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L'erreur manifeste d'appréciation: causes et conséquences

Par   •  23 Avril 2018  •  1 707 Mots (7 Pages)  •  1 151 Vues

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Pourtant, ce n’est pas la simple inadaptation entre la situation de fait et les justifications de la décision qui est susceptible de provoquer la censure juridictionnelle mais plutôt le dérèglement, la disproportion manifeste entre ces faits et les motifs de la décision.

Le juge ne se contente plus de constater le contenu des notions qu’il doit contrôler mais détermine lui-même les limites de son intervention. Autrement dit, il fixe lui-même le seuil de disproportion entre les faits et les motifs. Ainsi, il « se reconnaît là le droit de substituer son appréciation à celle de l’administrateur » ou, pour le moins, se met en position d’effectuer un contrôle d’opportunité.

Le juge administratif n’a jamais abusé du pouvoir de contrôle approfondi que lui permet l’erreur manifeste. Il s’en est plutôt servi comme d’une arme préventive. Les autorités administratives sont prévenues qu’au delà d’un certain degré de gravité, une erreur pourra entrainer l’annulation d’une décision. L’erreur manifeste d’appréciation a ainsi permis d’éviter ou d’éliminer des dispositions arbitraires, en particulier celles susceptibles d’affecter les libertés fondamentales.

- Un contrôle permettant de prévenir l’arbitraire dans l’action administrative et de soumettre l’administration au droit

Nous verrons la volonté du juge de ne pas se contenter du contrôle minimum (A) qui n’existe d’ailleurs quasiment plus, puis la possibilité de sanctionner els erreurs grossières soit dans la qualification juridique des faits soit dans le choix d’une mesure (B). Parfois, le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation n’est qu’une transition avant le passage au contrôle normal.

- Volonté de ne pas se contenter du contrôle minimum

Le Conseil d’Etat a refusé pendant un certain temps d’aller au delà de l’erreur manifeste. Certains auteurs ont donc craint que cette forme atténuée de contrôle ne serve de prétexte au Conseil d’Etat pour marquer une pause dans son entreprise de réduction du pouvoir discrétionnaire.

Cependant, progressivement, de nombreux contentieux soumis à l’erreur manifeste d’appréciation vont glisser vers un contrôle normal, donc plus étendu. Autrement dit, dans ces contentieux, la censure résulte non plus d’une disproportion manifeste entre les faits invoqués à l’appui d’une décision et les motifs de cette décision mais d’une simple inadaptation entre la situation de faits et les justifications de la décision.

C’est le cas du contrôle des autorisations de licenciement des représentants du personnel (CE Ass., 5 mai 1976, SAFER d’Auvergne et Ministre de l’agriculture contre Bernette), du contrôle des décisions refusant à un candidat à un concours d’entrée dans la fonction publique l’autorisation de participer aux épreuves (CE, 18 mars 1983, Mulsant) et bien sûr du contrôle des mesures prises en matière de police des étrangers (contrôle des refus de titre de séjour fondés sur une « menace pour l’ordre public » : CE, 17 octobre 2003, Bouhsane).

- Possibilité de sanctionner les erreurs grossières soit dans la qualification juridique des faits soit dans le choix d’une mesure

Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation, qui s’est développé au détriment du contrôle minimum a été créé par l’arrêt Lagrange. Le juge peut ainsi sanctionner une erreur manifeste d’appréciation des faits (pouvant justifier la mesure) ou de la mesure (la sanction même par exemple).

Face à un acte pris dans le cadre d’une compétence liée, le comportement du juge est très différent, ses pouvoirs augmentant avec la soumission de l’administration à des règles de droit. Ici, le contrôle est normal. Le contrôle normal consiste à vérifier la qualification juridique des faits, inaugurée par l’arrêt Gomel (CE, 4 avril 1919), c’est-à-dire à estimer si oui ou non les faits constatés justifiaient les mesures prises par l’administration.

Tout en respectant le pouvoir discrétionnaire ainsi défini, le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation permet au juge administratif de superviser l’usage qu’en fait l’administration. Ce contrôle porte en effet directement sur l’adéquation de l’objet de l’acte à ses motifs de fait et de droit. Mais il respecte le pouvoir discrétionnaire en laissant systématiquement à l’administration le bénéfice du doute. Ainsi, un acte administratif ne sera annulé que s’il repose sur une erreur d’appréciation « manifeste », c’est-à-dire sur une erreur si grossière que son caractère déraisonnable saute aux yeux de n’importe quel « bon père de famille ». S’il ne repose au contraire que sur une appréciation simplement contestable, en laquelle le juge est tenté de déceler une erreur, sa validité sera, à l’inverse, confirmée. Tout contrôle juridictionnel repose donc ici sur la distinction entre le « raisonnable » et le « déraisonnable », c’est-à-dire sur les critères de « normalité » que les juges empruntent à la conscience collective dont ils sont l’émanation.

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