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Danse macabre

Par   •  6 Septembre 2018  •  3 564 Mots (15 Pages)  •  573 Vues

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Ce sont ces différentes pistes que nous allons tenter d’explorer puis nous rappellerons l’influence des prédicateurs.

La peste

Cette transformation des liens entre l’ici-bas et l’au-delà trouvent ses explications notamment dans le phénomène de la peste noire. Celle-ci n’est pas l’élément déclencheur du processus de changement des mentalités, mais permet de considérablement hâter sa maturation.

Vers 1300, l’Europe est surpeuplée par rapport à ses capacités économiques. En outre, l’équilibre entre la population et les moyens de subsistance atteint ses limites. Ce fragile équilibre est définitivement perturbé par la venue de la peste noire en 1348 qui dépeuple peu à peu l’Europe. La France, la Suisse, la péninsule italienne et toute l’Europe du Nord (Angleterre, Danemark, Suède) sont très gravement touchées. L’exemple du village de Givry en bourgogne nous montre comment le taux de mortalité explose de façon spectaculaire : le village perd 643 habitants sur une population de 1500, soit 43% en l’espace de trois mois et demi. Certes, il y a des régions moins touchées, mais pour un village épargné combien d’autres sont dramatiquement dépeuplés ?

L’épidémie, se propageant à une vitesse effarante, tue une quantité colossale d’hommes et provoque une émotion certaine. Le caractère foudroyant de cette nouvelle épidémie de peste s’explique par une mutation de la maladie. « Les épidémies anciennes, celles qui, à intervalles réguliers, atteignaient autrefois nos pays, étaient des formes buboniques de la peste; elles se transmettaient par les rats malades et les morsures de puces. En 1348, la peste présente, de plus, une forme nouvelle, encore inconnue, semble-t-il, en Occident : l’infection pulmonaire qui évolue beaucoup plus vite et se transmet bien plus rapidement, par l’air, d’où les progrès effrayants de la contagion et le nombre élevé des victimes. ».

La peste s’accompagne de multiple souffrance : « les témoins décrivent les violences des douleurs, la soudaineté du mal et la rapidité de son évolution ». Impressionnante dans ses effets, la maladie marque les esprits. « Les malades sont couverts de bubons, d’abcès, de plaies gangreneuses ; ils sont atteints d’hémorragies et de troubles nerveux : vertiges, hallucinations, délire, coma. Tout cela impressionne fortement les imaginations et suscite une nouvelle représentation du corps, de la vie et de la mort ». L’aspect effrayant de cette maladie réside également dans son retour périodique. Aussi, chaque génération connaît entre 1348 et 1460 au moins une épidémie meurtrière.

L’épidémie n’épargne aucune couche de la population. « Les nobles et les grands étaient jetés dans la même fosse que les vils et les abjects, parce que les morts étaient tous pareils ». Il est aisé de comprendre que cette vision de la mort face à laquelle les riches et les pauvres se trouvent sur un pied d’égalité, et ce jusque dans la sépulture, donne naissance au thème de l’égalité des hommes de toute condition devant la mort.

Par ailleurs, les hommes sont confrontés à des scènes d’horreur, car faute de bras pour les enterrer, les corps s’entassent dans les rues à défaut de sépulture. Cette promiscuité des vivants et des morts entraîne des dérèglements : lâcheté et fuite des uns, pillage des maisons désertées, désirs de jouissance immédiate pour les autres (Le Decameron de Boccace est ici révélateur de ce changement d’état d’esprit dans les milieux cultivés). Nous savons néanmoins peu de choses sur le nombre d’hommes que la peste emporte. Dans des conditions sociales graves, les chroniqueurs de l’époque n’ont pas les moyens de compter les individus et les sources écrites fiables sont très rares. Quoi qu’il en soit, si l’étude de la démographie médiévale pose un certain nombre de difficultés, il est incontestable que la mort qui vient tuer les hommes du XIVe et XVe siècle frappe vite et intensément.

En sachant que la mort subite, la « male-mort », est particulièrement redoutée à cette période, il est aisé de comprendre à quel point la rapidité par laquelle l’épidémie vient foudroyer les hommes est traumatisante. Sans doute est-ce pour cela que, dans les iconographies, la flèche est une caractéristique de la mort par la peste. Non seulement le projectile frappe fort et soudainement, mais en plus nul ne sait d’où il vient exactement. C’est bien le cas de la peste qui demeure un phénomène particulièrement incompris, et ce, jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Une épidémie de Peste peut occasionner de façon directe la production d’une Danse macabre. Helmutt Rosenfeld a ainsi montré comment les fresques représentant les danses macabres sont peintes en différents lieux au lendemain du passage des épidémies de peste, de sorte que la chronologie de leur exécution permet d’évoquer le cheminement de la Peste en Europe centrale. A titre d’exemple, citons la danse de Bâle qui est « peinte lors du concile de la ville, concile qui est gravement perturbé par une épidémie de peste».

Néanmoins, il convient de nuancer les choses, la peste ne peut à elle seule se prévaloir de l’apparition de la Danse en tant que phénomène socio-artistique. Si tel avait été le cas, l’art des décennies suivantes se serait inspiré directement et exclusivement de cette calamité. En outre, elle aurait certainement laissé une marque plus spécifique que la Danse macabre (comme le démontrent les colonnes de pestes ou La Mort Noire).

Les autres malheurs du temps

Il est vrai que si la peste noire joue un rôle déterminant en provoquant une violente hécatombe, Huizinga, Ariès et Delumeau ont montré qu’il faut également tenir compte de l’ensemble des malheurs du temps. En effet, la peste n’apparait pas dans une Europe dénuée de problèmes. En réalité, lorsqu’elle frappe, la peste ajoute ses ravages à ceux des famines, des épidémies et des guerres.

2.2.1 Famines 

La peste touche certes toute l’Europe et les famines sont incontestablement plus locales, mais leurs effets ne sont pas moins dévastateurs. Dès lors, elles exercent une influence déterminante sur la longue dépression démographique du XIVe siècle. Le processus dans les manifestations de la famine est décrit avec précision par Maurice Berthe :

« Dans un premier temps, l’appauvrissement gagne l’ensemble du royaume. Les grains renchérissent et les paysans, très vite, s’endettent notamment auprès des usuriers juifs : les prêts de céréales leur permettent parfois de trouver les semences

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