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Littérature et danse

Par   •  21 Novembre 2018  •  7 875 Mots (32 Pages)  •  480 Vues

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- La période romantique : un âge d’or du dialogue des arts

Issu des pays anglo-saxons à la fin du xviiie siècle (Allemagne et Angleterre), le romantisme naît en France au xixe siècle (Chateaubriand, Jean-Jacques Rousseau) et marque une rupture par rapport à la période classique, au niveau de la forme et de l’esprit. Caractérisé par un profond mal de vivre, les romantiques ont la sensation d’une libération : c’est le culte de l’individu, de l’exaltation, de la sensibilité et de l’imagination. Les romantiques rejettent le rationalisme et ses règles, estimant qu’elles brident leur sensibilité et qu’elles sont un frein à leur inspiration. Au règne de la raison succède celui de la passion. La danse n’est pas épargnée par ce phénomène qui fait apparaître le ballet romantique qui va devenir lui aussi expression des sentiments personnels sous une forme qui se différenciera de gestes strictement codifiés depuis un demi-siècle.

Théophile Gautier, écrivain et critique d’art français est une des figures emblématiques de ce courant avec des écrits théoriques fondateurs (préface de Mlle de Maupin, 1836). Or, son originalité majeure est le goût passionné qu’il a porté durant toute sa vie à la danse, à la fois comme créateur et comme critique. En effet, depuis ses vingt ans et jusqu’à sa mort, il n’a cessé d’écrire sur la danse, qu’il appelle « littérature des jambes ». Amateur de ballet, il a également écrit pour la danse composant plus d’une douzaine de livrets de ballets, dont six ont été montés. Esthète et fondateur du courant de « L’art pour l’art » et du Parnasse qui prônent la quête esthétique de façon très stricte et l’autotélisme et réfutent l’engagement moral et politique, il est obsédé par l’idée de beauté visuelle et spirituelle dans la danse.

Nous nous sommes d’abord intéressés à son activité de librettiste. Le ballet est pour lui une de ses formes préférées, considéré comme un art plastique, puisqu’il combine tous les arts (poésie, récit, musique et expression plastique), réalisant ainsi l’accomplissement suprême de la création esthétique. Giselle, son ballet le plus connu, représenté en 1841 est considéré comme l’apogée du ballet romantique. L’histoire est celle d’une jeune paysanne qui s’éprend d’un prince pour qui elle danse éperdument. Mais en apprenant la trahison de son soupirant, fiancé à une princesse, elle devient folle et meurt. Bientôt elle apparaît sous la forme d’une wili, jeune fille transformée en fantôme. Lorsque le prince se rend sur sa tombe dans les bois, la reine des willis veut le forcer à danser jusqu’à en mourir mais Giselle s’interpose et lui sauve la vie. Ce ballet réunit tous les idéaux du romantisme avec le thème traditionnel de l’amour rédempteur. Le registre lyrique, expression des sentiments avec des mouvements corporels gracieux, expressifs et poétiques, est dominant. Il correspond au goût de l’époque pour le fantastique, l’étrangeté et les émotions fortes. Inspiré des légendes et contes folkloriques germaniques, il y a un goût pour la couleur locale, thème universel. Il reflète également le principe romantique du mélange des genres où les mondes du matériel et de l’immatériel se confondent. Le premier acte se situe dans un univers réaliste, prosaïque et terrestre autour d’une pastorale colorée où de nombreux personnages alternent pantomimes narratives et danses de société festives. Au contraire, le deuxième acte tend vers l’abstraction. Il se situe dans un monde irréel et onirique à l’ambiance mystérieuse et sombre, proche de la fantasmagorie, peuplé de créatures imaginaires jouées par des femmes avec des danses plus aériennes, flottant au-dessus du sol, renforcées par les pointes, les arabesques et le port des tutus. La danse devient le monde de l’âme. On peut également noter la suprématie de la ballerine, Carlotta Grisi, magnifiée, avec une danse technique parfaitement maîtrisée, au profit du danseur.

Nous nous sommes ensuite intéressés à sa critique chorégraphique à travers deux textes publiés dans la presse en 1837 et 1838 dans lesquels il fait le portrait élogieux de danseurs : Fanny Elssler pour le premier et les danseurs espagnols Camprubi et la Dolorès Serral pour le second. Tout en exerçant un jugement critique et esthétique sur les ballets, il se montre très sensible à la beauté qui est mise en valeur dans les deux textes à travers le physique des danseurs. C’est pourquoi il utilise toute une rhétorique épidictique avec des figures de style tels que les hyperboles, les prétéritions, les modalisations, les superlatifs et les adjectifs mélioratifs. Il s’agit de deux éloges par comparaison et contraste où Fanny Elssler, perçue comme un idéal de beauté, est valorisée par rapport à sa rivale antagoniste Marie Taglioni (La Sylphide) dans le premier texte et des danseurs espagnols préférés aux danseurs français dans le deuxième. Il décrit l’état de volupté et la rêverie que lui inspire la danse énergique de Fanny Elssler, associée aux divinités antiques et symbole de la sensualité, très différente de Marie Taglioni : « Mlle Taglioni est une danseuse chrétienne ; Mlle Fanny Elssler est une danseuse païenne ». Le second texte a pour originalité de faire le blâme des comparants, les danseurs français qu’il décrit physiquement de façon dévalorisante, tels des monstres. La qualité de la danse est également vivement critiquée, comparée à une marionnette ou à un mécanisme. On note également le comique des comparaisons, provoqué par des détails incongrus et grotesque qui donne au blâme un caractère satirique. Les comparaisons animales sont nombreuses.

Charles Baudelaire dans sa nouvelle La Fanfarlo (1847) a une conception similaire de la danse comme création esthétique et imaginaire. Il nous retrace l’histoire d’un jeune littérateur dandy, amoureux d’une danseuse sulfureuse. On remarque que la danse est liée à l’admiration et à l’appétit du beau à travers les mouvements et les toilettes de la danseuse. Or, cette dimension va au-delà puisque la danse est ici liée à l’imaginaire du désir, de la séduction et de la passion. La relation du poète et de la danseuse est donc placée sous le signe de la jouissance et de l’attrait sensuel. L’auteur cultive ici le mythe de la danseuse courtisane enchanteresse mais également très virile comme le suggère son nom à la consonance masculine et à la connotation quelque peu péjorative. De plus, Baudelaire a une conception très romantique de la danse. Il affirme à travers un éloge que celle-ci est une forme poétique et musicale de l’écriture qui

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