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Une moralisation par le rire

Par   •  15 Février 2018  •  2 707 Mots (11 Pages)  •  1 212 Vues

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soulignée. Force... spectateur, termes qui donne l’idée d’un effet sur le spectateur. La comédie s’impose donc à l’instinct primitif, au corps, au rieur. Mais son effet n’est pas qualifié : peut-être un effet moral somme toute ? Ce que remet René Bray en cause est l’intentionnalité de l’œuvre de Molière, pas le résultat qu’il peut créer chez le spectateur, ce qu’atteste la fin de la citation… donc, il dit juste que le but de Molière n’était pas de moraliser ; mais cela peut peut-être être le résultat quand même.

Les pièces de Molière sont des « machines à rire » (Bernadette Rey-Flaud). Mais en même temps, avec un impact indéniable, autant que les satires de l’époque de Louis XIV, mais aussi avec des traits plus profonds de la nature humaine.

On ouvre ainsi une réflexion sur relation entre rire et morale.

Problématique : Entre l’excès d’une peinture trop moraliste et celui d’un comique absolu détaché de toute signification, poser les bases d’une réflexion sur une éthique du rire qui dépasse la contradiction du ridicule en tant que dérision à visée corrective et un esthétisme du rire dépourvu de tout contenu éthique.

I- Une moralisation par le rire

Un théâtre tourné vers la réforme des mœurs et leur déconstruction satirique.

1- Ridicule et disconvenance

« La disconvenance est l’essence du ridicule »(Molière). La comédie présentée dans ce texte comme un mécanisme de régulation sociale qui, au nom des principes de l’honnête homme, montre du doigt ce qui sort de la norme. Le ridicule, rire empreint d’un jugement moral, mettrait en évidence l’écart entre la norme raisonnable et un comportement déviant. Si ma raison pousse les individus à abdiquer leurs désirs pour s’insérer dans le corps social, alors le ridicule est comme la sanction informelle qu’afflige le corps social pour celui qui s’oppose à toute évolution. Cf. l’honnête homme incarné par des personnages dans chacune des pièces : Béralde dans le Malade Imaginaire, Chrysalde dans L’Ecole des Femmes.

La satire moliéresque s’appuie sur un effet de reconnaissance des spectateurs, de miroir où ils peuvent reconnaître leurs contemporains ou eux-mêmes. L’appareil est culpabilisant, comme un outil répressif au service d’une société des honnêtes gens. La comédie est la gardienne des bienséances, qui traque l’extravagance de celui qui revendique trop son ego au détriment de l’harmonie collective. Cf. personnage du vieux barbon, Arnolphe, Argan. Ou celui des Précieuses. Cf. encore Béralde qui propose à son frère de venir assister à une comédie de Molière, comme thérapie. La comédie est ici une catharsis à fonction éthique pour tirer Argan de l’erreur où il se trouve et lui ouvrir les yeux.

2- La critique de la société

Cf. Médecine dans le Malade Imaginaire, et préciosité des Précieuses Ridicules. Dans ces oeuvres, Molière veut représenter le ridicule de la médecine comme de la préciosité. Pour la médecine, il s’agit de montrer l’écart entre la réalité et les apparences, le mensonge et la vérité. La comédie est alors une entreprise de démystification : les Précieuses Ridicules en se rendant compte que ce sont des valets qui les ont bernées, sont démystifiées, comme la précieuse qui observe ces ridicules agir. Pour la médecine, renversement complet : le médecin donne la mort, II, 2. Ces charges contre la vanité, la puissance, le goût passionné du pouvoir, dénoncent la médecine comme une hypocrisie, une fausse dévotion. La volonté est de démasquer les imposteurs, ce que l’on constate aussi pour L’Ecole des Femmes et le sort de la femme. La comédie ne cherche peut-être pas à donner une leçon de morale, mais travaille plutôt à ouvrir les yeux de ses contemporains.

3- Une philosophie de la nature, théâtre et éthique

Si Molière ne cherche pas à corriger les hommes et leurs mœurs, rappelle du moins certaines évidences, fondées sur un rapport plus juste avec la nature et la vérité, l’optique d’une vie personnelle et sociale plus harmonieuse (Cf. l’éducation d’Agnès contre nature, et l’union avec Barbon contre nature, la nature reprend ses droits sur elle lorsqu’elle retombe amoureuse et empêche sa bêtise). Toinette oppose le réel, cf. scène avec Tomès « Hippocrate dira ce qu’il lui plaira, mais le cocher est mort ». Cf. aussi la discussion entre Béralde et Argan (III, 3), raisonneur qui, par son argumentation, se livre à une déconstruction du monde totalitaire et fanatique des médecins. Il y a ici l’exposé d’une philosophie de la nature plus conforme au bon déroulement de la vie humaine : « la nature, d’elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C’est notre inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout ; et presque tous les gommes meurent de leurs remèdes et non pas de leurs maladies ».

Il est donc difficile de nier la portée satirique et morale de l’oeuvre de Molière, puisqu’il est question de la compréhension de la nature humaine et de la société, du démontage des mécanismes du pouvoir et des ressorts profonds du comportement : cupidité, vanité, soif de puissance, etc.

Le souci moraltransparaît dans le ridicule susceptible de faire réfléchir les spec. Rire pourrait alors rendre efficace le propos moral. Mais peut-être faut-il renverser cause et effet : la description des travers et défauts est peut-être juste le meilleur moyen pour Molière de parvenir à son but réel: faire rire. Rire, non pas au service de la morale, mais utiliser la morale pour susciter le rire.

II- Une création autonome

La peinture de vices a pour dessein de faire rire

1- Le primat du rire et du plaisir

Molière sait que ce n’est pas en tendant aux spectateurs le miroir de leur existence et de leurs vices qu’on peut capter durablement leur attention. Cf. la Critique de l’Ecole des Femmes : « ces sortes de satire tombent directement sur les mœurs, et ne frappent point les personnes que par réflexion ; ce sont des miroirs publics, où il ne faut jamais témoigner qu’on se voie » : satire et correction des mœurs constituent la matière

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