La petite guerre au canada
Par Stella0400 • 19 Février 2018 • 3 367 Mots (14 Pages) • 516 Vues
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Ainsi, les autorités françaises ont eu une politique très cohérente vis-à-vis des Amérindiens en ce qui concernaient le paiement des scalps des ennemis anglais et de leurs alliés. Bien qu’intermittente, cette politique a permis entre 1692 et 1760 de s’assurer la collaboration des autochtones et de facto assurer la présence française en Nouvelle-France à moindre coût. Ainsi, d’un point de vue stratégique, elle a contribué à renforcer l’impact psychologique de la Petite Guerre sur les populations anglaises. Bien que perçue comme immorale en Europe, cette pratique a été tacitement soutenue, occasionnellement encouragée officiellement comme en témoigne la correspondance entre Versailles et les administrateurs coloniaux. Cette politique, par ailleurs, a été directement mise en œuvre par certains gouverneurs de Nouvelle-France, comme le Comte de Frontenac ou le Marquis de Vaudreuil. L’un des premiers gouverneurs à mettre en place une politique de primes en l’échange de scalps a été le Comte de Frontenac qui avait promis dix écus aux Amérindiens en l’échange des scalps qu’ils lui ramèneraient. Par la suite, lors de la guerre de succession d’Espagne, les primes ont été suspendues pour finalement être réinstaurées par le Marquis de Vaudreuil.
La torture a elle aussi été institutionnalisée en Nouvelle-France. Les Canadiens eux-mêmes torturaient comme en témoignait Bacqueville : « un Français commença à lui passer un canon de fusil sur les pieds, un Outaouais en prit un autre, ils le grillèrent les uns après les autres jusqu’au jarret pendant qu’il continuait de chanter tranquillement ». Cette politique de torture a été encouragée par les administrateurs français comme le gouverneur Frontenac. La coutume amérindienne fut ainsi transposée dans la culture coloniale au sein de l’appareil judiciaire et son emploi devint légitime: « elle devient plus acceptable étant ainsi utilisée aux fins de l’autorité coloniale ».
Le soutien politique de la Petite Guerre a d’autant été plus facile que la colonie était avant tout une société militaire acquise à la cause de la Petite Guerre et dirigée par un gouvernement militaire. Le gouvernement français a favorisé l’accession aux plus hautes fonctions militaires aux officiers nés aux Canada. Des officiers qui étaient à la fois rompus à la Petite Guerre et convaincus de sa légitimité. L’institution militaire de Nouvelle-France a ainsi assuré sa pérennité et sa stabilité intrinsèque en ne promouvant que des officiers canadiens en son sein. Le corps des officiers devint ainsi irrémédiablement canadien. De plus, bien que les autres grades aient été recrutés en France, les troupes de marines étaient aussi dirigées par des officiers canadiens.
II. La nécessité de la petite guerre.
Compte-tenu de la nature de la colonie française, isolée de la Métropole et de la puissance humaine et militaire de la Nouvelle-Angleterre, la Petite Guerre s’est clairement imposée dans les esprits canadiens comme le seul moyen efficace d’assurer leur propre survie dans un environnement hostile. D’un point de vue cognitif on a donc justifié son usage et en accepté les déviances comme la pratique des scalps et de la torture pendant les XVIIème et XVIIIème siècles. Au fil du temps, la Petite Guerre est devenue une doctrine informelle en matière de faire la guerre.
L’adhésion cognitive à la Petite Guerre s’est développée tout d’abord en raison de la situation d’isolement de la colonie française. Le climat canadien qui rendait pendant près de six mois le Saint-Laurent non navigable, empêchait les navires de France transportant des vivres, des hommes et la correspondance d’arriver jusqu’à Québec. Mais l’isolement de la colonie française était aussi le résultat du manque d’intérêt relatif de la part des autorités françaises et de la supériorité sur les mers de la marine britannique. Ainsi la Royal Navy, devenue hégémonique sur l’Atlantique, empêcha l’aide de la Métropole d’atteindre la colonie française. Mais ce fut d’abord et avant tout la « canadianisation » de l’institution militaire qui assura l’adhésion cognitive à la Petite Guerre.
Les croyances de l’époque justifiaient l’usage de la Petite Guerre car elle était devenue la façon la plus naturelle de se battre. L’apprentissage puis le transfert de cette méthode de guerre irrégulière ont été possibles en raison de l’absolue nécessité de s’allier aux Amérindiens. En effet, l’étendue du pays conjugué au sous-peuplement ne laissait guère le choix aux Canadiens face aux menaces iroquoises et anglaises: s’allier aux autochtones. A leur contact, les colons ont peu à peu adopté leurs coutumes. La culture amérindienne permit ainsi aux Canadiens de s’adapter au climat, aux nécessités du transport, d’alimentation, d’habillement. Peu à peu plusieurs coutumes remplacèrent et transformèrent les habitudes des migrants français. Les équipements et les accessoires de la guerre amérindienne furent rapidement assimilés par les colons. Les corps expéditionnaires employèrent les mocassins comme chaussures réglementaires. Les raquettes en hiver et les canots en été rendaient les déplacements des combattants plus discrets : « les Français empruntèrent souvent le costume indien au complet depuis les peintures de guerre jusqu’au pagne ». Peu à peu, les colons français, à cause de la guerre à l’amérindienne, furent coupés de leurs origines européennes et de facto perdirent les références culturelles et éthiques européennes. Au cours du XVIIIème siècle les représentants du Roi avaient noté que les Canadiens étaient devenus un peuple ayant une vision du monde bien différente de celle de leur mère patrie.
Ainsi, bien que la pratique des scalps apparaisse à l’époque comme un acte de barbarie, cela ne choquait guère la population de Nouvelle-France. Tout d’abord en raison des pratiques judiciaires en France de l’époque qui étaient tout aussi barbares, mais surtout en raison d’un phénomène d’accoutumance et de nécessité. En effet les colons arrivant en Nouvelle-France toléraient cette pratique par pragmatisme car les Anglais en faisaient usage tout comme les nations amérindiennes ennemies des Français. En justifiait cognitivement son emploi, on lui donnait une légitimité.
Certains experts des pratiques autochtones, qui ont par la suite pris des postes dans la milice, ont transféré leur savoir. Ils ont ainsi contribué à l’assimilation de la guerre à l’amérindienne au sein de l’institution militaire de la colonie. Ce fut le cas par exemple pour Médard Chouart des Groseilliers,
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