Si La Religieuse est un roman antireligieux, c'est par la remarquable énergie avec laquelle il peint les « fausses terreurs » dont use la religion pour asseoir son autorité.
Par Andrea • 13 Avril 2018 • 1 364 Mots (6 Pages) • 746 Vues
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Au contraire, nous pourrions aussi regarder cet exemple sous un autre angle et l’appliquer à la seconde thèse selon laquelle La Religieuse ne critique pas la religion, mais l’Eglise. En effet, il n’est dit nulle part dans la Bible que quiconque doit prononcer ses vœux après avoir vécu deux ans dans un couvent. C’est une interprétation des ordres religieux, des représentants de la religion. On pourrait donc voir ici une critique de la supérieure et non de la religion en soi.
On peut également remarquer que la foi est présentée comme une échappatoire pour Suzanne qui se raccroche à l’espoir d’un geste de Dieu. Elle est plus pieuse que n’importe quelle autre femme du couvent. Elle pense que Dieu est un Dieu universel, qu’il est bon pour tous, et que chacun mérite son soutien alors elle continue de prier et raconte : « un jour que je m’adressais à lui dans l’accablement de mon cœur et que je l’appelais à mon aide, on me dit : Vous appelez Dieu en vain, il n’y a plus de Dieu pour vous » (page 84). Ce Dieu chrétien est présenté comme un Dieu de tous, une Dieu des pauvres et des riches, des femmes et des hommes, des vieux et des jeunes, des beaux et des laids. Or, cette remarque que l’on fait là à Suzanne sous-entend qu’elle n’est plus digne d’être aimée par Dieu. Ce qui est totalement contraire au principe de base de la religion chrétienne. Les autres femmes du couvant, supérieures et sœurs confondues, déforment les fondations de leur religion pour détruire plus profondément une femme pieuse et sincère.
Afin de continuer de défendre cette seconde thèse, on peut remarquer tout au long du roman que les supérieures, perverties par la claustration, sont mauvaises et qu’au contraire, les hommes, libres, sont bons. Souvenons-nous d’abord des perversions que les supérieures font subir à Suzanne. Premièrement, la supérieure du couvant de Sainte-Marie lui ment sur la possibilité de refuser la prononciation de ses vœux. Deuxièmement, la sœur Sainte-Christine, seconde supérieure au couvant de Longchamp, déteste Suzanne. Elle est doctrinaire, sadique, sévère. Pour terminer, Mme*** supérieure du couvant Sainte-Eutrope fait subir à Suzanne de nombreux attouchements sexuels. On voit clairement que la claustration de ces femmes les encourage à devenir mauvaises. Intéressons-nous maintenant aux présences masculines et à leurs intérêts. En premier lieu, le Père Séraphin convainc Suzanne d’entrer au couvant, il est son confesseur. Elle lui fait entièrement confiance. Ensuite, Monsieur Manouri comprend et soutient Suzanne. Il va jusqu’à engager un procès pour elle et publier ses mémoires. A Longchamp également, Monseigneur Hébert doit exorciser Suzanne et se débtrouille pour qu’elle change de couvant. Il voit bien qu’elle ne se plaît pas ici. Pour terminer, le Père LeMoine conseille à Suzanne de s’éloigner de sa supérieure car elle la dirige vers Satan. Et Dom Morel aide notre héroïne à s’enfuir. On voit donc clairement que les femmes, cloîtrées, sont mauvaises, et que les hommes, libres, sont bons.
Bien que certains éléments, tels que la peur du jugement dernier, pourraient nous laisser penser que La Religieuse de Diderot est un roman antireligieux, il est tout de même plus simple de croire à une critique de l’Eglise et de ses applications, comme c’est le cas pour la prononciation des vœux de Suzanne, que de croire à une véritable critique de la religion pure. Il est vrai que Suzanne ne ressort pas indemne de son parcours dans différents couvents, mais c’est tout de même la foi qui la aidée à tenir et à supporter ce qu’on lui faisait endurer et de ne jamais avoir eu envie de se venger. Pour moi, il est donc clair que la volonté de Diderot est de critiques les abus de l’application des paroles de Dieu et non les paroles en elles-mêmes.
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