Quelle est la cible commune visée dans les deux textes ? Quelles sont les critiques formulées par les deux auteurs ?
Par Plum05 • 19 Décembre 2017 • 2 115 Mots (9 Pages) • 2 312 Vues
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Comment alors ne pas adhérer à une critique du roi qui infère des vérités humaines à partir d’une démonstration dans le monde animal ? Le texte de La Bruyère est plus direct, et joue beaucoup de questions rhétoriques (« Ne croirait-on pas ? », « qui même les a vus marcher ? », « Le dirai-je ? »), et d’une implication du lecteur par le recours à la deuxième personne du pluriel : « Ne les retardez pas », « ne leur faites pas de questions ». L’usage du pronom impersonnel « on » (« On ne les a jamais vus », « On les voit ») renforce la crédibilité de la critique : le narrateur se dissimule derrière un témoignage général, que tous pourraient corroborer. À ces procédés rhétorique s’ajoutent l’emploi d’images (celle des « Satellites de Jupiter », celle aussi des chiens qui « portent au vent », celle enfin du « char de la Fortune »), tirées de l’imaginaire de l’époque, issu de la mythologie, ainsi qu’un style vif, parfois asyndétique, comme dans la phrase « Ils ne viennent d’aucun endroit, ils ne vont nulle part : ils passent et ils repassent » qui joue sur la ponctuation forte des deux points pour juxtaposer quatre verbes signifiant au fond la même action, celle de courir en tous sens sans objectif ni efficacité. Le spectacle que donnent Cimon et Clitandre – vous aurez noté l’emploi récurrent du verbe « voir » et des verbes demouvement, ainsi que les verbes « peindre » et « représenter » : le texte est une peinture animée de deux « types » humains – impose par lui-même son ridicule, et suffit par l’exagération et le comique avec lequel il est présenté à discréditer par avance tout courtisan un tant soit peu empressé.
3. Quelle est la place de l’humour dans chacun des textes ? Appuyez-vous sur leurs registres respectifs pour répondre. (3 points)
La Fontaine semble prendre plaisir à rappeler à son lecteur que s’il peut prendre plaisir à se laisser entraîner dans le monde des animaux parlants des fables, il n’en reste pas moins qu’il doit conserver un recul critique, afin de bien percevoir la cible humaine de la critique derrière l’animal. Ainsi, le fabuliste s’amuse à souligner que « Les Lions n’ont point d’autre temple » (v.14) que leur antre – et pour cause, ce sont des lions ! , ou bien que le cerf « n’avait pas accoutumé de lire » (v.32) , remarque qui crée un décalage burlesque avec le vers 30 « La colère du Roi, comme dit Salomon » : l’ignorance – logique- du cerf est ainsi soulignée. Outre ces clins d’œil à son lecteur, le ton général de la fable est empreint d’une ironie quelque peu grinçante : les courtisans sont en effet réduits à des corps privés de personnalité propre, animés d’un seul « esprit » - celui de la servilité : « On dirait qu’un esprit anime mille corps » (v.22). La réaction finale qui les fait se dresser avec enthousiasme : « À peine on eut ouï la chose, Qu’on se mit à crier :miracle, apothéose ! » (v.49-50) est une illustration de la remarque du fabuliste (aucun temps n’est donné à la réflexion, seule compte la rapidité de la flatterie : « à peine »), qui fait sourire tant elle est attendue. Le corps des courtisans est à lui seul la démonstration de la théorie de Bergson selon laquelle le rire naît du placage de la mécanique sur du vivant : car « les gens sont de simples ressorts » ! Le texte de La Bruyère joue de même sur l’ironie, quand le narrateur affirme : « Leur profession est d’être vus et revus, et ils ne se couchent jamais sans s’être acquittés d’un emploi si sérieux, et si utile à la République » : l’antiphrase met à jour l’inutilité complète à la bonne marche de l’État de l’agitation de Cimon et Clitandre, qui n’est en rien sérieuse ! De même, dans la phrase ils sont au reste instruits à fond de toutes les nouvelles indifférentes, et ils savent à la cour tout ce que l’on peut y ignorer », c’est de nouveau l’ironie qui fait sourire le lecteur, par le contraste entre les verbes « sont au reste instruits à fond » et « savent … tout », et les expressions « les nouvelles indifférentes » (c’est-à-dire sans intérêt) et « ce que l’on peut y ignorer » : comment mieux dire que les deux courtisans ne s’intéressent probablement qu’à des commérages futiles et non aux affaires de l’État ? La critique, très dure, va jusqu’à comparer, à la fin du passage, les courtisans à des chiens (par l’expression « ils portent au vent ») qui,attelés au « char de la Fortune », n’ont aucune chance d’y monter, image qui fait sourire par le décalage burlesque introduit entre l’image que les dits courtisans pensent donner d’eux-mêmes (celle du plus grand sérieux) et celle qu’ils donnent réellement, comparable à celles de chiens courants en tous sens. Par ailleurs, le texte joue sur des exagérations, par le biais de questions rhétoriques : ainsi « Ne croirait-on pas de Cimon et de Clitandre qu’ils sont seuls chargés des détails de tout l’État, et que seuls aussi ils en doivent répondre ? » est une façon de souligner le ridicule de la vanité des personnages qui se croient investis d’une mission supérieure ; pareillement, « qui même les a vus marcher ? » amplifie l’agitation frénétique qui les anime, au point de suggérer une course folle (« tout ce qui se trouve sur leur passage est en péril ») : le texte n’est pas loin, comme celui de La Fontaine, de suggérer une mécanique qui s’emballe d’elle-même, et qui fait des hommes des pantins animés de réflexes de flatterie et de comportements vaniteux visant uniquement au paraître. Les deux textes, qui font donc bonne place à un humour souvent plaisant mais parfois acerbe, sont donc des satires des courtisans, ayant pour rôle d’amuser tout en soulignant les faiblesses de la condition humaine et les misères de la vie sociale – ici, il est question des travers d’un groupe social précis, celui d’une catégorie de la Cour. Reposant sur l’exagération, l’ironie et des décalages burlesques, non
dénués d’agressivité, la fable et le double portrait ont ainsi recours au placere par le biais du comique
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