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L'Union Européenne dans les relations internationales

Par   •  12 Juin 2018  •  13 483 Mots (54 Pages)  •  386 Vues

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La convention de Lomé (28 février 1975) associe l'UE aux pays ACP pendant le dernier quart du XXe siècle. Les pays ACP bénéficient d'un régime commercial plus généreux que le SPG, puisque la quasi totalité de leurs ventes à l'UE entrent en franchise, sans obligation de réciprocité. Ils vendent aussi à l'UE du sucre, des bananes, du riz et de la viande bovine, à un prix voisin du prix communautaire. C'est surtout le Stabex et le Sysmin qui valent à l'UE la réputation d'être sensible à la revendication tiers-mondiste d'un nouvel ordre économique international. La politique européenne de développement véhicule alors une certaine image de l'Europe dans le monde, qu'elle monnaie en influence diplomatique.

C'est par rapport à cet héritage qu'on mesurera l'accord de Cotonou (20 juin 2000) qui régit pour vingt ans le « nouveau partenariat» entre l'UE et les 77 pays ACP. Constatant que sa relation « exemplaire» avec les pays les plus pauvres n'empêche par le développement de la pauvreté, de la guerre, de la corruption, l'UE se rallie au credo libéral: Trade, not Aid. On passe d'une logique de coopération à l'abri de la compétition internationale, à une logique visant à arrimer les pays ACP à la mondialisation, comprise comme un accélérateur de la croissance économique. L'UE estime que ce passage d'une politique de préférence communautaire à une politique de corégionalisme libre-échangiste conforte son rôle de régulateur institutionnel de la mondialisation. La normalisation libérale consiste à supprimer tous les avantages commerciaux accordés aux pays ACP. Les systèmes Stabex et Sysmin sont abolis. Pour les autres dispositions, l'UE obtient de l'OMC une dérogation jusqu'au 31 décembre 2007. L'UE et les pays ACP doivent négocier des accords de partenariat économique pour la période 2008-2020. En contrepartie d'une franchise totale pour ses importations dès le 1er janvier 2008, l'UE demande aux pays ACP de libéraliser 80 % de leurs marchés en dix ans. Le coût de l'ajustement sera donc exclusivement supporté par les pays ACP : perte de recette fiscale (droits de douane) et exposition à une concurrence extérieure ruineuse. L'enveloppe du 10e FED (2008-2013) prévoit une aide de 22,7 Md €, mais 27 % seulement du 9e fonds (2000-2007) ont été effectivement versés. Ces accords seront si possible conclus dans un cadre interrégional, entre l'UE et six ensembles régionaux[2]. Chaque ensemble sera une zone de libre échange et appliquera un tarif extérieur commun aux pays tiers non UE.

On rencontre ici la deuxième idée force de la politique européenne. L'UE a toujours soutenu politiquement et financièrement la constitution d'unions douanières dans les PED, contre ceux qui les estimaient contraires au multilatéralisme commercial. Puis Washington s'est converti aux vert us du régionalisme (ALENA), lorsqu'il se conforme aux conditions du GATT en prenant la forme de zones de libre-échange et non d'unions douanières protectrices.

Les révisions quinquennales de l'accord de Cotonou n'introduisent pas de changements majeurs sur le fond. Le texte signé en juin 2010 réaffirme le rôle des APD et met l'accent sur les vertus de l'intégration régionale, tout en reconnaissant les problèmes rencontrés par les États ACP (devenus 79) dans leurs efforts d'intégration à l'économie mondiale, notamment à cause de « l'érosion des préférences» dont ils bénéficiaient. Jamais des négociations entre l'UE et les pays ACP n'ont été aussi conflictuelles. À l'exception de l'APD signé avec les États des Caraïbes, l'UE n'a pu conclure que des accords intérimaires avec une vingtaine de pays d'Afrique et du Pacifique.

La mondialisation accélère la disparité des niveaux de développement et la divergence des intérêts des PED. Les 14 PED du groupe de Cairns, qui font la moitié des exportations agroalimentaires des PED critiquent les discriminations de l'UE à leur encontre. Sur plainte du Brésil et de la Thaïlande contre son protocole sucre, l'UE a été condamnée par l'OMC à réformer

profondément son organisation commerciale du marché du sucre. Les 18 États ACP concernés bénéficient de mesures d'accompagnement financées par l'UE. Le troisième axe de l'accord de Cotonou concerne la suspension possible de l'aide en

cas de violation des principes démocratiques et de l'Etat de droit. Le partenariat précise que la coopération a aussi pour but de consolider la paix et prévenir les conflits. La conditionnalité politique de la coopération Nord-Sud participe du « modèle européen », mais l'UE reste prudente et n'ignore pas les équivoques de la realpolitik.

Au total, qu'il s'agisse des pays ACP ou des autres PED, mais aussi des ex-pays communistes en transition, on comprend combien les relations économiques privées, l'aide publique, la coopération intergouvernementale et la « grande politique» des diplomates sont indissociables. Du reste, le traité de Lisbonne de 2007 a fusionné les fonctions du Commissaire chargé des relations extérieures et du Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

C. LA DIMENSION GÉOPOLITIQUE DE L'IMMIGRATION

Le continent européen prend l'aspect d'une forteresse assiégée par des dizaines de milliers de pauvres qui tentent, au péril de leur vie, d'atteindre la Grèce ou les Îles Canaries, de franchir les détroits de Gibraltar, de Sicile et d'Otrante, ou les grillages de Ceuta et Melilla.

La « pression démographique» que les pays pauvres exercent sur l'Europe fait partie du rapport de forces entre l'UE et le reste du monde. Au Conseil européen de Séville (mars 2002), le Royaume-Uni et l'Espagne ont demandé que l'UE impose des sanctions économiques aux pays de départ et de transit qui ne prennent pas de mesures pour freiner l'immigration clandestine. La France et la Suède s'y sont vigoureusement opposées, jugeant préférable « d'inciter, convaincre et coopérer plutôt que de sanctionner ». La tendance générale des législations nationales adoptées depuis une vingtaine d'années va nettement dans le sens d'un renforcement des restrictions et contraintes imposées aux étrangers souhaitant entrer pour un long séjour. Mais les différences entre les États membres font que la politique commune de l'immigration,

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