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De l'esprit des lois - Montesquieu

Par   •  20 Avril 2018  •  1 759 Mots (8 Pages)  •  639 Vues

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♦ Mais le lecteur peut aussi comprendre que Montesquieu va exprimer les arguments qu’il avancerait dans un monde imaginaire où il serait pro-esclagiste. Le conditionnel exprime alors l’imaginaire, l’irréel. En expliquant ce qu’il répondrait s’il était défenseur de l’esclavage, Montesquieu sous-entend qu’il n’est justement pas pro-esclavagiste.

B – L’ironie

- L’ironie consiste à dire/ écrire le contraire de ce que l’on pense. En d’autres termes, il s’agit de faire semblant d’adhérer à une proposition fausse (de telle manière que l’on montre que l’on n’est pas d’accord avec la proposition évoquée) pour souligner le décalage entre cette proposition et la réalité.

Or c’est exactement ce que fait Montesquieu tout au long de ce texte.

- L’antiphrase est en effet omniprésente : Montesquieu suggère systématiquement le contraire de ce qu’il dit.

Par exemple, dans le troisième argument, Montesquieu soutient que les esclaves « ont le nez si écrasé qui est presque impossible de les plaindre. » Or l’emploi de l’adverbe de quantité « presque » suggère justement qu’il est possible de plaindre les esclaves, trahissant ainsi l’opinion réelle de Montesquieu.

- De même, l’incise « surtout une âme bonne » dans la phrase « On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir » déconstruit la proposition précédente (les personnes noires ont une âme) en suggérant justement qu’elles ont une âme mais que celle-ci ne peut pas être bonne.

- Le recours fréquent à des formes de l’exagération souligne également l’ironie de l’auteur.

Par exemple, l’argument économique choque par sa disproportion. En effet, Montesquieu pointe que la finalité de l’esclavage est d’acheter du sucre bon marché : « Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves. » Le sucre n’étant pas une denrée vitale, cette finalité de l’esclavage est dérisoire et disqualifie l’argument économique.

- On observe également de nombreux superlatifs – « Si écrasés » (l. 6) ; « si naturel » (l. 10) ; « d’une si grande conséquence » (l. 17) – et des hyperboles – « les meilleurs philosophes du monde» (l. 14) – qui discréditent, par leur disproportion, les thèses esclavagistes.

- Montesquieu utilise l’ironie pour se moquer des arguments esclavagistes et les discréditer. Il fait également ressortir l’absurdité des thèses esclavagistes.

C – Un raisonnement par l’absurde

- Montesquieu construit son discours comme une démonstration logique, mais juxtapose en réalité une suite d’arguments qui se détruisent d’eux-mêmes par leur absurdité.

- En s’appuyant sur des postulats, Montesquieu met par exemple en relief l’absence de fondements de la pensée raciste : « On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux » (l. 11) ; « Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun » (l. 14).

- Il établit aussi des liens et des analogies entre des faits qui n’ont rien à voir les uns avec les autres.

Par exemple, dans le premier argument, il écrit que les peuples d’Europe ont dû mettre en esclavage les peuples d’Afrique car ils avaient exterminé les peuples d’Amérique. Or en quoi les peuples d’Afrique sont-ils concernés par l’extermination des peuples d’Amérique ? Le rapprochement entre ces deux peuples est illogique.

Dans le 4ème argument, Montesquieu avance qu’on peut juger les hommes par la couleur de leur peau puisque les Egyptiens jugeaient les hommes par la couleur de leurs cheveux. Encore une fois, l‘analogie (=la comparaison) établie est si absurde que l’argument est ridiculisé.

Le huitième argument est également parlant : Montesquieu utilise la forme du syllogisme pour donner les apparences de la logique. Mais le propos est absurde : il consiste à dire que le traitement réservé aux noirs est tellement inhumain et contraire aux principes religieux que les esclavagistes, pour justifier leurs actes, doivent nécessairement rejeter les noirs hors de l’humanité. Or la logique suppose justement le contraire : si les Européens étaient de bons chrétiens, ils incluraient les peuples d’Afrique dans le genre humain.

- En dénonçant l’hypocrisie des défenseurs de l’esclavage qui cherchent à se donner bonne conscience, Montesquieu montre que l’esclavagisme va à l’encontre des principes humanistes, rationnels et chrétiens qu’il défend.

Conclusion :

Ce texte est un brillant réquisitoire contre la pensée raciste que Montesquieu démystifie en en déconstruisant méticuleusement la logique. En mettant en place un faux plaidoyer en faveur de l’esclavage, Montesquieu pousse son lecteur à réfléchir et à questionner la logique de cette institution, dans une démarche fidèle à celle des philosophes des Lumières. C’est au nom des idéaux des Lumières – la raison, la tolérance, l’humanité – et contre l’obscurantisme, que Montesquieu démontre l’absurdité des thèses esclavagistes. Le parallèle peut être établit avec le chapitre 19 de Candide dans lequel Voltaire dénonce également avec ironie le caractère infamant de l’esclavagisme.

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