Les Travailleurs de la mer, Victor Hugo
Par Ramy • 20 Novembre 2018 • 1 533 Mots (7 Pages) • 638 Vues
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deuxième paragraphe Hugo utilise le démonstratif : « cet homme », qui désigne Clubin ; puis,
au début du troisième paragraphe on trouve l’article indéfini, « un hypocrite », et, enfin, dans
la dernière phrase, l’article défini, « l’hypocrite ». Le discours devient donc de plus en plus
généralisant. Le pronom « il », utilisé à la ligne 15 pour désigner Clubin sert ensuite ligne 17
pour désigner « un hypocrite ». Il ne s’agit pas seulement de Clubin mais du portrait de tous
les hypocrites, de l’hypocrite en général. On remarque d’ailleurs l’utilisation du pronom
indéfini « on » (l 20) et du présentatif (« c’est », lignes 16/20) qui donne au discours un
caractère universel. Le temps utilisé à partir du deuxième paragraphe est le présent : « un
hypocrite est un patient » (l 16), qui a une valeur de vérité générale. Hugo formule des
phrases qui ressemblent à des définitions, à des aphorismes : on peut relever l’utilisation de
l’infinitif : « Avoir menti, c’est avoir souffert » (l 16), caractéristique des formules
proverbiales. Le texte est une dénonciation violente de l’hypocrisie, qui transforme les êtres
en monstres.
Hugo associe l’hypocrite à des images très péjoratives, qui donnent à ce
comportement un caractère monstrueux. A la ligne 4 le verbe « s’accoupler » associe Clubin
à une bête. Le mot « monstre », utilisé à la ligne 6 est repris ensuite par le mot
« difformité » ligne 23. L’hypocrite semble une créature dangereuse, sans forme, presque
contre nature. Les métaphores utilisées pour évoquer les actions des hypocrites sont
d’ailleurs très violentes : « écumer, mordre, dévorer, chatouiller du poignard, sucrer le
poison ». Pour Hugo, l’hypocrisie est une boisson répugnante, comme le montre la
métaphore filée des lignes 27/30 : « Boire, répugne, haut-le-cœur, vomir, salive ». Le partitif
utilisé à la dernière ligne, « de la petitesse », a lui aussi un effet péjoratif. Les allitérations en
S, très nombreuses, évoquent le serpent, souvent associé au « fourbe » au « traitre » dans
l’imagerie chrétienne. On peut relever pas exemple, des lignes 27 à 34 : « scélératesse,
glissement, redressement, petitesse », où se trouvent à chaque fois deux S. Mais l’image
choisie par Hugo, si elle reprend la forme et la sinuosité du serpent, est plus péjorative
encore puisqu’il s’agit du « ver » (l 32). Pour lui, l’hypocrite est à la fois dangereux et
méprisable.
La dernière phrase du texte qui a la forme d’un jugement et frappe d’autant plus
qu’elle est très brève et que le dernier mot est un monosyllabe. Les deux mots utilisés
« titan/nain » sont opposés mais c’est le dernier mot qui est mis en valeur puisqu’il est
séparé du reste de la phrase par la virgule. Le mot « nain », très péjoratif, désigne ici
l’absence de grandeur, l’absence d’héroïsme qui caractérise pour Hugo l’hypocrite : il n’a
même pas la grandeur du « despote », du véritable scélérat, comme le montrent la négation
restrictive ligne 33 : « n’est autre chose que », et l’expression « deuxième rôle ». Hugo
condamne violemment ce type de comportement et implique le lecteur en utilisant la
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deuxième personne dans le texte pour le convaincre : « ceux qui vous vénèrent (l 21),
ajoutez à cela (l 30) », il s’agit bien d’une argumentation. L’hypocrisie apparaît à la fois
comme un véritable danger, comme un comportement qui déforme l’humanité : un
« contresens » (l 12), mais aussi comme une attitude vile, méprisable, qui détruit le fourbe.
La répétition des mots hypocrite et hypocrisie tout au long du texte montre l’importance de
cette dénonciation pour Hugo. (((On peut d’ailleurs rappeler qu’il surnommait Napoléon III,
auquel il s’était opposé, et à cause duquel il était exilé, « Napoléon le petit ».))) On comprend
toute la complexité de cette figure d’hypocrite : il souffre de son propre masque, il est à la
fois inquiétant et risible, orgueilleux et misérable.
Le portrait de Clubin a donc permis à Hugo de montrer toute la monstruosité dont
l’humanité est capable et il fait de ce personnage une sorte d’allégorie difforme de
l’hypocrisie. Son personnage est plus inquiétant que celui qui est évoqué dans le texte de
Christine Angot dont le portrait, plus satirique, a un effet comique. On pourrait le comparer
aux hypocrites des comédies de Molière, et peut-être plus particulièrement à Tartuffe, un
personnage lui aussi très paradoxal, dangereux, grotesque et pourtant séduisant. La
littérature permet ainsi au lecteur de percevoir les complexités des comportements
humains.
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