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George Sand - Indiana.

Par   •  11 Juin 2018  •  3 074 Mots (13 Pages)  •  635 Vues

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Le seul statut de la femme pour le colonel est la soumission et l’obéissance : elle n’a même pas droit à la parole (« Taisez-vous »), son mari peut l’enfermer et la contraindre par la force (« Vous pouvez lier mon corps, garrotter mes mains, gouverner mes actions »). Le moindre refus de sa part est considéré comme une « révolte ouverte » qui doit être réprimée. Le colonel, conforté par la loi, pense donc avoir tous les droits et tous les pouvoirs sur son épouse, ce qu’Indiana va contester aussi bien par ses paroles que ses attitudes.

III. La victoire d’Indiana

A) Un personnage plein de courage et de conviction.

Indiana dispose de plusieurs armes dans cette scène :

La première arme d’Indiana consiste dans son courage : elle ne montre aucune peur ni aucune faiblesse devant son mari, ni devant ses insultes, ni devant l’agression physique. Le narrateur souligne sa maitrise de soi tout au long de la scène par les didascalies (« digne et froid comme elle », « d’un ton glacial », « sans changer de visage »), alors que son mari se laisse emporter par la colère ou la surprise au point de verdir et de chevroter : son recours à la violence se révèle une marque de faiblesse, voire de défaite, dont il a lui-même conscience (« il sentit qu’il avait tort, et il ne craignait rien tant au monde que de rougir de lui-même »). Et l’intervention froide et menaçante de Ralph confirme cette défaite du colonel qui se voit lui-même obligé de céder à une force supérieure.

Le courage est la marque de la détermination d’Indiana : contrairement à son époux, pris au dépourvu par la remise en question radicale des bases de son fonctionnement conjugal, Indiana a réfléchi après l’épreuve qu’elle a vécue pendant la nuit ; après avoir été trahie par son amant, elle n’accepte plus d’être sous la dépendance totale d’un homme, de faire dépendre de lui ses choix de vie et son bonheur ; elle veut désormais clamer ouvertement son affirmation de sa liberté morale, à défaut d’être matérielle et physique. Sa résolution s’exprime à travers la clarté de ses réponses, sans demi-mesure et sans concessions : « Non, monsieur », « J’y tiens fort peu », « Je le crois », « Je ne le veux plus ». Rejetant absolument le modèle de l’épouse soumise, elle affirme sa volonté face à son mari, en employant le verbe vouloir à quatre reprises ainsi que le champ lexical de la volonté : « intention (2 fois), volonté (3 fois), de mon plein gré, conviction ». Le recours fréquent à la forme négative montre aussi la force de sa résistance qui paraît inébranlable : « vous n’avez pas le droit », « vous ne pouvez rien », « non m’empêcher de penser », « vous n’êtes pas moralement mon maître », « il n’aurait pas su m’y contraindre », « non pas parce que telle est votre volonté », « je n’obéirai jamais qu’à moi-même ». Cette volonté de résistance est ancrée depuis toujours dans la nature même d’Indiana, comme l’a souligné le narrateur dès le début du roman : (« Elle n’aima pas son mari, par la seule raison peut-être qu’on lui faisait un devoir de l’aimer, et que résister mentalement à toute espèce de contrainte morale était devenu chez elle une seconde nature, un principe de conduite, une loi de conscience. » (I, 6), mais c’est ici la première fois qu’elle l’exprime en paroles.

Indiana se trouve également confortée par la force de sa conviction : il ne s’agit pas pour elle de se justifier, comme si elle était coupable de quoi que ce soit, mais au contraire de prouver son bon droit et la justesse de ses revendications. C’est ce que montre dans le texte sa volonté de convaincre, maintes fois affirmée : « Je veux vous convaincre », « pour vous prouver... », « pour vous montrer... ». C’est donc elle qui a des leçons à donner à son mari, et non l’inverse.

On peut dire enfin qu’Indiana trouve des armes dans le caractère même de son mari, qualifié ailleurs par le narrateur de « petit d’amour-propre et violent de sensations » ou encore d’ « enfant irritable, rigoriste et ridicule ». En effet, face à la résolution pleine de dignité de sa femme, le colonel apparaît comme ridicule dans ses prétentions et dans sa colère puérile face à Indiana qui enfin lui résiste ouvertement. Ses arguments n’ont aucun poids car ils ne sont fondés que sur des préjugés bornés. Indiana sait aussi jouer de la vanité du personnage (« il ne craignait rien tant au monde que de rougir de lui-même ») en lui montrant que son recours à la contrainte physique et à la violence le dévalorise à ses propres yeux et aux yeux de l’opinion publique (« votre dignité n’y gagnerait rien »).

B) Le retournement de situation : l’affirmation de la liberté intérieure.

C’est évidemment Indiana qui sort victorieuse de cette scène : alors qu’elle semble se soumettre à la loi conjugale, qu’elle accepte de se placer sous le « patronage » de son mari et de l’accompagner à la Réunion, elle affirme ici clairement les limites de l’autorité maritale et la revendication de sa propre liberté.

Cette victoire d’Indiana est d’abord signifiée explicitement par les interventions du narrateur omniscient* au début et à la fin du passage : ainsi le colonel nous est-il montré d’emblée « contraint devant elle, maté par la supériorité de son caractère », ce qui inverse totalement le rapport de force, puisque la soumission et l’infériorité se trouvent désormais du côté du mari. De même, la phrase qui conclut la scène insiste sur le « respect » du colonel pour sa femme, qui dément ses paroles précédentes.

La répartition de la parole manifeste également la supériorité de l’héroïne : elle parle plus que son mari, s’affirme de plus en plus longuement, répond pied à pied à ses insultes de façon froide et raisonnable. C’est elle finalement qui donne des conseils et même des ordres (« ne perdez pas votre temps », « Occupez-vous du départ »). Enfin, loin de se voir réduite au silence comme le prétend son mari, c’est elle qui interrompt le colonel dans sa dernière réplique.

À travers la force d’âme de son héroïne, G. Sand opère dans cette scène un retournement de situation paradoxal : Indiana montre à son mari que, malgré les apparences, elle conserve toute sa liberté intérieure. Alors que la loi fait du mari le « maître » et le « seigneur » de sa femme, son pouvoir est finalement limité : il n’a même pas réussi à enfermer sa femme qui s’est

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