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Le rôle de Berthe - Madame Bovary - Flaubert.

Par   •  10 Avril 2018  •  2 298 Mots (10 Pages)  •  1 361 Vues

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lorsque sa mère est malade, après sa rupture avec Rodolphe.

En fait, Emma est si désintéressée par Berthe que les autres personnages, particulièrement les personnages masculins, doivent souvent lui rappeler l’existence de sa fille. Ainsi, lorsque Léon quitte Yonville et vient dire au revoir à Emma, il demande à embrasser Berthe ; de même, lorsque Emma et Léon se retrouvent à Rouen des années plus tard, il demande des nouvelles de Berthe – alors qu’Emma, bien loin de penser à sa fille en ces moments, envisage l’adultère. En outre, lorsque Emma envisage de fuir avec Rodolphe, c’est lui qui doit lui rappeler l’existence de sa fille, qu’elle semblait avoir tout à fait oublié à ce moment : « -Emmène-moi ! s’écria-t-elle. Enlève-moi !... Oh ! Je t’en supplie ! Et elle se précipita sur sa bouche, comme pour y saisir le consentement inattendu qui s’en exhalait dans

un baiser. -Mais..., reprit Rodolphe. -Quoi donc ? - Et ta fille ? Elle réfléchit quelques minutes, puis répondit : -Nous la prendrons, tant pis ! - Quelle femme ! se dit-il en la regardant s’éloigner."

Emma cherche toujours à se détacher de Berthe, comme si elle assimilait cette enfant à son mariage avec Charles. Dans un épisode du roman, elle se montre même violente à son égard : la petite fille tente d’approcher sa mère, alors que celle-ci est en proie au désespoir de la solitude, après sa discussion avec l’abbé Bournisien ( « Mais, entre la fenêtre et la table à ouvrage, la petite Berthe était là, qui chancelait sur ses bottines de tricot, et essayait de se rapprocher de sa mère, pour lui saisir, par le bout des rubans, son tablier. - Laisse-moi ! dit celle-ci en l’écartant avec la main. La petite fille bientôt revint plus près encore contre ses genoux ; et, s’y appuyant des bras, elle levait vers elle son gros oeil bleu, pendant qu’un filet de salive pure découlait de sa lèvre sur la soie du tablier. - Laisse-moi ! répéta la jeune femme tout irritée. Sa figure épouvanta l’enfant, qui se mit à crier. - Eh ! Laisse-moi donc ! fit-elle en la repoussant du coude. Berthe alla tomber au pied de la commode, contre la patère de cuivre ; elle s’y coupa la joue, le sang sortit ».

Le désamour d’Emma pour sa fille contraste avec l’amour que portent à Berthe les autres membres de la famille, qui s’illustre régulièrement dans le roman. Ainsi, le romancier fait se contraster les rêves de Charles, et ceux de sa femme : Charles rêve à l’avenir de Berthe ("(...) car il voulait que Berthe fut bien élevée, qu’elle eût des talents, qu’elle apprît le piano. Ah ! Qu’elle serait jolie, plus tard, à quinze ans, quand, ressemblant à sa mère, elle porterait comme elle, dans l’été, de grands chapeaux de paille ! On les prendrait de loin pour les deux soeurs" ), tandis qu’Emma rêve de s’échapper avec son amant ("Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau, d’où ils ne reviendraient plus. Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler"). Même le père Rouault, qui n’a jamais rencontré sa petite-fille, a plus de mots d’amour pour elle, dans le roman, qu’Emma elle-même : « Il me fait deuil de ne pas connaître encore ma bien-aimée petite-fille Berthe Bovary. J’ai planté pour elle, dans le jardin, sous ta chambre, un prunier de prunes d’avoine, et je ne veux pas qu’on y touche, si ce n’est pour lui faire plus tard des compotes, que je garderai dans l’armoire à son intention, quand elle viendra ».

Cependant, Emma ne hait pas sa fille : de temps à autre, elle a même de brusques accès de passion envers elle. Par exemple, peu après sa naissance, alors que Berthe est encore en nourrice, elle est gagnée par l’envie soudaine de la voir. De même, elle fait preuve de patience envers sa fille peu après sa rupture avec Rodolphe : « Elle fit revenir à la maison sa petite fille, que son mari, durant sa maladie, avait renvoyée chez la nourrice. Elle voulut lui apprendre à lire ; Berthe avait beau pleurer, elle ne s’irritait plus. C’était un parti pris de résignation, une indulgence universelle. Son langage, à propos de tout, était plein d’expressions idéales. Elle disait à son enfant : - Ta colique est-elle passée, mon ange ? ». Mais il est frappant de voir qu’Emma ne se retourne vers sa petite fille que lorsqu’elle se sent seule, ou mélancolique : elle adopte la même attitude envers Berthe qu’envers la religion, qu’elle utilise pour se sentir bien, mais sans trop y croire.

Berthe est un personnage à part, dans la mesure où elle est bien peu présente tout au long du roman. Cependant, en tant que fille unique du couple Bovary, elle symbolise leur destinée. Le lecteur sait bien peu de choses à propos de Berthe. Elle semble n’exister que par la conception que les personnages autour d’elle ont d’elle. Malgré son très jeune âge dans l’espace du roman, le lecteur peut toutefois deviner en Berthe une personne radicalement différente d’Emma. Tout d’abord, elle a les yeux bleus : or, les yeux de couleur changeante d’Emma expriment au mieux son mal-être, sa noirceur. Les cheveux blonds de Berthe contrastent également avec les cheveux noirs d’Emma, ainsi que le fait qu’elle soit mal vêtue sans que cela ne lui importe : « [Charles] souffrait (...) à la voir si mal vêtue, avec ses brodequins sans lacet et l’emmanchure de ses blouses déchirée jusqu’aux hanches, car la femme de ménage n’en prenait guère de souci. Mais elle était si douce, si gentille, et sa petite tête se penchait si gracieusement en laissant retomber sur ses joues roses sa bonne chevelure blonde (...) ». Les caractéristiques émotionnelles même de la petite fille semblent indiquer qu’elle sera radicalement différente de sa mère : échappera-t-elle au monotone destin des "Madame Bovary" ?

Malheureusement non : comme sa grand-mère, la première femme de son père et sa mère, toutes trois des "Madame Bovary", "Mademoiselle Bovary "connaîtra un triste destin. Flaubert met en place, dans son roman, un sens du fatum, qu’il reprend de la tragédie : les femmes de la lignée ne peuvent échapper à ce destin, celui de Berthe Bovary étant une véritable misère : « Quand tout fut vendu, il resta douze francs soixante et quinze centimes qui servirent à payer le voyage de mademoiselle Bovary chez sa grand-mère. La bonne femme mourut dans l’année même ; le père Rouault étant paralysé, ce fut une tante qui s’en chargea. Elle est pauvre et l’envoie, pour gagner sa vie, dans une filature de coton ». Comme disait Charles de manière si philosophique : "C’est la faute de la fatalité" : Berthe

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