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La Peur, Maupassant (1882)

Par   •  26 Septembre 2018  •  3 556 Mots (15 Pages)  •  956 Vues

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D’autre part, la nature n’est pas pour Maupassant un simple décor, elle a une fonction symbolique. Dans notre récit elle est sauvage, et de ce fait, elle est dangereuse et effrayante pour l’homme. Elle est considérée comme un véritable personnage car elle introduit le fantastique et participent pleinement à l’action. Ainsi, les dunes hautes comme des montagnes « qui semblent une tempête silencieuse de vagues immobiles » et la forêt sinistre qui abrite une « voute de sapins dont le vent déchainé tirait des hurlements » provoque l’effroi. Ces éléments naturels n’ont pas de limites visibles, ils ouvrent sur l’infini et sont ainsi porteurs d’interrogations et sources d’angoisse. En outre, le cadre spatio-temporel de la deuxième anecdote avec l’accueil étrange des hôtes ainsi que le comportement étrange entre l’invité et les personnes qui l’entourent participent à l’apparition du fantastique. En effet, le récit qu’il nous raconte se déroule dans une forêt au Nord-ouest de la France, une nuit d’hiver où la tempête gronde. Le passé simple « vint » utilisé pour mettre ne évidence la tombé de la nuit montre qu’il s’agit d’un événement rare, celle-ci est arrivée « deux heures plus tôt ». La phrase « triste temps » ou l’hyperbole « immense rafale » et l’adverbe « tant » dans « tant le ciel était sombre » intensifient cette idée d’obscurité dans laquelle est plongé la forêt. Cette nature est également personnifiée dans les deux récits comme nous pouvons le voir avec les dunes « imaginez une tempête silencieuse de vagues immobiles en poussière jaune. Elles sont hautes comme des montagnes, ces vagues inégales, différentes, soulevées tout à fait comme des flots déchaînés, mais plus grandes encore, et striées comme de la moire. Sur cette mer furieuse, muette et sans mouvement, le dévorant soleil du sud verse sa flamme implacable et directe » ou bien la forêt « sous une voûte de sapins dont le vent déchaîné tirait des hurlements. Entre les cimes, je voyais courir des nuages en déroute, des nuages éperdus qui semblaient fuir devant une épouvante. Parfois, sous une immense rafale, toute la forêt s'inclinait dans le même sens avec un gémissement de souffrance ». Ainsi, la Nature chez Maupassant n’est plus un simple élément de décor. Elle crée et instaure un climat qui participe à la tension dramatique et plonge le lecteur dans une atmosphère angoissante. Ainsi, Maupassant nous crée une narration et un cadre qui seront propices au surgissement du fantastique.

- Le basculement du réel vers le fantastique : le surgissement du doute

D’après Enrico Fulchignoni : « Le fantastique présente un bouleversement, un déchirement, une irruption insolite presque insupportable dans le monde réel (...) c'est une agression, il bouleverse en avilissant et en décriant un ordre immuable, inflexible, que rien, dans aucun cas, ne pourrait modifier, et qui paraît la garantie même de la raison ». Pour ce dernier, il existe donc des liens étroits entre le réel et le fantastique. A l'ordre rationnel et immuable du monde s'oppose le fantastique, qui de ce fait, apparaît comme étranger à notre monde habituel, fondé sur des certitudes scientifiques. Dans un premier temps, le monde réel est nécessaire au fantastique. Le fantastique ne peut que se greffer sur un univers réel à l’inverse du registre merveilleux. Dans le registre merveilleux, le surnaturel est accepté en tant que tel par le lecteur ( par exemple les contes de fées). Le fantastique lui, a besoin du réel pour exister par différence. Ainsi, dans un premier temps, le récit cadre nous indique un lieu réel « Devant nous, la Méditerranée » ou encore « l’œil tourné vers l’Afrique ». Ensuite, dans les deux récits narrés par le voyageur, la présence de lieux réels est également mentionnés : « les grandes dunes au sud de Ouargla » et « dans une forêt du Nord-Ouest de la France ».

D’autre part, le fantastique est également l'irruption violente d'un univers primitif et inquiétant qui fait vaciller notre raison. Tout l'art du récit fantastique consiste à tourner nos préventions rationalistes. Une lente gradation, une préparation savante suivies d'un dénouement brutal préparent les failles par où fera irruption un univers barbare, soumis à des lois étrangères. En effet, dans le premier récit du voyageur, l’irruption du tambour crée un trouble et par la suite une angoissante indéfinissable pour le personnage «Soudain un de nos hommes poussa une sorte de cri ; tous s'arrêtèrent ; et nous demeurâmes immobiles, surpris par un inexplicable phénomène, connu des voyageurs en ces contrées perdues. Quelque part, près de nous, dans une direction indéterminée, un tambour battait, le mystérieux tambour des dunes ; il battait distinctement, tantôt plus vibrant, tantôt affaibli, arrêtant, puis reprenant son roulement fantastique. » Même après ce mystérieux bruit, le personnage ne saurait le définir et en expliquer sa cause : « Pardon, Monsieur, mais ce tambour ? Qu'était-ce ? Le voyageur répondit : Je n'en sais rien. Personne ne sait. ». En outre, on peut également analyser ce doute et cette angoisse naissante dans le second récit. Dans la plupart des récits, la nuit, comme nous l’avons mentionné dans notre première partie, crée les conditions d'émergence du fantastique. Il suffit alors d'un évènement inattendu, d'une erreur de perception, d'une altération des sens, auditifs mais surtout visuels, pour que la raison chancelle, pour que le récit bascule tout d'un coup dans l'étrange et l'angoisse. En effet, face aux attitudes du braconnier, de ses fils et celle du chien, le voyageur ne sait plus que croire, lui qui pensait que ces attitudes étaient des « craintes imbéciles », sera au final submerger par la peur et le doute « J'allais tenter encore de les apaiser, quand le chien endormi s'éveilla brusquement et, levant sa tête, tendant le cou, regardant vers le feu de son œil presque éteint, il poussa un de ces lugubres hurlements qui font tressaillir les voyageurs, le soir, dans la campagne. Tous les yeux se portèrent sur lui, il restait maintenant immobile, dressé sur ses pattes comme hanté d'une vision, et il se remit à hurler vers quelque chose d'invisible, d'inconnu, d'affreux sans doute, car tout son poil se hérissait …. Malgré moi, un grand frisson me courut entre les épaules. Cette vision de l'animal dans ce lieu, à cette heure, au milieu de ces gens éperdus, était effrayante à voir. Alors, pendant une heure, le chien hurla sans bouger ; il hurla comme dans l'angoisse d'un rêve

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