une expérience en la matière : il avait élaboré un coussin contre le mal de dos pour lequel il avait construit un site Internet1. Dès le lendemain, ils créèrent le site www.airbedandbreakfast.com.
Ils décidèrent de cibler les conférences et les festivals à travers les États-Unis, en convainquant des propriétaires locaux de proposer leurs chambres sur un site créé par un de leurs anciens colocataires, par ailleurs programmeur, Nathan Blecharczyk. À l’été 2008, Barack Obama devait donner un discours lors de la convention nationale du parti démocrate qui se tenait à Denver. Plus de 80 000 personnes étaient attendues. Joe et Brian estimèrent qu’il n’y aurait pas assez de chambres d’hôtel pour les accueillir toutes. Ils se précipitèrent pour terminer leur site Internet à temps et réussirent à enregistrer 800 réservations en une semaine. En revanche, ils ne gagnèrent rien car l’argent était intégralement versé aux propriétaires des logements. Ils ajoutèrent donc rapidement une solution de paiement sur le site, ce qui leur permit de prélever jusqu’à 15 % du montant de la location (l’hôte payait 3 % et le voyageur entre 6 et 12 %). Dès avril 2009, ils étaient à l’équilibre financier.
La croissance
Il ne leur était pas facile d’attirer des investisseurs, qui les considéraient comme des designers et non comme des entrepreneurs classiques. De plus, le marché potentiel pour des chambres le plus souvent équipées de matelas gonflables semblait limité.
Pourtant, en 2009, le site reçut un premier apport de 20 000 dollars de Paul Graham, le co-
1
fondateur de Y Combinator, un programme d’accompagnement de start-up. Cet investisseur providentiel avait été impressionné par leur inventivité et leur ténacité. L’entreprise fut renommée Airbnb. Sur son site et sur son application mobile, elle mettait en relation des personnes cherchant un hébergement avec des propriétaires qui proposaient à la location leur maison, leur appartement ou leur chambre. En novembre 2010, Airbnb leva 7,2 millions de dollars, ce qui lui permit d’étendre son service à 8 000 villes dans le monde, d’accroître le nombre de ses salariés à 800 et de déménager de l’appartement de ses fondateurs – où les équipes participaient à des réunions téléphoniques depuis les toilettes et tenaient des conférences dans la cuisine – à des bureaux situés dans un quartier branché de San Francisco. Le tableau 1 illustre les premiers épisodes de l’histoire d’Airbnb.
Cependant, en 2010, la croissance d’Airbnb semblait marquer le pas à New York. Joe et Brian louèrent directement des logements auprès de 24 hôtes et se rendirent sur place pour comprendre le problème. Ils comprirent rapidement que les hôtes présentaient très mal leur logement. Ils louèrent donc un appareil photo à 5 000 dollars et prirent le plus de photos possible des appartements de New York. Les demandes doublèrent immédiatement. À partir de ce moment, les hôtes eurent la possibilité de faire appel à un photographe professionnel. En 2012, Airbnb faisait ainsi appel à 20 000 photographes indépendants de par le monde. Les photos permettaient aussi de créer de la confiance pour les locataires car elles certifiaient les adresses. L’entreprise introduisit aussi Airbnb Social Connections, un système qui s’appuyait sur les relations Facebook de ses utilisateurs : un voyageur pouvait voir si ses amis avaient déjà loué un logement ou s’ils connaissaient son propriétaire. Il était également possible de sélectionner un propriétaire en fonction d’autres caractéristiques, comme l’université où il avait fait ses études. Toutes ces informations permettaient de rassurer les utilisateurs potentiels.
Tableau 1 : La croissance de Airbnb
2
[pic 2]
En juillet 2011, Airbnb leva de nouveau 112 millions de dollars, et put ainsi racheter deux de ses concurrents en Allemagne et au Royaume-Uni, juste à temps pour les jeux olympiques de Londres. Des bureaux furent ouverts à Paris, à Barcelone et à Milan. La croissance d’Airbnb devint explosive, avec une valorisation supérieure à celle des groupes hôteliers AccorHotels, Hyatt et Wyndham en 2014 et plus de nuits réservées que dans tout le groupe Hilton (voir la figure 1). Début 2016, avec un montant de 25 milliards de dollars, la valorisation d’Airbnb dépassait celle de tous les groupes hôteliers. L’entreprise justifiait ce chiffre en expliquant qu’en divisant le rapport entre sa valorisation de 25 milliards et ses ventes de 900 millions – soit 27,8 – par son taux de croissance annuel – soit 113 % –, on obtenait une valorisation habituelle dans son industrie2. Airbnb prévoyait un chiffre d’affaires de 10 milliards de dollars en 2020, avec un résultat net de 3 milliards.
...