Commentaire discours Bismark : "Par le fer et par le sang"
Par Junecooper • 7 Juin 2018 • 1 872 Mots (8 Pages) • 922 Vues
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Dans son discours et toujours selon sa critique du libéralisme, Bismarck explique quel est, selon lui, le rôle des députés prussiens. « Les députés auraient la tâche, plus haute, de conduire l’esprit général, de se placer au-dessus de lui » affirme Bismarck aux lignes 22 et 23. Pour lui, si la Chambre des représentants a son utilité, elle ne doit pas pour autant être subordonnée à l’opinion publique. Il est donc du devoir des députés d’aller, si besoin est, à l’encontre de l’opinion publique. En l’occurrence, Bismarck désirerait que les députés soutiennent le projet de loi du gouvernement, à l’encontre de l’opinion générale, et plus particulièrement à l’encontre des « membres de l’Union nationale », ligne 7. L’Union nationale, ou Nationalverein, étant une organisation allemande créée en 1859 et ayant pour objectif la création d’un Etat allemand dirigé par la Prusse.
Ainsi, Bismarck fait une critique du libéralisme prussien, qu’il introduit sous le prétexte du conflit institutionnel de 1862. Cependant, le véritable but de ce discours est d’introduire ses projets de constitution d’une armée permanente et d’unification de la « petite Allemagne » autour de la Prusse.
L’énonciation de ces projets passe avant tout par le souvenir des événements de 1848, cités aux lignes 30 et 31 « ce n’est pas par des discours et des décisions prises à la majorité que les grandes questions du temps se décident – cela a été la grande erreur de 1848 et 1849 ». Suite à la révolution de 1848 à Paris, un courant révolutionnaire va s’étendre à travers l’Europe. Ce courant, que les contemporains nomment le printemps des peuples, va entrainer en Allemagne la constitution d’une Assemblée dont le but sera l’unification du pays en un Reich, constitué autour de la Prusse et de son roi Frédéric-Guillaume. Celui-ci refusera la couronne impériale proposée par cette assemblée qu’il considère révolutionnaire. En effet, accepter d’être couronné par cette assemblée lui aliénerait le soutien de tous les princes allemands. Comme le dit Bismarck, la grande erreur de 1848 et 1849 aura été d’essayer de répondre à la grande question que pose l’unification allemande par « des discours et des décisions prises à la majorité » et non « par le fer et le sang ».
La force de la Prusse n’est pas son libéralisme comme le rappelle le ministre-président, mais bel et bien sa vieille tradition militariste, « nous avons un sang trop bouillant, nous préférons porter une trop grosse armure pour notre maigre corps » (lignes 23 et 24). La puissance militaire de la Prusse n’est plus ce qu’elle était depuis les guerres napoléoniennes : il y avait alors l’obligation de servir 3 ans dans l’armée active, puis 2 ans dans la réserve, 6 ans dans le premier contingent, et enfin 8 ans dans le second contingent, soit un total de 19 années sous les drapeaux. Il est donc nécessaire pour la Prusse de réformer son armée, afin de « rassembler et maintenir ensemble ses forces au moment favorable » (lignes 27 et 28).
Pour Bismarck, la Prusse doit jouer le rôle principal dans l’unification allemande. Cependant ce n’est pas par le caractère libéral de son régime qu’elle y arrivera, mais bien grâce à la force de son armée. C’est pour cette raison que ce discours est si important, l’homme fort de Guillaume Ier a bien compris que pour unir les peuples allemands autour de la Prusse il sera nécessaire d’avoir un ennemi commun : qui de mieux que l’ennemi héréditaire, celui qui a mis un terme au Saint-Empire Romain Germanique, la France ? En 1862, la France du Second Empire dispose d’une force armée bien plus importante. C’est pour cela que Bismarck insiste autant tout au long de son discours sur la nécessité de financer une armée permanente prussienne. Il rappelle également à la Chambre des députés qu’il « aurait préféré ne pas faire de fait accompli » mais que si celle-ci s’oppose toujours au budget de l’Etat ce sera la « tabula rasa ».
Ainsi, par son discours « par le fer et parle sang », Bismarck entend bien redonner à l’Allemagne et à la Prusse ses lettres de noblesse. Ce discours est intéressant pour son aspect rhétorique, mais aussi et avant tout parce qu’il constitue, en lui-même, un programme politique pour Bismarck, tout juste nommé à la tête du gouvernement prussien. Il entend bien ramener la paix à l’intérieur des frontières de la Prusse, mais également à l’extérieur. Le ministre-président semble avoir une vision presque prophétique sur le Reich allemand puisque moins de 10 ans plus tard, Guillaume Ier sera acclamé par les grands princes allemands en tant qu’Empereur du Deuxième Reich dans la galerie des glaces de Versailles.
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