Commentaire sur le discours de Charles de Gaulle de 1946
Par Stella0400 • 20 Juin 2018 • 2 849 Mots (12 Pages) • 1 151 Vues
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B) La légitimité des Assemblées découlant du mode de suffrage
Dans son discours de Bayeux de 1946, le Général de Gaulle ne met pas seulement en évidence les institutions législatives qu'il aimerait voir mises en place mais également le mode de suffrage qui devra être utilisé pour les élire.
Tout d'abord, pour la première dont le rôle est primordial car il lui revient « le vote définitif des lois et des budgets » selon les termes de Charles de Gaulle, elle devra donc être élue au suffrage universel direct. Ce mode de suffrage pourra alors lui conférer une certaine légitimité car les membres de cette Assemblée auront été élus par les citoyens. Ainsi, cela correspond à ce qui a par la suite été établi sous la Vème République pour l'élection des députés. En effet, l'article 24 de la Constitution du 24 octobre 1958 prévoit le mode d'élection des députés siégeant à l'Assemblée Nationale. Il dispose ainsi, au second alinéa, que « Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct. ». Ainsi, cela met en évidence la conformité du mode de suffrage que de Gaulle avait prévu en 1946 avec ce qu'il a pu mettre en œuvre en 1958.
Il décrit dans la suite de son discours la manière dont il souhaiterait que la seconde Chambre soit élue : « [...] pour l'essentiel, nos Conseils généraux et municipaux éliront les membres. ».
Cela correspond ainsi à un suffrage universel indirect. Plusieurs années plus tard, en 1958, l'article 24 de la Constitution dispose le mode d'élection du Sénat : « Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. ». Cet article de la Constitution met donc également en évidence le lien très étroit existant entre ce que Charles de Gaulle souhaitait mettre en place pour la IVème République et ce qu'il a réellement pu mettre en place sous la Vème République lors de la rédaction de la Constitution car les membres de la seconde Chambre sont aujourd'hui élus selon le mode de scrutin qu'il souhaitait.
Sous la Vème République, les deux Chambres que de Gaulle souhaitait voir instituées ont bien été mises en place. La première apparaît avec l'Assemblée Nationale et la seconde apparaît à travers le Sénat. Cependant, ces deux chambres ne possèdent pas la même légitimité et cela est dû au mode de suffrage qui permet l'élection de leurs membres. En effet, les membres de l'Assemblée Nationale étant élus au suffrage universel direct, ils sont choisis par la volonté des citoyens tandis que les membres du Sénat sont élus par des grands électeurs. Ainsi, les sénateurs ne procèdent pas directement de la volonté des citoyens. Cela se traduit dans la pratique par un léger ascendant de l'Assemblée Nationale sur le Sénat puisqu'en cas de désaccord entre ces deux chambres sur le vote d'une loi, c'est l'Assemblée Nationale qui aura le dernier mot.
Si dans ce discours le Général de Gaulle montre explicitement sa volonté d'affaiblir le pouvoir législatif pour éviter un régime d'assemblée tel que sous la IIIème République, il montre aussi sa volonté d'établir un exécutif fort.
II. Régime parlementaire à l’exécutif renforcé
- Sublimation du poste de Chef de l’Etat
De Gaulle dans le discours de Bayeux prononcé le 16juin 1946 évoque le renforcement des pouvoirs du Chef de l’Etat. En effet, la vision de l’ancien membre de la RPF consiste à « placé au-dessus des partis » l’Homme qui conduira la politique de la France. Son objectif est alors d’éviter l’instabilité gouvernementale de la IIIème République qui provoqua son échec. Il s’agit de s’éloigner des traditions parlementaires/républicaines françaises.
De Gaulle ainsi que les gaullistes souhaitent modifier le mode de désignation du Président. Pendant les régimes antérieurs, c’était le Parlement qui le désignait, son prestige et sa légitimité était donc interdépendante à celle de l’organe législatif.
De gaulle souhaite rompre avec cette tradition et permettre au Chef de l’Etat, théoriquement de la IV puisque nous sommes en 1946 mais finalement à celui de la Vème République, d’être « élu par un collège élargi » qui comprendrait des membres du Parlement et des conseils généraux (art 6 de la Constitution de 1958) ainsi que les Etats membres de la Communauté (art8). L’élection du Président au suffrage universel indirect serait donc conservée. Cependant, la volonté de de Gaulle en évoquant une modification est finalement d’amener à ce que le Chef de l’Etat soit élu au suffrage universel direct, créant ainsi un lien indispensable à la légitimité de celui-ci et à la possible marge de manœuvre de sa politique. Ce mode de désignation plus ouvert permettrait de soustraire la désignation du Président à l’emprise des partis. L’aboutissement de cette idée s’est opéré lorsque de Gaulle en tant que premier Président de la Vème République a conduit la révision de 1962 qui établis le suffrage universel direct comme mode de désignation du Président de la République.
De plus, en rupture avec les régimes précédents, de Gaulle dans son discours expose l’idée selon laquelle le droit de dissolution de l’Assemblée serait rétabli. En effet, l’équilibre et la séparation des pouvoirs paraissent primordiales à de Gaulle qui nous expose son projet constitutionnel dans ce discours. Ce pouvoir acquis, le chef de l’Etat serait « l’arbitre au-dessus des contingences politiques » et permettrait d’éviter un multipartisme, source d’instabilité gouvernemental et d’échec de la IIIème République. Le Président serait le seul détenteur de la mission de désignation des ministres ainsi que du Premier ministre. En réalité, sous la Vème République la désignation des ministres n’étaient pas un pouvoir propre du Président puisque cet acte était contreseing (= acte émanant du Président de la République, sur proposition du Premier ministre et signé par celui-ci).
Outre les pouvoirs qui seraient conférés au futur chef de l’Etat tel que la promulgation des lois, les décrets, il pourrait recourir au référendum outrepassant ainsi l’avis du Parlement. Dans le texte finalement adopté pour la Vème République, ce recours à l’initiative du Chef de l’Etat est possible, cependant
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