Louis Aragon, « Prose du bonheur et d'Elsa » (« Que serais-je sans toi » (Le Roman inachevé, 1956)).
Par Ninoka • 1 Mai 2018 • 1 625 Mots (7 Pages) • 2 394 Vues
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sans toi « v.3,5,6) est enfin découvert par l’intercession d’Elsa (« J’ai tout appris de toi sur les choses humaines» v.19).
=> Elsa redonne un sens au temps vécu, une continuité, une perspective qui sont ressentis comme des raisons d’espérer. Elle ne se contente pas de sauver le poète de la mort (« Tu m’as pris par la main dans cet enfer moderne », v.28)), elle lui apprend la vie.
2/ Apprendre la sensation
=> Cette initiation passe par l’apprentissage de nouvelles sensations. Elsa invite le poète qui fermait sa fenêtre et qui ne connaissait que la couleur noire à voir le monde différemment (« Et j’ai désormais le monde à ta façon », v.20).
=> Au noir du désespoir répond la couleur bleue du ciel, à l’obscurité de la pièce fermée s’oppose l’ouverture du ciel étoilé (« Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines », v.22).
=> A celle qu’il aime le poète associe par le jeu des comparaisons de la quatrième strophe, des éléments du paysage et des émotions. L’éclat des étoiles, la fraîcheur des fontaines, la musique d’une chanson et le frisson du plaisir sont ainsi réunis en quatre vers qui forment une structure embrassée par le jeu de l’anaphore :
« J’ai tout appris... (v.21) A
Comme... (v.22) B
Comme ... (v.23) B
J’ai tout appris.... (v.24) A
3/ Initier au monde
=> Mais Elsa est aussi l’initiatrice dans le domaine de la signification : l’expression « le sens du frisson » manifeste précisément la continuité entre la sensation et la compréhension du monde.
=> Elsa enseigne au poète la valeur de l’univers, l’espoir que l’amour peut y faire naître, le bonheur d’y vivre en communion avec l’autre.
=> Médiatrice de la relation au monde, elle en donne une connaissance universelle en apprenant au poète à lire les signes : « Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines » (v.22).
=> Elle est à la fois le guide (« Tu m’as pris par la main », v.28) et la source (« comme on boit aux fontaines » v.21).
=> Le bonheur est ainsi redécouvert et reçu (« comme un amant heureux », v.30).
III/ Le cantique (chant religieux) à Elsa
1/ La célébration
=> Aragon ne se contente pas de faire l’éloge d’Elsa. Il la célèbre en la chantant. Son cantique est le poème.
=> Elsa y est presque divinisée. En effet, tels les dieux et déesses, il appartient à Elsa d’avoir changé le cours de sa destinée : « si tu n’étais venue changer ma destinée » , v11.
=> Comme les princes et princesses, Elsa réveille ce cœur « au bois dormant » (v.5). Elsa, sorte de fée, a le pouvoir magique de métamorphoser les êtres qu’elle touche : « Quand ton pied s’y posa, je n’étais qu’une pierre » (v.15).
=> Elle est aussi une sainte qui secourt le martyr (couronné d’épines) : « Et n’avais relevé le cheval couronné »
=> Elle est enfin l’héroïne de l’amour, une nouvelle Ariane qui arrache le poète à l’ »enfer moderne » en le prenant par la main (5ème strophe).
=> Aragon puise ainsi dans toutes les mythologies païennes et chrétiennes pour magnifier Elsa.
2/ Le chant de l’inspiratrice
=> Dès lors le chant de l’inspiratrice peut s’élever.
=> Il ressemble à une incantation par l’anaphore « Que serais-je sans toi... » « J’ai tout appris... »
=> Le choix même du sizain permet au poète de donner toute sa dimension à la célébration de la femme aimée par la richesse des échos sonores. Ainsi chaque strophe, fondée sur deux rimes seulement, associe des mots tels que « être deux » (v.29) et « heureux » (v.30) ; « chanson » (v.23) et « frisson » (v.24).
3/ Les amants inséparables
=> Au frisson répond la chanson, comme à l’amour d’Elsa répondent les mots du poème qui tissent le lien indestructible entre les amants.
=> Cet entrelacement de destins est aussi suggéré par le schéma des rimes abaabb qui unit les rimes croisées (aba), embrassées (baab) et plates (aabb). Ce système sonore renforce l’union déjà marquée par la coexistence permanente des pronoms de la 1ère et de la 2ème personne : « Je te dois tout, je ne suis rien que ta poussière » (v.13).
=> Les métaphores de la 3ème strophe soulignent encore le jeu de miroir qui existe entre les deux amants : le poète est le lierre qui s’attache à Elsa,le « fidèle miroir » où elle se reconnaît, l’ombre de sa lumière.
Conclusion
=> L’amour célébré par Aragon dans ce poème est un échange. La femme donne au poète le goût de vivre et d’espérer, le désir de chanter « Comme au passant qui chante on reprend sa chanson » (v.23).
=> A ce don généreux, presque divin, répond précisément le chant de la célébration, écho d’un cœur ranimé. Le poème est en ce sens une véritable leçon de vie.
=> C’est ainsi que, par la plénitude de la poésie,le poète échappe
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