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Commentaire Le myrte Yves Bonnefoy

Par   •  21 Septembre 2017  •  3 477 Mots (14 Pages)  •  1 025 Vues

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Ainsi, le poème étudié défait la réalité. D'une part, la tension entre héritage classique et modernité permet de construire un monde onirique. D'autre part, la quête de simplicité permet de plonger la poème dans indétermination tout en renforçant l'onirisme. Enfin, cette impression de rêve permet au poème de tendre vers une universalisation.

Une poésie de la matière

Ensuite, le monde de rêve décrit par le poème ne consiste pas à rendre de compte de sentiments mais à faire sentir au lecteur de nombreuses sensations. Ainsi le poème ne présente pas une écriture de l'abstraction mais une écriture de la matière. D'une part, ce sont les éléments qui enracinent l'écriture poétique dans la matière. D'autre part, le poème étudié se définit comme une œuvre sensitive et non une œuvre de l'abstraction. Enfin, les cinq sens donnent une connotation érotique au poème.

poétique de l'élémentaire

Les éléments naturels permettent au poète d'ancrer la poésie dans la matière ; d'où l'importance de l'eau, du feu, et de la terre dans l’œuvre étudiée. La terre est présentée, dès le premier vers, en position de complément d'objet direct du verbe savoir. Or le sujet de ce même verbe est « je ». Il en découle l'idée que la terre constitue un objet, un matériau du poète. En se fondant dans la matière, Le myrte s'oppose alors à une conception de la poésie de l'Idée. L'élément de la terre se retrouve aussi à travers l'évocation de la pierre au troisième et au quatrième vers. Dans les deux vers, le mot « pierre » marque la césure de l'alexandrin. Cette position valorisante témoigne de l'importance de l'élément dans la création poétique. Par ailleurs, le langage poétique lui-même s'imprègne de la matière minérale. Ainsi les allitérations en [r] et en [s], associées aux voyelles graves «[o] et [ou] donnent l'impression d'une harmonie imitative, où le langage imite la raucité de la pierre. L'assonance en [eu], dans le second hémistiche du vers 4, renforce l'impression de cette harmonie imitative. Ainsi il y a bien l'idée que le langage lui-même s'imprègne de la matière ; et ceci s'oppose à une conception de la poésie comme abstraction. Au vers 2, le lecteur peut relever le nom abstrait « angoisse ». Celui-ci jaillit des pierres, éléments concrets et matériels: « quand elle sourd des pierres chaudes ». Il y a donc l'idée que les éléments abstraits naissent de la matière. La poésie se définit donc avant tout comme une matière et non une abstraction. Par ailleurs, la présence de l’élément aquatique et du feu ancrent définitivement le langage dans la matière. Le lecteur peut relever les vers 6 et 7 : « c'étaient de grands feux brefs de lumière vestale,/ Ainsi je t'inventais parmi tes cheveux clairs. » Le verbe « inventais » renvoie directement à la création poétique.L'adverbe « ainsi », placé à l'ouverture du vers, marque un lien de conséquence entre les deux vers. Il en découle l'idée que la création poétique est la conséquence de la vision du feu. Ainsi, c'est bien la matière, et par extension le monde concret, qui permet la création.

Un poème emprunt de sensualité

Par ailleurs, l'emprunte de la matière dans le langage se marque aussi, dans le poésie, par l'omniprésence des cinq sens. Le lecteur peut remarquer que les cinq sens sont très présents dans le texte, soit par évocation directe, soit par suggestions allusives. Le goût est représenté dès le premier vers, par le biais du verbe « buvait ». Le sens du goût s'étend dans le second vers, par l'évocation des « lèvres ». L'ouïe est suggérée par le verbe « disait » au vers 6, ainsi que par la présence des « voix » dans le dernier quatrain. Par ailleurs, l’adjectif « clairs » fait subtilement allusion à la vue, et sa place à la rime montre toute l'importance de la sensualité dans le poème. La lumière qui sature tout le poème rappelle aussi le sens de la vue. Cependant, par la chaleur qui s'en dégage, la lumière évoque aussi le toucher. Le lecteur peut relever le champ lexical de la lumière et de la chaleur : « chaude » et « été » (v.3), « un jour » (v.6), « feux » et « lumière vestale » (v.7)Il s'opère alors une fusion entre les sens, en particulier la vue et le toucher, qui renvoie à l'idée d'un monde continu, où tout s'unit. De plus, le toucher est incontestablement le sens le plus représenté dans le poème. En effet, l’omniprésence de la chaleur et de la lumière, associée à des termes tels que « séché » et « corps » suggère clairement le sens du toucher. Ainsi le poème ne consiste pas à décrire des concepts abstraits, mais à faire sentir leur présence au lecteur ; d'où une poésie de la matière.

Érotisme

En outre, en rapport avec la présence du pronom à la deuxième personne, le sens du toucher donne une connotation érotique au poème. Le lecteur peut par exemple relever le verbe « nous brûlions » au vers 5. Ainsi, les éléments en rapport avec le corps saturent le poème d'une forme de lasciveté. En effet, dès le premier quatrain, à travers le groupe nominal « tes lèvres » le narrateur semble esquisser un portrait de femme. Mais la description est uniquement allusive, elle se constitue par mots-clés, en mêlant quelques éléments corporels à forte connotation érotique au poème. Ainsi le lecteur peut relever les groupes nominaux, « tes lèves » au vers 2, « tes « cheveux clairs » et « nos corps » au vers 10. Il est intéressant de noter que les parties du corps citées dans le poème les plus représentatives du blason. Ainsi dans ce portrait elliptique tout réside dans l'art de la suggestion qui permet de faire affleurer une pointe d'érotisme. les sonorités renforcent la lasciveté qui se dégage de la description. En effet, les mots se renvoient les uns aux autres par de subtils échos sonores, permettant ainsi d'étendre, phonétiquement, les éléments corporels dans le poème. Pour le motif des lèvres, le lecteur peut relever l'allitération de deux consonnes continues. D'une part le [v] de « lèvres » est déjà annoncée au vers précédent par le [v] de « buvais ». D'autre part, le [l] de « lèvres » est repris dans le mot suivant « l'angoisse ». Il y a un donc un effet d'encadrement sonore du mot« lèvres » qui permet d'étendre,

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