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Devoir de géopolitique

Par   •  31 Janvier 2018  •  2 758 Mots (12 Pages)  •  544 Vues

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Cette intégration croissante est en grande partie due au Brésil, qui a compris, peut-être plus que la France, l'intérêt et l'originalité de cette région pour sa stratégie d'affirmation régionale et continentale. En effet, même si la Guyane constitue un faible marché avec ses 198.000 habitants, c'est parce qu'elle est la « porte d'entrée » de l'Union Européenne qu'il tient autant à ce projet de pont qui permettra une liaison routière entre Guyane et Etat d'Amapá, c'est à dire entre France et Brésil (avec 730 km la frontière guyano-brésilienne est la plus grande frontière terrestre de France), mais aussi entre Union Européenne et Mercosur… tout en désenclavant ses Etats du nord entre lesquels s'insèrent les Guyanes : l'Amapá est le seul Etat brésilien non encore relié par voie terrestre au reste du pays. Ainsi, désormais mieux connue des Brésiliens du nord, la Guyane est chaque année invitée en tant que telle au salon du livre amazonien de Belém, ou encore à la foire industrielle de Manaus, capitale de l'Etat brésilien d'Amazonas, alors que la prolongation de la ligne aérienne Cayenne-Belém vers Fortaleza, puis la création attendue d'une ligne Cayenne-Manaus, toutes à l'initiative du Brésil, feront bientôt de Cayenne une plaque tournante des liaisons aériennes entre Europe et Amérique du sud. La Guyane essaie de s'insérer de plus en plus dans son environnement géographique et de se faire connaître et reconnaître en tant que territoire sud-américain, sans pour autant remettre en cause une appartenance française et européenne à laquelle elle doit l'essentiel de son niveau de vie et de ses revenus.

Le paradoxe veut que ce soit précisément cette appartenance européenne qui la rende attractive pour les pays de la région, après l'en avoir éloignée. C'est ce qu'a montré en 2004 le désir des pays du Pacte amazonien (OTCA) d'associer la Guyane française en tant que membre observateur à travers la France, aux travaux et débats de l'organisation. Constituée en

1978 et réunissant tous les pays d'écosystème amazonien, l'OTCA avait au début exclu la Guyane car possession européenne, elle fut en effet longtemps ostracisée par les pays du continent comme « anomalie coloniale ». Mais les temps changent et désormais son partenariat est recherché : par des réponses scientifiques « européennes » (Institut Pasteur, IRD, CIRAD…) à des problèmes communs comme la lutte contre certains parasites, avec des budgets et des compétences que l'on ne trouve pas forcément dans les autres pays amazoniens, elle a des expériences à faire partager à ses voisins. De plus, par sa situation géographique elle ne pouvait plus rester à l'écart des projets d'harmonisation des politiques amazoniennes, qu'elles soient environnementales ou même policières, dans un continent en plein processus d'intégration, où les problèmes dépassent des frontières nationales souvent artificielles.

La Guyane constitue aussi pour ces pays un morceau d'Union Européenne à proximité, qui pourra peut-être servir de point de passage pour l'exportation de leurs produits, l'Europe étant également une alternative possible pour s'affranchir d'une trop grande domination états-unienne. Mais c'est aussi en raison de cette appartenance européenne que la Guyane ne pourra prendre part aux votes ! La première participation française à l'OTCA eut lieu au sommet d'Iquitos en 2005, mais la délégation fut menée par un haut-fonctionnaire des Affaires étrangères et non par un élu guyanais, et aucune mention de sa présence ne fut faite dans la déclaration finale. La Guyane fut cependant intégrée au Projet Orellana en juillet 2006 (la descente de l'Amazone par des lycéens venus de tous les pays du Traité), à part égale avec les huit autres pays signataires, malgré des tergiversations vénézuéliennes sur sa présence. Il est encore trop tôt pour en mesurer les retombées en matière de coopération scolaire et scientifique, mais des contacts ont pu être noués, et pour la première fois la Guyane s'est trouvée intégrée à un projet pan-amazonien.

On assiste également à un début d'intégration universitaire avec le réseau d'universités amazoniennes UNAMAZ, et l'université de Brasilia a été invitée à intégrer le conseil d'administration du futur pôle universitaire guyanais, en constitution. La coopération entre scientifiques brésiliens et français basés en Guyane est pourtant encore rare, sauf avec les Etats d'Amapá et du Pará à travers le réseau Ecolab liant l'IRD et le Musée Goeldi de Belém, les scientifiques brésiliens estimant se suffire à eux-mêmes. Avec la formation, ce n'est pourtant que dans les domaines scientifiques et environnementaux qu'une véritable politique de coopération pourra se mettre en place : en effet, la coopération économique n'a pas encore eu les effets escomptés, les projets de joint venture ont échoué, peu de produits franchissent légalement la frontière, les produits agro-alimentaires consommés en Guyane viennent encore pour la plupart de l'Europe, y compris les jus de fruits tropicaux ! Et il sera toujours plus facile à un Guyanais, comme n'importe quel citoyen européen, de résider et travailler en Allemagne ou en Italie qu'au Brésil ou au Surinam. C'est le contrecoup de l'intégration européenne.

La Guyane pourrait aussi jouer la carte française, en développant l'offre de formation en langue française, en concrétisant le projet de technopole destiné à rayonner sur l'ensemble du continent grâce au spatial… mais les étudiants potentiels ne préfèreront-ils pas aller à Paris ou ailleurs dans l'Hexagone ? Car l'autre grand problème de son intégration sud-américaine est là : il est toujours plus facile, moins onéreux et peut-être plus prestigieux pour un Sud-Américain de se rendre à Paris qu'à Cayenne, où de plus un visa lui sera exigé, alors qu'il ne le sera pas forcément pour l'Hexagone qui redoute moins une immigration sud-américaine incontrôlée… Inversement des Guyanais, comme tous les étrangers d'ailleurs, ne pourront investir au Brésil qu'avec un garant brésilien, alors que les marchés respectifs sont verrouillés à cause du protectionnisme propre à tous les ensembles économiques. Un accroissement des échanges sera donc peu probable sans dérogations, dont la Guyane bénéficie déjà beaucoup.

Enfin, les limites statutaires font que pour les négociations les pays de l'OTCA passent

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