Essays.club - Dissertations, travaux de recherche, examens, fiches de lecture, BAC, notes de recherche et mémoires
Recherche

Les cahiers de douai cas

Par   •  10 Mai 2018  •  7 610 Mots (31 Pages)  •  598 Vues

Page 1 sur 31

...

avec la cravache Nous fouaillaient - Hébétés comme des yeux de vache, Nos yeux ne pleuraient plus ; nous allions, nous allions, Et quand nous avions mis le pays en sillons, Quand nous avions laissé dans cette terre noire Un peu de notre chair... nous avions un pourboir On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit. « Oh ! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises, C’est entre nous. J’admets que tu me contredises. Or, n’est-ce pas joyeux de voir, au mois de juin Dans les granges entrer des voitures de foin Enormes ? De sentir l’odeur de ce qui pousse, Des vergers quand il pleut un peu, de l’herbe rousse ?

 5

 

De voir des blés, des blés, des épis pleins de grain, De penser que cela prépare bien du pain ?... Ou[h] ! plus fort, on irait, au fourneau qui s’allume, Chanter joyeusement en martelant l’enclume, Si l’on était certain de pouvoir prendre un peu, Étant homme, à la fin !, de ce que donne Dieu ! - Mais voilà, c’est toujours la même vieille histoire ! « Mais je sais, maintenant ! Moi, je ne peux plus croire, Quand j’ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau Qu’un homme vienne là, dague sur le manteau, Et me dise : Mon gars, ensemence ma terre ; Que l’on arrive encor, quand ce serait la guerre, Me prendre mon garçon comme cela, chez moi ! - Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi, Tu me dirais : Je veux !.. - Tu vois bien, c’est stupide. Tu crois que j’aime voir ta baraque splendide, Tes officiers dorés, tes mille chenapans, Tes palsembleu bâtards tour<n>ant comme des paons : Ils ont rempli ton nid de l’odeur de nos filles Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles Et nous dirons : C’est bien : les pauvres à genoux ! Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous ! Et tu te soûleras, tu feras belle fête. - Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête ! « Non. Ces saletés-là datent de nos papas ! Oh ! Le Peuple n’est plus une putain. Trois pas Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière Cette bête suait du sang à chaque pierre Et c’était dégoûtant, la Bastille debout Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre ! - Citoyen ! citoyen ! c’était le passé sombre Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour ! Nous avions quelque chose au coeur comme l’amour. Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines. Et, comme des chevaux, en soufflant des narines Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là.... Nous marchions au soleil, front haut, - comme cela -,

Dans Paris [!] accouru[On] venait devant nos vestes sales. Enfin ! Nous nous sentions Hommes ! Nous étions pâles, Sire, nous étions soûls de terribles espoirs : Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs, Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne, Les piques à la main ; nous n’eûmes pas de haine, - Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux ! « Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous ! Le tas des ouvriers a monté dans la rue, Et ces maudits s’en vont, foule toujours accrue De sombres revenants, aux portes des richards. Moi, je cours avec eux assommer les mouchards : Et je vais dans Paris, noir, marteau sur l’épaule, Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle, Et, si tu me riais au nez, je te tuerais ! - Puis, tu peux y compter, tu te feras des frais Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes Pour se les renvoyer comme sur des raquettes Et, tout bas, les malins ! se disent : « Qu’ils sont sots ! » Pour mitonner des lois, coller de petits pots Pleins de jolis décrets roses et de droguailles S’amuser à couper proprement quelques tailles, Puis se boucher le nez quand nous marchons près d’eux, - Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux ! Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes.... C’est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes ! Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats Et de ces ventres-dieux. Ah ! ce sont là les plats Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces, Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses !.. » Il le prend par le bras, arrache le velours Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule, La foule épouvantable avec des bruits de houle, Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer, Avec d[s]es bâtons forts et d[s]es piques de fer, Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,

 6

 

Tas sombre de haillons t[s]aignant de bonnets rouges : L’Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout Au roi pâle et suant qui chancelle debout, Malade à regarder cela ! « C’est la Crapule, Sire. ça bave aux murs, ça monte, ça pullule : - Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux ! Je suis un forgeron : ma femme est avec eux, Folle ! Elle croit trouver du pain aux Tuileries ! - On ne veut pas de nous dans les boulangeries. J’ai trois petits. Je suis crapule. - Je connais Des vieilles qui s’en vont pleurant sous leurs bonnets Parce qu’on leur a pris leur garçon ou leur fille : C’est la crapule. - Un homme était à la bastille, Un autre était forçat : et tous deux, citoyens Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens : On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose Qui leur fait mal, allez ! C’est terrible, et c’est cause Que se sentant brisés, que, se sentant damnés, Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez ! Crapule. - Là-dedans sont des filles, infâmes S[P]arceque, - vous saviez que c’est faible, les femmes, - Messeigneurs de la cour, - que ça veut toujours bien, - Vous avez craché sur l’âme, comme rien ! Vos belles, aujourd’hui, sont là. C’est la crapule. « Oh ! tous les Malheureux, tous ceux dont le dos brûle Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont, Qui dans ce travail-là sentent crever leur front Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ! ceux-là, sont les Hommes ! Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir, Où l’Homme forgera du matin jusqu’au soir, Chasseur des grands effets, chasseur des grandes ch[a]uses, Où, lentement vainqueur, il domptera les choses Et montera surtout[sur Tout], comme sur un cheval ! Oh ! splendides lueurs des forges ! Plus de mal, Plus ! - Ce qu’on ne sait pas, c’est peut-être terrible : Nous saurons ! - Nos marteaux en main ; passons au crible

Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant ! Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant De vivre simplement, ardemment, sans rien dire De

...

Télécharger :   txt (41.1 Kb)   pdf (91.9 Kb)   docx (30.8 Kb)  
Voir 30 pages de plus »
Uniquement disponible sur Essays.club