Auguste Perret, l'ordre du béton armé
Par Stella0400 • 29 Mars 2018 • 2 358 Mots (10 Pages) • 693 Vues
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structure-remplissage qui permet de découpler les forces, et, par conséquent, de canaliser les fissures et de limiter le vieillissement; la nudité du béton, car un matériau d’une seule masse permet d’éviter les décollements observés dans les parements ou les peintures; le toit-terrasse qui est moins coûteux qu’une charpente et offre un agréable espace utilisable. À l’opposé, il ne défend pas les démarches extrêmes du Mouvement moderne, qu’il situe partiellement dans la ‘‘mode’’, retraçant de ce fait un instant de la pensée et ne pouvant pas aboutir sur une expression durable. Pour lui, ce type d’’’esthétique’’ ne détermine pas l’essence de l’architecture, de la technique : elle en est une conséquence. Ces exemples les plus cités sont : la corniche : sa suppression dans l’architecture ‘‘cubiste’’ (Adolf Loos, Le Corbusier) va à l’encontre du rôle d’obstacle face aux ruissellements qui dégradent les façades; la fenêtre verticale plutôt que celle horizontale, ne laissant pas entrer pleinement la lumière et ne retraçant pas le ‘‘corps de l’homme’’ (vivant, en action) dans le bâtiment; la façade droite sans ‘‘porte-à-faux’’ qui donne une sensation de déséquilibre et ne satisfait pas l’aspect solide et rassurant de l’abri souverain; un fonctionnalisme qui évite les jeux de volumes injustifiés du fonctionnalisme moderniste : ‘‘Il faut que la fonction crée l’organe. Mais il ne faut pas que l’organe dépasse sa fonction’’.
L’hôtel de ville du Havre est l’édifice le plus monumental réalisé dans le cadre de la reconstruction française. Il fût sujet à d’innombrables débats et à de nombreuses difficultés de conception.
L’articulation de la tour et du corps horizontal est assurée par le jeu des volumes latéraux. L’étage noble semble filer sous la colonnade posée sur son soubassement. La tour, résultant d’une collaboration étroite entre Auguste Perret et Jacques Tournant, s’évide au sommet, laissant à l’ossature le rôle du couronnement. Il s’établit ainsi, entre l’abri souverain et la tour, une dialectique formelle qui met à contribution les multiples ressources du classicisme structurel. Situé à l’articulation des tissus anciens et du centre reconstruit, l’édifice offre aux citadins un système de référence solide pour la perception de la ville toute entière. Il exprime la richesse sémantique de l’ordre du béton armé et annonce ses déclinaisons possibles dans l’espace urbain. L’hôtel de ville rend lisible, par son ampleur, la générosité du projet culturel imaginé par Auguste Perret pour Le Havre. Le premier pieu du corps central est coulé en 1953, la tour de 18 étages et 90 mètres de haut évoquant initialement un beffroi est commencée en 1954. Le théâtre attenant est inauguré en octobre 1967. L’extension sur la façade nord de l’édifice, indispensable mais esthétiquement discutable, date de 1987. Comme tous le édifices majeurs, l’hôtel de ville retrouve approximativement sa position d’avant-guerre. Situé dans la perspective d’une vaste place, le bâtiment établit une dialectique entre deux unités : une tour abritant les bureaux administratifs et un bâtiment en longueur rythmé par une imposante colonnade dans lequel se placent des fonctions de ‘‘réception’’ comme les grands salons. Un vaste escalier part du rez-de-chaussée pour se diviser en deux volées distribuant l’étage noble. Perret obtient en 1937 une commande prestigieuse : le Musée des Travaux Publics, également appelé Palais d’Iéna. Ce projet va lui permettre d’accomplir un rêve intemporel : ériger un monument classique en béton armé, dont l’ordre moderne pourrait rivaliser avec celui antique du Parthénon, idéal absolu de ‘‘perfection esthétique’’. Au Palais d’Iéna, il définit un ordre classique dont les proportions découlent directement de la logique du matériau. Les colonnes élancées portent d’un seul jet la toiture, sous laquelle se glisse un second édifice. Le jeu de ces deux ossatures forme un écrin de proportions parfaites. Les colonnes s’évasent vers le sommet pour s’unir à la poutre de rive par un tronc de pyramide orné de motifs végétaux. Il ne s’agit pas, selon Perret, d’un simple chapiteau, mais d’un lien visuel terminant la colonne et faisant d’elle, avec son galbe et sa base, « une personne », qu’on ne peut, ‘‘allonger ou raccourcir’’.
Ainsi, l’architecte retrouve naturellement les mots qui plongent au plus profond de la tradition classique. Il renoue avec cette organicité anthropomorphique qui est la condition de tout ordre architectural. Les bétons sont faits de porphyre vert et de marbre rose. La salle hypostyle, l’escalier et l’amphithéâtre offrent à ceux qui les pratiquent un cadre très noble. Machine implacable, captant l’ombre et la lumière dans la hiérarchie de ses textures et de ses moulures, la colonnade de l’avenue d’Iéna est l’expression la plus remarquable de ‘‘l’ordre du béton armé’’, contribution d’Auguste Perret à une discipline millénaire dont il se voulait l’artisan passager.
L’église Saint-Joseph qui se situe boulevard François 1er a été construite sur les plans d’Auguste Perret. Son clocher est visible, par beau temps, à 60 km au large.
Perret imaginait que ce clocher serait le premier monument visible par les passagers venant des USA.
L’église Saint-Joseph s’identifie dans le tissu urbain reconstruit par une tour-lanterne octogonale, d’une hauteur de 110 mètres, faisant corps avec la base carrée de l’édifice, réunissant la nef et le chœur.
Commencés en 1951, les travaux sont achevés en 1957 après la mort d’Auguste Perret, par des architectes de son Atelier : Jacques Poirrier, Georges Brochard et Raymond Audigier qui finalisent le clocher.
Le chœur comprenant l’autel majeur, la clôture et le ciborium sont réalisés par l’architecte Guy Verdoïa, en 1964.
Dès l’entrée, toute la structure de l’édifice est révélée :
- un ordre principal comprenant 4 groupes de 4 piliers soutient la tour par l’intermédiaire de bracons en forme de « V » ;
- un ordre secondaire ponctué par des colonnes nervurées, supporte les parties basses de l’édifice: bas-côtés, tribune et chapelle.
Outre la prouesse technique et l’impressionnant savoir-faire constructif déployés ici, l’intérieur de l’église est sublimé par la lumière extérieure, filtrée grâce aux 6500 verres colorés. La maître-verrier Marguerite Huré a nuancé les tonalités des verres en fonction
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