Le hussard sur le toit Jean Giono
Par Junecooper • 2 Février 2018 • 1 700 Mots (7 Pages) • 565 Vues
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« En aimant le peuple, se disait-il, je suis comme ce sous-officier au bord de sa route où il ne passe que des renards. » (Chapitre I)
Témoin de l’avancée fulgurante de l’épidémie de choléra, Angelo parvient péniblement à rejoindre Manosque, où lui a donné rendez-vous Giuseppe. Il se trouve violemment saisi par une foule hargneuse après avoir trempé ses mains dans une fontaine, devenant l’ennemi étranger responsable des malheurs de la patrie. La catastrophe sanitaire se fait soutien d’un nationalisme violent :
« Il a jeté du poison dans la fontaine des Observantins. C’est un complot pour faire périr le peuple. C’est un étranger. Il a des bottes de milord » (Chapitre VI)
Son nouveau statut d’ennemi du peuple l’empêchant de circuler librement, Angelo se réfugie sur les toits, passant la nuit dans des greniers désertés et chapardant ça et là sa subsistance. Incapable d’agir en une telle situation, il passe de nombreuses heures à réfléchir sur les principes qui sont les siens. Colonel ouvertement membre de la charbonnerie italienne, il s’interroge sur ses conceptions de la nation du peuple, de la patrie et de la révolution :
« Il voyait toujours la liberté comme les croyants voient la Vierge. Les plus sincères des hommes sur lesquels ils comptaient le voyaient toujours comme chose à modalité et qu’il faut d’ailleurs confier aux philosophes si l’on ne veut pas être pris sans vert » (Chapitre VI)
« Dès qu’il pensait à la liberté qu’il voyait sous les traits d’une belle femme jeune et pure marchant à travers les lys d’un jardin, il perdait son sens critique. C’est le dada de tous les beaux enfants nés d’une patrie subjuguée et même tyrannisée. » (Chapitre VI)
L’idéalisme révolutionnaire se doute d’un certain pessimisme quant à la mise en œuvre d’une violence desservant plus souvent des intérêts personnels que des idéaux communs :
« Ce qui importait était de les faire entrer dans le rang. Le nôtre bien entendu. La première vertu révolutionnaire, c’est l’art de faire foutre les autres au garde à vous. Une fois abrutis par un ou deux cadavres, ils étaient dans votre poche, et ils vous auraient laissé parler. Vous leur auriez dit que nous sommes tous frères. Nous aurons besoin de beaucoup de bedeaux pour dire amen, même en France. » Chapitre VI
« C’est une belle économie de moyens de n’avoir plus qu’à diriger des terreurs toutes prêtes, des ivresses dont Dieu est le cabaretier » Chapitre VI
« Est-ce qu’il n’existerait alors que la royauté comme but final de l’homme ? Dès que la passion peut se donner libre cours, tout le monde cherche à se faire roi » Chapitre VI
Descendu dans les rues, Angelo se retrouve aux côtés d’une religieuse à nettoyer des cadavres. Le désintéressement de sa compagne tout comme l’inutilité de son action amène le lombardien à interroger la valeur de ses propres actes :
« Cette lutte pour la liberté, et même pour la liberté du peuple que j’ai entreprise, pour laquelle j’ai tué (…), pour laquelle j’ai sacrifié une situation honorifique (…), est-ce que je l’ai entreprise vraiment parce que je la crois juste. (…) Il est incontestable qu’une cause juste, si je m’y dévoue, sert mon orgueil (…) Tu vois déjà que le mot peuple peut être enlevé du débat sans inconvénient. Je pourrais même mettre n’importe quoi à la place du mot liberté par un équivalent. (…) Alors la lutte ? Oui, ce mot-là peut rester. » (Chapitre VII)
Apprenant que Giuseppe s’est réfugié en campagne avec la plupart des habitants de Manosque, Angelo s’efforce de l’y rejoindre. Surprenant plusieurs personnes se débarrassant de nuit des cadavres de leurs proches par crainte d’une quarantaine forcée, il s’interroge sur le patriotisme et les liens de solidarité entre un même groupe social. L’action politique apparaît comme accaparée par une élite forte de schémas théoriques semblant ignorer le naturel égoïsme de tout homme :
« Te voilà maintenant avec ton nom de patriote ! Nous sommes donc des patriotes ! (…) Et de quel droit parler de patrie si tu ne sais pas que n’importe quel laboureur et tout le basso continuo des vies modestes la construisent plus solidement, sillon à sillon et pain quotidien à pain quotidien, que ne la construisent toutes les charbonneries avec leurs buissons fiévreux et leurs forêts de Christophe Colomb. » (Chapitre VIII)
« Est-ce qu’il n’existerait alors que la royauté comme but final de l’homme ? Dès que la passion peut se donner libre cours, tout le monde cherche à se faire roi » (Chapitre VIII)
Angelo parvient à retrouver Giuseppe et tous deux élaborent un plan pour rejoindre l’Italie malgré les barrages établis sur l’ensemble du territoire. L’interprétation de l’évènement ayant contraint Angelo à l’exil (l’assassinat d’un officier autrichien) révèle les visions différentes des deux frères sur la manière de mener à bien l’idéal révolutionnaire. Giuseppe reproche à Angelo d’avoir agi selon le modèle aristocratique du duel et de ne cesser de raisonner au travers de principes inintelligibles pour les masses populaires :
« Il y a dans l’assassinat plus de vertus révolutionnaires [que le duel]. Il faut leur enlever jusqu’à leurs
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