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Les pays développés (PDEM) ont-ils toujours intérêt au libre-échange ?

Par   •  6 Octobre 2017  •  4 137 Mots (17 Pages)  •  945 Vues

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Les effets de demande et de dimension justifient que les PDEM adoptent le libre-échange. Mais les firmes pourraient transformer leurs avantages de compétitivité en rente, au détriment des consom­ mateurs. Le libre-échange, en élargissant la concurrence (imparfaite) aux firmes étrangères entretient une compétition qui les oblige à affecter leurs gains à la réduction des prix sur les marchés oligopolistiques et au financement de l'innovation sur les marchés monopolistiques. Cet effet de concurrence conditionne l'efficience du libre-échange. Il oriente les investissements (capital productif, technologique, humain) vers les activités génératrices d'avantages et incite à la compétitivité qualité et prix. Cependant, la taille de certains PDEM peut être insuffisante pour que leurs firmes puissent aff ronter la concurrence étrangère. La formation de zones régionales, à l'exemple de la Communauté économique européenne (1958), permet aux firmes d'atteindre la taille critique nécessaire pour jouer le jeu du libre-échange sur le marché mondial. En ce sens, l'« Europe est un aiguillon et un paravent » Jean Pisani-Ferry). Les nouvelles théories du commerce international voient dans le libre-échange une source de croissance pour les PDEM. Il dynamise les entreprises en situation de concurrence imparfaite. Il permet aux ménages d'obtenir des revenus élevés en tant qu'offreurs de facteurs de production et d'augmenter leur pouvoir d'achat grâce à la concurrence et aux importations. Les PDEM semblent donc profiter du libre-échange, qui stimule leur croissance et accroît le bien-être des ménages. Ils obtiennent un gain direct d'efficience en échangeant leurs différences avec les pays moins avancés (logique ricardienne). Grâce à l'élargissement des marchés de concurrence impa rfaite, ils bénéficient de gains indirects résultant des effets de demande, de taille et de concurrence (logique smithienne des nouvelles théories du commerce international) .

- Cependant, les hypothèses théoriques retenues pour démontrer que les PDEM ont toujours intérêt au libre-échange ne peuvent prendre en compte la complexité des situations historiques de sa mise en œuvre.

Cependant, les hypothèses théoriques retenues pour démontrer que les PDEM ont toujours intérêt au libre-échange ne peuvent prendre en compte la complexité des situations historiques de sa mise en œuvre. Depuis la fin des années 1970, l'approfondissement et l'extension du libre-échange constituent des chocs pour certains PDEM, confrontés aux mutations de l'appareil productif, à l'émergence de nouveaux concurrents et aux stratégies des firmes multinationales (FMN) (A). En outre, pour être efficace, le libre-échange doit être cohérent avec les autres composantes de la politique économique et sociale (B).

Le libre-échange est un principe général qui se décline dans différentes configurations. Au début du 21e siècle, il s'étend dans le cadre de l'OMC aux services, à certaines activités agricoles et à de nouveaux pays industrialisés dont l'Inde (1995), la Chine (2001) et la Russie (2012). En outre, les coûts de transport ont diminué pour les biens et sont devenus pratiquement nuls pour certaines activités de service utilisant les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Dans l'Union européenne, l'Acte unique (1986) supprime les frontières économiques et instaure une totale liberté de circulation pour les produits. Paul Samuelson et Paul Krugman se demandent si, dans cette nouvelle configuration, le libre-échange bénéficie encore aux PDEM.

John Stuart Mill s'interrogeait déjà au 19e siècle sur la nature des spécialisations issues du libre-échange : à long terme, toutes les spécialisations se valent-elles ? Il montre le rôle du prix international dans la répartition du surplus né du libre-échange. Les biens ou services répondant à une demande progressive se caractérisent par une forte élasticité revenu : leur demande croît plus vite que le revenu et leur prix est orienté à la hausse. Les pays exportateurs de ces biens ou service sont à long terme les gagnants du libre­ échange. Inversement, le prix des biens à demande régressive tend à diminuer et les pays exportateurs subissent une dégradation des termes de l'échange. De la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 1980, cette question concernait principalement les pays en développement (PED), spécialisés dans les productions agricoles, les industries extractives et des activités industrielles en fin du cycle de vie du produit. Ils pouvaient être confrontés à une « croissance appauvrissante » (Jagdish Bhagwati) si l'augmentation de leur offre entraînait une baisse du prix des produits exportés.

Paul Samuelson remarque qu'au 21e siècle, l'émergence de nouveaux pays industrialisés à bas salaires et à capacité technologique comme la Chine accroît l'offre et réduit le prix international dans des secteurs importants en emploi pour les PDEM. Mais en contrepartie ces pays émergents ne constituent pas toujours un débouché pour d'autres biens et services que pourraient exporter les États-Unis et les PDEM en général. De façon similaire, l'élargissement de l'Union européenne de 15 à 28 pays a remis en cause les spécialisations industrielles de pays comme le Portugal ou l'Espagne, relocalisées dans les anciens pays socialistes à plus faible salaire et à capacités technologiques comparables. Pour que le libre-échange reste un jeu à somme positive, les pays à balance commerciale excédentaire, notamment certains PDEM comme l’Allemagne et pays émergents comme la Chine, doivent accroître leur demande interne et ouvrir ainsi de nouveaux débouchés aux pays qui souffrent de leur concurrence.

Les firmes multinationales par décomposition du processus de production (DIPP) se développent dans les années 1980 et sont des acteurs clés de la Nouvelle division internationale du travail (NDIT) liée à l'essor des pays émergents. Contrairement à l'hypothèse ricardienne, le capital est devenu un facteur de production mobile et les flux d'échange commerciaux sont pour une partie importante liés aux stratégies des firmes et aux échanges entre leurs filiales : un tiers des échanges internationaux est en fait du commerce intrafirme. La baisse des coûts de transport et les nouvelles technologies ont permis une véritable fragmentation internationale de la production reliant dans une même « chaîne de valeur mondiale » (CVM) l'ensemble des activités réalisées par les entreprises, depuis la conception d'un

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