Les œuvres d'art sont-elles des réalités comme les autres ?

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sentiment du sujet et non un concept de l’objet qui est son principe". Donc le jugement esthétique doit constamment réinventer ses critères car aucun jugement ne peut valoir une fois pour toute. Une œuvre réussie n’est pas nécessairement la représentation d’une belle chose mais "une belle représentation d’une chose". C’est à dire que ce qu’on va contempler dans l’œuvre est implicite et omniprésent. Pour un portrait, la beauté de l’œuvre ne dépend pas de l’exactitude de l’imitation mais la force expressive selon Hegel dans Esthétique : "un portrait peut être très ressemblant, d’une grande exactitude d’exécution et néanmoins insignifiant et vide". Ce qu’on admire, ce n’est pas slmt la beauté du modèle car le portrait d’une personne laide peut être beau : l’art a le pouvoir de transfigurer la laideur (esthétique de laideur). Pour Kant, il y a une limite : «une seule forme de laideur ne peut pas être transfigurée, celle qui suscite le dégoût et la répugnance». La contemplation sincère permet une vraie rencontre avec quelqu’un, avec une intention mystérieuse, une conscience, capable de nous bouleverser et nous toucher, par la simple présence de son œuvre.

Le mystère de la création artistique et du génie

Dans le texte d’Alain intitulé Système des beaux arts, l’idée principale est que la technique se met au service de l’art. Et si l’artiste a appris un métier avec des techniques, leur utilisation scolaire et mécanique ne rendra pas l’œuvre belle. Il est conscient que les frontière entre l’art et l’artisanat sont mouvantes mais il distingue ces deux choses car l’artisan peut être artiste par éclairs et l’artiste peut travailler comme un artisan, par l’application des recettes.

Par cqs, la création artistique relève du génie et «c’est là le propre de l’artiste». Alain reprend les analyses de Kant. Pour ce dernier, les 3 caractéristiques du génie sont : l’originalité, l’exemplarité et l’irrationalité. C’est de là que l’œuvre détient des pouvoirs et du génie qui lui confèrent une qualité hors du commun de chef d’œuvre. Mais les œuvres ordinaires sont “sans âme”. Pour Alain, le génie est un talent inné exceptionnel qui s’est fait sans apprentissage ni imitation. Et le génie est inimitable, exemplaire. L’œuvre géniale est indissociable d’un travail colossal.

Le génie suppose le travail mais plus encore. Le spectacle du génie au travail est impressionnant quand on peut l’observer, comme spectateur mais pour le créateur aussi. Zweig parle dans Le Monde d’hier de sa rencontre avec le sculpteur Rodin, dans son atelier. Il était «si absorbé, si plongé dans son travail qu’aucun coup de tonnerre ne l’aurait réveillé.» et plus il sculptait, plus «une sorte de sauvagerie ou d’ivresse s’était emparée de lui».

Le génie suppose que l’artiste n’est pas maître de son génie. Il est soumis aux caprices de l’inspiration, il est dépassé par son génie. Mais pour l’artiste, le génie a une dimension inquiétante car il est le pouvoir et la fragilité de la création, mais aussi l’énergie exceptionnelle et l’aliénation. La personnalité de l’artiste peut susciter des recherches scientifiques. Dans le cadre d’une théorie de l’inconscient et d’une psychanalyse de la création artistique, Freud parle de «sublimation» quand l’artiste, inconsciemment, cherche à se libérer des ses angoisses, complexes à travers sa création. Dans ce cas la création est à la fois expression, symptôme et remède. L’artiste comme le dépeins Freud fuit une réalité et se crée des fantasmes. Et grâce à son génie il les transforme et œuvre.

Pour Bergson, le chef d’œuvre a un pouvoir de révélation du réel qui dépasse la conscience. L’artiste est «un homme qui voit mieux que les autres».

La création artistique, et surtout l’œuvre de génie, fait planer un mystère. Admiré, incompris, le génie défie l’explication rationnelle. Comme l’a dit Braque : «l’art est fait pour troubler alors que la science rassure».

CITATIONS ET EXEMPLES

Schopenhower, Le monde comme volonté et comme représentation : «la musique n’existe que dans le temps»

Freud, Essais de psychanalyse appliquée : «le poète fait comme l’enfant qui joue, il se crée un monde imaginaire qu’il prend très au sérieux»

R.Mutt, Fontaine (urinoir exposé par Marcel Duchamp à NY en 1917, fonction détournée, détruit par Pinoncelli)

Lévi Strauss, Mythologiques : "les hommes ne diffèrent et même n’existent que par leurs œuvres... elles seules apportent l’évidence qu’au cours des temps quelque chose s’est réellement passé."

Arendt : "toute discussion sur la culture doit prendre comme point de départ le phénomène de l’art" / "des choses qui existent indépendamment de toute référence utilitaire ni fonctionnelle et dont la qualité demeure toujours semblable à elle-même"

Weber, Le savant et le politique : "le travail scientifique est solidaire d’un progrès" et "dans le domaine de l’art au contraire il n’en existe pas"

Nietzsche, Humain, trop humain : “personne ne peut voir dans l’œuvre de l’artiste comment elle s’est faite”

McCullers, Illuminations et nuits : “j’ai toujours su qu’il ne suffisait pas de travailler. La pénible progression du travail doit être illuminée par une révélation, une divine étincelle”

Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse : s’il possède le don artistique psychologiquement si mystérieux, il peut au lieu de symptômes transformer ses rêves en créations esthétiques”

Rolland : “créer, c’est tuer la mort”

Bergson : l’artiste “regarde la réalité nue et sans voile”

Braque : “l’art est fait pour troubler alors que la