Le Marxisme et l'Afrique
Par Orhan • 31 Août 2018 • 2 155 Mots (9 Pages) • 424 Vues
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et de systématisation du marxisme occidentale aux spécificités Africaines. Le marxisme se trouve dans l’impasse en Afrique parce qu’il est dans l’impossibilité d’endiguer et de déconstruire les nouvelles formes de l’impérialisme et les crises laissés par la tentative de déconstruction de l’impérialisme. Face à cette impasse, l’engouement des intellectuels Africain pour lire, adapté, construire un marxisme Africain s’impose mais cette ambition de l’élite intellectuelle se trouve limitée par ses propres contingences. La volonté de se détourner subtilement du marxisme ou de se retourner contre lui en tentant d’éliminer les prétendues « idéologies étrangères » fragilise sa construction et à entrainer sa faillite.
Au reste, la critique sur « le marxisme devant les sociétés africaines contemporaines », décrit dans ses méandres les causes de l’échec de l’implémentation du marxisme et les raisons de la subsistance de l’impérialisme en Afrique. L’œuvre est en effet précédée d’une importante introduction de Samir Amin où cet économiste évoque, dans le cadre global de la théorie de l’impérialisme, les trois questions du transfert des technologies, la stratégie révolutionnaire cambodgienne et de l’esclavage en Afrique précoloniale. Les dites questions doivent en effet être prise en compte pour la contextualisation et la construction d’un marxisme spécifiquement Africain.
L’ouvrage du sociologue sénégalais BABAKAR Sine se présente alors comme une critique systématique de la sociologie dite « du développement ». Une théorie dénuée de toute originalité se référant aux spécificités africaines. La solide formation marxiste de l’auteur le prédisposait assurément à dénoncer cette sociologie, posée en réponse au matérialisme historique, comme expression idéologique plus ou moins consciente de l’impérialisme. A partir de là, la facilité est offerte à Sine pour faire le procès de ce qu’il nomme « les pré supposés idéologiques de la sociologie du développement » tels que l’opposition tradition-modernité, les notions de « décollage » et de « rattrapage ».
En opérant sur ces bases, la « sociologie du développement » ne perd-elle pas de sa substance, en restreignant la volonté d’intégrer, de gré ou de force, dans le mouvement de mondialisation économique et de modernisation les pays en développement? Après avoir ainsi questionné cette sociologie, Sine dans une deuxième partie, aborde l’aspect socio-culturel de la problématique en analysant les rapports entre appareils idéologiques et développement. Considérant la culture coloniale comme « superstructure du sous-développement », il appelle à la démystification des cultures africaines « dans un double mouvement consistant à les introduire dans un dialogue nécessaire pour déboucher sur une conscience unifiée de leur identité, et à les ouvrir au monde sous un autre mode que l’extraversion ».
Ce qui implique une nouvelle culture technologique dont l’émergence pourra être considéré, « comme réponse culturelle adéquate au développement technologique et économique et qui ne peut être possible et entrer dans l’ordre des faits que dans les conditions d’une Afrique libérée politiquement et économiquement de toute emprise extérieure et intérieure » Une telle libération ne peut passer selon l’auteur que : « par la rupture des rapports sociaux, coloniaux et néocoloniaux ». Cette dernière remarque conduit BABAKAR Sine à s’élever contre ce qu’il appelle « les nationalismes culturels » ou « idéologies du retour aux sources ». Et de citer Lénine : « Garder l’héritage ne signifie pas nullement s’en tenir à héritage ».
Pour Sine en effet, comme ce fut le cas pour Cabral, « ce qui est décisif pour le développement, c’est l’articulation fondamentale entre culture populaire et libération politique et économique », car « pour les masses populaires le problème d’une renaissance culturelle ne se pose pas » puisque ces masses « sont la source de la culture et en même temps la seule entité vraiment capable de préserver et de créer la culture, de faire l’histoire ». De là à mettre en cause la tentative d’une troisième voie entre capitalisme et socialisme scientifique, autrement dit celle de l’avènement d’un socialisme qui ne connaîtrait pas de lutte des classes, il n’y a qu’un pas à franchir.
Il est donc logique qu’au terme d’une telle démarche, BABAKAR Sine substitue à l’idéologie véhiculée couramment par la "sociologie du développement" une analyse marxiste exprimée en termes de science politique du développement. Après avoir énuméré les hypothèses politiques du problème du développement : situation des bourgeoisies périphériques, structure coloniale du capitalisme, stratégie de rupture politique, reconversion économique dans un sens autocentré, dé-balkanisation, etc., il s’évertue à poser les pistes pouvant permettre de sortie de la crise du développement en Afrique. Il paraît évident que les expériences de développement tentées depuis les indépendances en Afrique se sont trop souvent soldées par des échecs : échec des plans, échec des décennies du développement, crises sociopolitiques, coups d’état militaires, immobilisme économique sont, là quelques faits avancés par l’auteur pour étayer ses propos. La dépendance structurelle dans laquelle vit le Tiers-Monde au regard de l’impérialisme principal (américain) et des impérialismes secondaires (européen et japonais), voire de l’autre superpuissance, en est la cause fondamentale. Dès lors, comme le souligne l’auteur, la tâche essentielle est de poursuivre à son terme le processus de libération nationale, autrement dit de stopper la néo-colonisation économique de fait en commençant par filtrer avec soin les concepts véhiculés par le discours académique du « développement », et en privilégiant l’intervention directe des masses articulées sur une stratégie socialiste, « prolégomènes à tout développement futur ».
Au demeurant, on retiendra de ce livre riche et brillant une démarche qui s’apparente à celle de nombreux ouvrages parus ces dernières années, aussi bien dans les milieux progressistes d’Occident qu’au sein de certains groupes de penseurs du Tiers-Monde, notamment d’Amérique Latine (GUNDER Franck, Paulo FREIRE, ARGHIRI Emmanuel), et confirme que depuis le reflux des mythes révolutionnaires des années 60 (LUMUMBA, GUEVARRA, Ben BARKA). BABAKAR Sine s’inscrit dans le courant de la négritude tracé par son compatriote Léopold SEDAR SENGHOR avec aisance et originalité.
Cependant, la réflexion de Sine parait très ambitieuse et idéaliste, elle s’ouvre ainsi
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