Incipit de Pierre et Jean de Guy de Maupassant
Par Matt • 20 Août 2018 • 1 444 Mots (6 Pages) • 1 070 Vues
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b) Des frères unis sous l’autorité du père
- Pierre et Jean veulent faire plaisir à leur père : complicité : ils rient de l’agacement de leur père. Ils lui font croire qu’ils partagent sa passion pour la pêche (« le même mensonge qui ravissait le père Roland »). - Ils semblent unis : « en même temps » « le même mensonge ». Présentation symétrique des deux frères. Ils s’opposent tellement physiquement qu’ils en semblent complémentaires : Pierre = « un homme de trente ans à favoris noirs coupés comme ceux des magistrats, moustaches et menton rasés » // Jean : « un grand garçon blond, très barbu, beaucoup plus jeune que son frère ». – Autorité du père : c’est lui qui interroge ses fils ; et comme le suggère la dernière phrase de notre extrait : « air satisfait de propriétaire ».
III) Des apparences trompeuses
a) Un début de récit qui laisse perplexe :
- Peu d’informations sur l’action et les personnages - Pauvreté de l’action - Des propos insignifiants
b) Des dissonances :
- Un roman qui commence par « Zut » - jeu d’oppositions et de parallélismes dans la présentation des deux frères (« à bâbord/à tribord ») qui tout en soulignant leur proximité prépare leur éloignement. - déséquilibre initial au sein du couple Roland : dans la présentation du père désignés par les termes « le père Roland » « le bonhomme », nous avons un certain nombre d’indices physiques et langagiers, notamment le registre d’expression familier, les manies de pêcheur (« Le vieux pêcheur la huma vivement, comme on sent des roses ») et les interjections dénotent le caractère commun voire trivial du personnage. A l’opposé, sa femme apparaît comme douce : « elle murmure » et plus distinguée, contemplative : « regardait d’un air attendri le large horizon ». - Les ruses du narrateur : il se veut discret : une volonté de cacher la présence du narrateur. Le texte cherche à donner l’impression que le récit se déroule de lui-même sans l’intervention d’une voix extérieure (c’est l’ambition du récit réaliste) car la voix du narrateur est le signe du caractère artificiel de tout récit. Mais le narrateur s’immisce dans la narration. Le lecteur est tenté de croire que la description des poissons est faites par M. Roland. En fait, si c’est lui qui voit, c’est le narrateur qui parle. Morbidité et personnifications qui suggèrent que les poissons sont une métaphore des personnages. Contradiction entre les propos de M. Roland et la description des poissons.
Conclusion :
Concis et efficace, l’incipit de Pierre et Jean est un modèle du genre. Il place sous les yeux du lecteur le tableau typique d’une famille de la petite bourgeoisie en pleine partie de pêche, et l’anime d’un dialogue vif, en apparence anodin. La force de l’incipit tient à sa capacité à projeter rapidement le lecteur dans l’action du roman, en présentant les personnages principaux directement, comme les décors de l’histoire. L’incipit, au premier abord, dessine une famille heureuse et unie. Mais malgré cette apparente unité familiale, des dissensions se manifestent déjà. D’où originalité par rapport à d’autres incipit de récits réalistes.
Lecture comparée de l’incipit et de l’excipit
La similarité de la situation finale et de la situation initiale rend nécessaire une comparaison entre ces deux passages, qui sera l’occasion de rappeler les grandes règles de construction du récit. Dans les deux cas, la scène se déroule sur l’eau, lieu instable, lieu transitoire, lieu de sortie ou d’entrée : Pour Pierre, l’entrée au Havre, au début du roman, précède le départ du Havre, l’exil, au dénouement. Cette comparaison montre qu’une telle construction parallèle est très probablement intentionnelle, et qu’elle relève de l’art de la mise en scène du narrateur. On peut rapprocher cet aspect du texte avec la théorie de la « logique ordinaire des faits » évoquée dans « Le roman ». Ces effets de parallélisme sont à mettre en parallèle des propos de Maupassant dans sa « préface » qui réfléchit aux difficultés auxquelles se heurte tout écrivain cherchant à « faire vrai », à être réaliste : « Faire vrai consiste donc à donner l’illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession ». Maupassant rappelle ainsi que le
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