Die liebe in côte d'ivoire
Par Junecooper • 12 Février 2018 • 25 934 Mots (104 Pages) • 744 Vues
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Aussi, se trouve-t-il ramené, toutes choses égales d’ailleurs, à la situation du conteur traditionnel. Son matériau lui est fourni, il peut puiser à pleine mains dans le patrimoine culturel. Au niveau, on n’entend pas de lui une innovation. Mais il faut noter que les difficultés de son entreprise de restitution fidèle des réalités culturelles du conteur ivoirien se situent à un autre niveau. Son œuvre de conteur n’est valable que dans la mesure où elle constitue un écho sincère de l’authenticité de la culture ivoirienne et rend compte de la particularité de la forme de sensibilité attachée à cette culture. Le conteur traditionnel a l’avantage sur Dadié de se trouver, au moment où il exerce son métier, confronter avec son auditoire. Il peut mesurer sur l’heure l’effet de so jeu sur son public qui ne le suivra pas en dehors d’un cadre précis. Dadié, tiré entre les deux cultures, culture ivoirienne et culture européenne, s’adressant à un public divers, doit usant de thèmes donnés, sauvegarder au conte dans la mesure du possible sa spécificité et élargir son audace par le recours à d’autres procédés littéraires susceptibles de satisfaire les exigences esthétiques du public ivoirien voire africain. C'est dire l’importance de l’art dans l’œuvre de B. B. Dadié, comme dans le conte traditionnel.
On prend facilement conscience de la complexité de la tâche de l’auteur du Pagne noir, dont une grande partie du public, son public ivoirien connait le répertoire qu’il présente. Dadié, par contre, n’a plus les ressources du conteur traditionnel qui fait appel à la musique, à la mimique, à la danse, et dont la présence effective agrémente les « dits » à l’occasion. Sur le plan psychologique le conteur traditionnel tire un merveilleux parti de la complexité de mille éléments. Il parle des animaux à des personnes qui partagent la familiarité quotidienne des bêtes, qui les savent rôdant dans la proximité immédiate du village. Se basant donc aux lois strictes de l’oralité, de peur de toute dispersion inutile de l’intérêt, il peut se contenter d’une description sommaire de son personnage qu’il suscite par le geste, la mimique, l’intonation. C’est facile pour lui de faire cas de la voix nassillarde de l’araignée, les fesses fléchies de l’hyène et la gourmandise de cette dernière. Mieux, une sorte de conditionnement du public sert le conteur traditionnel. En effet, le public croit à l’existence d’un surnaturel, au dynamisme des forces de la nature, à la vitalité des choses et à l’existence, à l’incarnation de forces mauvaises dans des démons et génies.
Enfin, il conte la nuit, à l’heure où chaque chose est elle même et son ombre, réalité et surréalité, ou le royaume des ombres réduit singulièrement l’espace vital des humains, de l’obscurité lourde de forces mystérieuses et maléfiques s’étend d’une façon menaçante. Cette situation privilégiée, n’est pas la même pour Dadié, qui avec son public disparate, ne peut réagir à l’unisson. D’une façon durable, il ne peut aller à la rencontre de toutes les aspirations de ce public qui n’a plus la même approche des mêmes problèmes, ni une commune voie d’appréhension du réel, qui ne prie plus les mêmes dieux d’une façon unique léguée par la tradition. Sur le plan de la jouissance esthétique, la volonté de Dadié de retourner aux sources de l’art africain parait compliqué et difficile dans son entreprise, à faire cohabiter dans son œuvre deux formes d’art. En clair, sa tâche est plus complexe que celle de son émule. Il ne jouit pas de cette complexité des circonstances, de cette ouverture, de cette disponibilité latente du public.
Cependant, certains des moyens par lesquels il ajoute au charme de ses contes font défaut au conte traditionnel. Cela montre que la question de l’art dépend de la nature du conte. Certains procédés interviennent selon qu’il est oral ou écrit. C’est l’évidence, une certaine esthétique s’attache à l’oralité, une autre à l’écriture. Dadié, qui a le souci de donner un témoignage de l’oralité culturelle de son monde ivoirien, fait passer dans l’écriture des procédés propres à l’oralité. On a tort de trop souvent mettre presque exclusivement l’accent sur l’heureux usage des techniques issues de la littérature moderne dans le Pagne noir. L’autre aspect de la question tout aussi important reste le passage de l’oralité à l’écriture.
Un des soucis de Dadié comme nous l’avons dit, est de porter témoignage dans son œuvre du talent du conteur traditionnel. Il s’attache en particulier, non seulement à porter témoignage de la valeur et de pérennité de sa culture mais à donner une preuve tangible de l’adaptabilité de cette dernière.
Pour cerner l’intérêt du problème de l’art dans le Pagne noir, il est nécessaire de recadrer cette œuvre dans son contexte historique véritable (colonisation), de garder à l’esprit ses conditions de gestation. Il ne s’agit pas, comme un certain contexte tendrait à le aire croire, d’insuffler un surcroit de vitalité à une culture moribonde ou menacée de l’extérieur, mais de faire la preuve de son dynamisme et de son acceptation d’un certain mouvement. Il n’est pas douteux que la colonisation et avant elle multiples invasions à des degrés divers a occasionné des variations et même un certain piétinement, pour ne pas parler d’arrêt brutal, du développement de cette culture. Cependant, à l’époque où Dadié porte son attention sur le patrimoine culturel ivoirien inspirant son recueil de contes, des Africanistes renommés avaient déjà établi la preuve de la valeur de ces cultures, et les Africains qui avaient pu accéder aux études supérieures en Europe avaient pris nettement conscience de ce que la révélation et la relance de cette culture pouvaient constituer comme appoint dans la lutte contre certaines théories colonialistes, telles celles de l’inexistence d’une quelconque personnalité culturelle africaine et de l’assimilation.
Ainsi, Dadié a accrédité dans un domaine particulier, celui du conte, l’originalité de cette culture. D’autres l’avaient tenté et faire la preuve que l’Africain peut se trouver parfaitement à l’aise dans la culture occidentale ; mieux, qu’il n’y a rien d’antinomique dans ces deux cultures, qu’elles peuvent contribuer au triomphe de valeurs universelles. Ce sont là, les deux phases du mouvement de la négritude. Pour ce qui est du premier aspect de la tentative de Dadié à savoir l’affirmation de l’oralité des cultures noires, on sait ce que l’on devait déjà à l’ardeur, à l’enthousiasme des africanistes
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