La démocratisation de l'école a-t-elle eu lieu ?
Par Raze • 29 Novembre 2018 • 2 957 Mots (12 Pages) • 552 Vues
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Vers l’école unique pour répondre à la ségrégation scolaire de Jules Ferry
Face à cette ségrégation scolaire entre « école du peuple » et « école des notables » que l’Ecole de Jules Ferry et donc l’Ecole républicaine avait instauré, de 1936 à 1958 on observe l’émergence de la critique de ce dualisme scolaire. En effet au début du 20ème siècle commence à apparaître la critique de la séparation entre enseignement primaire et secondaire dans des mouvements ouvrier (gauche anticapitaliste et le syndicat de la CGT) ainsi que chez des militants de la Ligue de l’enseignement. Mais c’est au début des années 1920 que va naître l’idée d’une « école unique » car l’idée de « l’enseignement de classes » est très mal vécue à cette période suite à la Première Guerre Mondiale où les soldats étaient égaux devant la mort. La guerre a donc donné un sens assez tragique au principe d’égalité, l’idée générale voulant que les individus, égaux pendant les tranchées, soient égaux à l’école. C’est ainsi que la critique du dualisme scolaire émerge, remettant en cause le système de l’Ecole Républicaine avec la réclamation notamment de l’égalité des chances de chacun devant l’école. L’idée de l’Ecole unique commence donc à être défendue en vue de donner à tous les enfants la même instruction de base et d’améliorer le niveau d’instruction général de la population. C’est l’introduction de l’obligation scolaire jusqu’à au moins 14 ans. En 1927, le Comité d’études pour l’école unique rédige un projet de réformes scolaires qui sera repris par la CGT mais aussi par le Front populaire pour défendre la fin du dualisme scolaire.
Dans les années 1920 et 1930 on observe également une croissance de la demande d’instruction. En effet, les familles souhaitent de plus en plus que leurs enfants poursuivent leurs études après l’école primaire. Néanmoins, les familles populaires se tournent davantage vers le primaire supérieur que vers l’enseignement secondaire qui semble être le monopole des classes favorisées et semble aux familles populaires trop éloigné de la pratique et du travail réel. C’est pourquoi la gratuité de l’école secondaire dans les années 1930 ne va pas augmenter significativement le nombre d’élèves dans ces écoles, ce sont les barrières culturelles qui séparent les classes sociales plus que les barrières économiques. En effet, l’enseignement secondaire a été conçu comme un enseignement d’élite pour l’élite sociale avec une culture dispensée proche des cultures dominantes.
C’est en 1936 que le Front populaire arrive au pouvoir et démocratise alors le système d’enseignement. L’obligation scolaire passe alors de 14 à 15ans. Le Front populaire tente de faire passer une loi pour unifier l’école élémentaire avec le passage du certificat d’étude à 11ans pour pouvoir intégrer l’enseignement secondaire notamment. Mais la droite conservatrice fait obstacle à cette loi pour maintenir l’enseignement secondaire d’élite. Il faudra donc attendre une vingtaine d’années pour que des réformes scolaires de ce type soient mises en place, d’autant que la Seconde Guerre Mondiale a laissé en suspens ces questions. Néanmoins, en 1941 le ministre Jérôme Carcopino décide de supprimer la concurrence du primaire supérieur et de l’enseignement secondaire en créant les collèges modernes. Ces collèges modernes permettent une relative démocratisation du secondaire puisque beaucoup plus d’enfants de classes populaires (artisans, paysans, ouvriers) accèdent en 6ème permettant ainsi d’aller potentiellement jusqu’au baccalauréat et ainsi de pouvoir entrer à l’Université.
Après l’abolition des réformes du Régime de Vichy à la Libération, une commission dirigée par Paul Langevin (physicien) et Henri Wallon (psychologue) se réunit pour réfléchir à un plan de réformes démocratiques de l’enseignement. Ils remettent leur rapport en 1947, le plan Langevin-Wallon. Ce plan Langevin-Wallon ne sera pas mis en place faute d’argent public mais sera la référence centrale pour la gauche. Néanmoins de 1945 à 1958 on observe une forte hausse du nombre d’élèves scolarisés dans le secondaire (+110 000 élèves de 1950 à 1958), le taux de scolarisation des 12-15ans passe de 20,5% à 45% même si une certaine dualité scolaire et sociale subsiste dans les collèges modernes.
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Massification scolaire ou démocratisation scolaire ?
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Ce qui se cache derrière l’explosion scolaire
L’explosion scolaire c’est l’augmentation rapide et générale des effectifs scolarisés et donc des niveaux d’instruction de la population. On observe deux explosions scolaires : une dans les années 1960 et une dans les années 1980.
La 4ème République (1946-1958) n’est pas parvenue à remettre totalement en cause le dualisme scolaire, c’est donc la 5ème République qui va initier de nombreuses réformes dès 1959. En 1959 la réforme Berthoin favorise la poursuite d’études des élèves notamment en passant l’obligation scolaire à 16ans mais également en réformant les cycles scolaires. On passe alors à 3 cycles scolaires : le 1er de 7 à 11ans commun à tous les enfants (actuelle primaire), le 2nd comme « cycle d’orientation » de 11 à 15 ans (actuel collège) et le 3ème comme « cycle de détermination » de 15 à 18ans (actuel lycée). On aura alors des Collèges d’enseignement général et des collèges d’enseignements techniques (1970) et des lycées généraux, techniques et professionnels (1985). Cette réforme Berthoin a un réel impact puisqu’entre 1959 et 1963 le nombre d’inscrit dans le 2nd cycle (6e à la 3e) augmente de 66%. En 1963, la Réforme Fouchet unifie encore davantage le collège d’autant que sur la même période on construit en masse des collèges, ainsi les lycées se délestent des classes de collèges qu’ils avaient pour n’accueillir que des élèves de plus de 15ans. Et enfin en 1975, la réforme Haby unifie les différents collèges (généraux, techniques, d’enseignement supérieur) qui deviennent simplement les « collèges » avec les mêmes cursus dispensés et avec un tronc commun de 2ans mis en place en 6e et 5e avant de passer en « cycle d’orientation » en 4e et 3e.
Cette première explosion scolaire des années 1960 fait donc disparaître le dualisme scolaire mis en place depuis la Révolution française pour une unification scolaire. En effet,
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