Accompagnement de la personne sur un temps clé
Par Orhan • 19 Juin 2018 • 3 615 Mots (15 Pages) • 1 116 Vues
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Elevé dans une communauté gitane très marquée par son isolement, repliée sur elle-même, non ouverte à la mixité des cultures, dans l’idée que les personnes qui ne sont pas de sa communauté sont à éviter, il a parfois une attitude désobligeante et irrespectueuse. Il va tout à coup, répondre aux professeurs, se lever en classe quand bon lui semble, parler à voix haute avec ses camarades (qui sont de la même communauté, il refuse tout contact avec les autres élèves de la classe ULIS), refuser de travailler, tutoyer les adultes etc… Il manque cruellement d’autonomie, s’appuyant sans cesse sur ses camarades ou les adultes, il ne sait jamais quoi faire et quand, il demande plusieurs fois les consignes ou la date par exemple, ne sais pas s’il est l’heure de la récréation ou de l’intercours.
Pablo est suivi par le Service d’Education Spéciale et de Soin à Domicile (SESSAD) depuis 6 ans. Le SESSAD intervient pour la gestion des émotions et des conflits et aide à travailler la mémoire de travail, il voit aussi régulièrement une orthophoniste.
Pablo a du mal à accepter ses camarades du dispositif ULIS, il dit qu’ils sont fous et qu’il ne l’est pas lui. Il est émotionnellement très fragile et instable il se met en colère quand on lui parle de handicap, il refuse cette idée, je lui explique souvent que son épilepsie a certainement altéré son cerveau et que c’est pour ça qu’il a du mal à apprendre et que si ce n’était pas le cas il serait en classe ordinaire depuis son CP mais il ne veut pas l’entendre. Même quand je lui dit que se sont ses parents qui ont fait une demande à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) et que dans ce sigle il y a bien le mot handicapés, mais que ce n’est pas pour ça qu’il vaut moins que les autres ou qu’il n’est capable de rien, il fini par s’enfermer dans le mutisme. Non pas que je tienne absolument à ce qu’il reconnaisse son handicap, je voudrais juste qu’il cesse de se mettre en colère à chaque fois qu’il entend ce mot, même s’il n’est pas concerné par la discussion.
Il souffre aussi d’un handicap social lié au peu d’intérêt de la part de ses parents pour l’école. Il n’échange qu’avec des camarades de sa communauté, ses « cousins » comme il les appelle, même les élèves des classes ordinaires ne trouvent pas grâce à ses yeux.
Il n’a aucun soucis de motricité, il peut pratiquer un sport sans problème, il communique assez aisément malgré une syntaxe toute personnelle, « ça que je dis », pourquoi à la place de parce que etc… Depuis son entrée au collège il semble la plupart du temps motivé, son histoire familiale étant un peu compliquée, (père en prison souvent) il est parfois perturbé, surtout lors des retours du père, où, Pablo change, devient agressif, refuse de travailler.
Beaucoup d’absentéisme en primaire n’a pas permis à Pablo d’acquérir le minimum de connaissance qu’un enfant de son age est censé avoir acquis. Il en est encore à la lecture syllabique donc un niveau début CP et ne peut écrire sans un modèle. Quant aux chiffres, il a besoin d’un support pour pouvoir les reconnaître à l’écrit il confond les chiffres inférieur à 20.
Il vient volontiers au collège et par ses propres moyens, il aimerait être policier et je ne lui connais pas vraiment d’autres passions si ce n’est qu’il aime bien les animaux.
Dans l’ensemble c’est un élève agréable motivé à apprendre pour réaliser son rêve : devenir policier.
III SITUATION D’ACCOMPAGNEMENT
J’accompagne cet élève, à la demande de la coordonnatrice une heure par jour afin qu’il acquière l’automatisation : par des pratiques répétitives, les savoir faire s’améliorent et s’automatisent. Les procédures de déchiffrage deviennent de plus en plus performantes, le fait d’essayer et de faire des erreurs et surtout de les corriger spontanément fini par donner une lecture plus fluide. Le but étant qu’il rattrape son retard de manière à gagner en autonomie au sein du collège et dans la société.
Pablo est en général motivé pour lire mais s’énerve et se décourage facilement tant cela lui demande un effort considérable. Nous avions au départ comme support de petits livres de CP. En première partie Pablo lisait des mots utilisant un phonème précis puis il lisait un texte dans lequel il allait retrouver les mêmes sonorités. Cela m’a permis de voir que Pablo ne se faisait pas confiance pour dépasser le déchiffrage syllabique. Aussi j’ai pensé que des supports moins conventionnels pourraient peut-être l’aider à ne plus se focaliser sur chaque lettre mais à prendre un peu de recul et voir qu’en fait, son cerveau avait retenu l’information.
En accord avec la coordonnatrice j’ai donc commencé à mettre en place des méthodes inspirées du Français Langue Etrangère (FLE) qui met en avant le jeu comme outil pédagogique. Le premier que j’ai créé consiste à découper de petites cartes sur lesquelles on inscrit des phonèmes. Je les présente à Pablo une par une et, dans un temps défini par avance, il doit en prononcer le plus possible. J’ai proposé ce jeu à Pablo et je lui ai expliqué que j’en avais créé d’autres pour l’aider dans son apprentissage. Il m’a dit qu’il trouvait ça super d’apprendre autrement, qu’il adorait les jeux et qu’il espérait pourvoir apprendre plus vite. La première séance s’est déroulée comme suit :
Nous avons d’abord lu le petit livre de CP que nous lisons chaque jour. Un texte choisi par la coordonnatrice suivi de plusieurs mots avec un phonème précis. Il doit lire le texte en entier. Je l’ai aidé en suivant du doigt chaque mot et intervenant quand je voyais qu’il n’arrivait pas à déchiffrer car il est au stade du déchiffrage syllabique. Je lui ai demandé à chaque fin de phrase s’il avait compris ce qu’il avait lu, il me disait que non, ce qui me semblait évident tant l’effort était mis sur la lecture de chaque mot. J’ai donc relu les phrases après lui de manière à ce qu’il intègre aussi le sens du texte. Ensuite nous lisons les 20 mots en bas de page qui contiennent le même groupe de lettre par exemple le « fre » ou le « tre ». Là aussi la lecture était laborieuse, mais Pablo restait motivé. En fin de page Pablo semblait épuisé, je lui ai demandé si cela lui plairait d’essayer le premier jeu avec les groupes de lettre, il a acquiescé gaiement et j’ai préparé le matériel. Sur un cahier que j’ai attribué au travail avec Pablo, il en était d’ailleurs très fier et m’a même
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