La Chasse au bonheur, Jean Giono (1988 – publication posthume)
Par Raze • 9 Novembre 2018 • 1 856 Mots (8 Pages) • 1 090 Vues
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- Il corrige la représentation du bonheur qu'ont les gens en changeant le temps des verbes : il passe du conditionnel ("si j'avais ceci, si j'avais cela, je serais heureux" l.8) au présent de l'indicatif ("j'ai ceci, j'ai cela, je suis heureux" l.10)
- cf. la répétition du mot "quotidien" ("le plus quotidien des présents" l.10, "quotidiennement" l.14)
=> Giono critique la vision commune du bonheur, et en déduit les valeurs qui fondent sa conception : simplicité et satisfaction de ce qu'on a pour savourer le présent
- Les clefs du bonheur
→ le bonheur est dans le monde
Giono (qui, rappelons-le, a connu la guerre) ne nie pas l'existence des problèmes et des choses négatives : le lexique péjoratif montre bien sa lucidité ("ce qui est laid, [...] bas, [...] facile, [...] commun" l.20-21, "sordide ou terrible" l.33). Mais le monde offre par ailleurs une source de bonheur infinie :
- l'auteur le montre en faisant une longue liste de ce qui est mis à disposition de l'homme ("Tout est de grande valeur : une foule, un visage, des visages, une démarche, un port de tête, des mains, une main, la solitude, un arbre, des arbres, une lumière, la nuit, des escaliers, des corridors, des bruits de pas, des rues désertes, des fleurs, un fleuve, des plaines, l'eau, le ciel, la terre, le feu, la mer, le battement d'un coeur, la pluie, le vent, le soleil, le chant du monde, le froid, le chaud, boire, manger, dormir, aimer". l.24-29). Cette énumération offre des exemples très variés des bonheurs possibles, puisqu'elle est bâtie sur :
> des couples de termes opposés (antithèses : "une foule" / "la solitude", "une lumière / la nuit", "le froid / le chaud")
> des termes évoquant des aspects opposés du monde (l'humain avec "une démarche, un port de tête" / la nature avec "des fleurs, un fleuve, des plaines" et les quatre éléments "l'eau, le ciel, la terre, le feu")
> des termes évoquant le très petit ("le battement d'un coeur") et le très grand ("le soleil", "le chant du monde")
> des couples de mots déclinés au singulier et au pluriel ("un visage, des visages" ; "des mains, une main" ; "un arbre, des arbres")
→ le bonheur est en soi-même
Giono va même plus loin : le bonheur est en fait moins dans le monde que dans l'homme lui-même. Pour atteindre le bonheur, il a des ressources internes :
> les sens : c'est l'outil universel et gratuit pour accéder au bonheur ("on peut sortir [du malheur] quand on veut à l'aide des sens" l.21 ; il faut "se mettre en rapport avec les objets du dehors par le moyen des impressions que ces objets font directement sur les sens" l.35). Giono développe surtout deux sens : la vue ("les couleurs" et les "formes" l.38-39) et l'ouïe (les "bruits" et les "sons" l.39-40). Les sens sont des instruments d'accès au monde : d'où la métaphore qui compare le bonheur à un microscope, permettant de grossir la valeur des choses du monde que les sens permettent de découper. La seule chose qu'ait à faire l'homme, c'est d'aiguiser ces outils, c'est à dire exercer ses sens ("dès que les sens sont suffisamment aiguisés, ils trouvent partout ce qu'il faut pour découper les minces lamelles destinées au microscope du bonheur" l.24).
> la morale : c'est la condition pour avoir de l'estime de soi, et donc être heureux ("il suffit de rester de plain-pied avec les grandes valeurs morales" l.18). Giono nous le fait comprendre avec une image surprenante : "il y a un compagnon avec lequel on est tout le temps, c'est soi-même : il faut s'arranger pour que ce soit un compagnon aimable. Qui se méprise ne sera jamais heureux" (l.18-19). Le dédoublement de soi auquel oblige cette métaphore nous permet de prendre du recul par rapport à nous-mêmes
> l'âme : c'est la "richesse" de l'homme (l.37), au sens figuré, quelle que soit sa condition sociale. Giono montre son importance par une anaphore qui la met en valeur : "C'est par l'âme que les rapports de couleur prennent leur saveur. C'est l'âme qui donne aux formes leurs valeurs sensuelles. C'est de l'âme que vient la puissance d'évocation des bruits et l'architecture des sons" (l.38-40).
=> L'homme est ainsi capable de "fabriquer le bonheur [...] comme il fabrique des globules rouges" (l.31) : cette comparaison montre que l'aptitude au bonheur fait partie de l'organisme humain, de sa "nature" (l.30).
Conclusion [1-2mn]
- [bilan = réponse à la pbmatique en une phrase simple] Giono montre ainsi que l'homme ne doit pas "chasser" son bonheur mais le "fabriquer" chaque jour : car le bonheur est plus simple et accessible que ce qu'on croit, grâce aux sens qui permettent de saisir les beautés du monde, grâce à la morale qui permet l'estime de soi, et grâce à l'âme qui fait la richesse de l'homme. Le bonheur est donc une aptitude intérieure.
- [ouverture = élargissement] cf. Les deux autres textes de la séquence qui, chacun à sa manière, défendent aussi des valeurs de simplicité (La Fontaine avec sa fable qui oppose le savetier et le financier ; Diderot avec son conte philosophique qui oppose les valeurs des Tahitiens et les valeurs des Européens : argumentations indirectes)
OU un document complémentaire (l'étude d'Harvard, la sculpture de Diop, un autre texte du livre 1, 2, 3... bonheur!)
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