Plaidoyer ,Prendre la défense de Claude GUEUX (V.Hugo)

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Toutefois, vous m’accorderez Mesdames et Messieurs l’idée que nul homme ne peut supporter les injustices indéfiniment sans rassembler au fond de lui une boule de rage qui menace d’exploser au fur et à mesure que se dressent devant lui des attitudes qui n’ont comme seul but que d’attiser la haine. En cela, je veux voir en le comportement de Monsieur. D ,qui s’amusait sans aucun respect pour l‘homme mais aussi avec un réel plaisir de destruction, un manifeste abus de pouvoir et une provocation évidente : à chaque fois que Monsieur Gueux lui demandait de réintégrer Albin dans son quartier, un refus était systématique, sans aucune justification.

Ne dit-on pas que la patience à des limites ?

Ce 25 octobre, mon client donne un délai de neuf jours au directeur pour faire revenir Albin mais aussi pour se fixer une limite dans sa soumission et son acceptation presqu'inhumaine des injustices multipliées depuis si longtemps. Évidemment, en position de force, Monsieur. D continua à s’amuser et à refuser sans tenir compte de la violence des souffrances de Monsieur Gueux…

Il est vrai que l’accusé a commis l’irréparable en tuant Monsieur. D dans des circonstances sanguinaires et horribles… Il l’a massacré avec une haine bestiale ,aidé par de nombreux prisonniers certainement également victimes du directeur despote… À ce moment, tout ce que Monsieur Gueux gardait au fond de lui comme rancœur et comme rage jaillit.

Quel homme pouvait supporter plus longtemps cette situation, cet acharnement ?

Qui a-t-il tué ? Un représentant de la nation honnête, intègre et respectueux des lois de notre beaux pays, celui des droits de l’homme et du citoyen ? Un citoyen innocent ? Non ! Un tyran ! Un sadique, une honte pour l’image de nos fonctionnaires et pour l’ensemble de nos représentants ! Un homme détesté de tous !

Bien sûr, je ne saurais défendre ou accepter un tel crime car seule la Justice a le pouvoir de juger dans un pays civilisé comme le nôtre. Aucun homme n’a le droit de se faire justice soi-même mais ,de vous à moi, qui prêtait l’oreille à mon client pour entendre les abus dont il fut victime ? Qui, fut en mesure de lui tendre la main pour défendre ses droits les plus fondamentaux et condamner les fautes graves de Monsieur. D ?

Après ce malheureux incident, Claude Gueux, le premier regretta et voulu même se donner la mort tant ce comportement ne lui ressemblait pas. Son destin lui refusa la mort et il fut soigné pour se retrouver ici en partie grâce à une bonne sœur qui a su lui donner la force de défendre ses idées et résister face aux injustices en se présentant devant vous ,dans l’espoir de changer les mentalités et faire en sorte que plus jamais un homme ou une femme se retrouve dans sa peau.

Oui, selon moi, plus que pour son intérêt, Claude Gueux se livre à vous pour l’intérêt commun et implore votre clémence mais aussi votre impartialité pour faire de ce pourvois un moyen pour toutes les victimes de toutes les injustices d’espérer qu’une institution suprême soit en mesure de les écouter, de les défendre et de les condamner le plus justement possible. Nous ne recherchons aucune pitié ni aucune faveur mais seulement une décision étudiée, réfléchie, fondée, expliquée attentives aux circonstances atténuantes nées d’une injustice ensuite multipliée.

Je vous remercie Mesdames et Messieurs de prouver aux Français qu’ils peuvent avoir confiance en leur Justice et de leur montrer que les sanctions seront désormais adaptées aux délits jugés.