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Le vote Catholique

Par   •  19 Août 2018  •  1 832 Mots (8 Pages)  •  426 Vues

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Les opinions sur l’avortement relèvent à la fois des attitudes à l’égard de la sexualité et du droit de donner la mort. Le cinquième commandement « proscrit comme gravement peccamineux l’homicide direct et volontaire [11][11] Catéchisme de l’Église catholique, op. cit., § 226... ». C’est pour cela que l’Église condamne explicitement l’avortement [12][12] « La vie humaine doit être respectée et protégée de..., et on observe effectivement que sa réprobation croît avec l’intégration au catholicisme : 18 % des pratiquants dominicaux jugent qu’il est tout à fait normal qu’une femme puisse choisir d’avorter contre 79 % des sans-religion (Cevipof, 1995) (tableau 2). Mais l’attitude à l’égard de la peine de mort est peu affectée par le niveau d’intégration au catholicisme : les sans-religion ne sont qu’un peu moins favorables que les plus pratiquants à son rétablissement. Là on peut voir l’effet du « tu ne tueras pas [13][13] Le résultat pourrait être différent étant donné que... ».

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Comme complément à ces observations, on constate, à partir d’échelles d’attitudes construites en 1988 (Cevipof, 1988), que plus augmente l’intégration au catholicisme, plus augmente la probabilité des attitudes de traditionalisme (différence entre pratiquants dominicaux et sans-religion : d = + 58 points) et d’ethnocentrisme (d = + 11) et plus diminuent celles de permissivité sexuelle (d = – 58) et d’anti-autoritarisme (d = – 36) [14][14] Pour le texte complet des échelles, voir Guy Michelat,....

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La relation entre le niveau d’intégration au catholicisme et ces attitudes (ethnocentrisme, autoritarisme, attitude à l’égard des femmes ou de l’homosexualité) se retrouve quels que soient le sexe, l’âge, le niveau d’études ou la profession. Toutefois, dans certains cas, elle est atténuée dans la génération la plus jeune : les pratiquants dominicaux sont alors moins ethnocentristes ou autoritaires que leurs aînés, soit parce que la culture des plus jeunes efface les préjugés anciens, soit parce que les jeunes les plus catholiques sont plus attentifs aux messages de l’Église.

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On retrouve ainsi, à un niveau élevé d’intégration catholique, un certain nombre d’indices de ce que nous appelions une « vision hiérarchique du monde [15][15] Voir Guy Michelat, Jean-Pierre Thomas, Dimensions du... » : en particulier l’inégalité des races et le rôle subordonné de la femme, éléments constitutifs de la « personnalité autoritaire » décrite par Adorno, de même que l’importance de la discipline ou l’attitude à l’égard de l’homosexualité. On peut faire l’hypothèse que cette vision hiérarchique peut trouver une résonance dans le « contre-modèle organique et hiérarchique inspiré de son propre fonctionnement interne » qu’historiquement l’Église a opposé aux modèles politiques issus de la Révolution française [16][16] Voir Guy Michelat, Michel Simon, Classe, religion…,....

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Au-delà de la caractérisation des comportements électoraux, les enquêtes quantitatives permettent de saisir la distribution sociale des opinions, attitudes et valeurs qui explique cette permanence. Ainsi, les catholiques, et ce d’autant plus qu’ils sont davantage intégrés à leur confession, se révèlent attachés au libéralisme économique. Or, malgré les mutations qu’ont connues les politiques économiques et sociales depuis quarante ans, le degré de libéralisme économique souhaitable continue d’opposer la gauche et la droite. L’attachement des catholiques à cette doctrine contribue donc à expliquer leur vote conservateur.

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Pourquoi les fidèles de cette confession sont-ils donc tellement libéraux au plan économique ? Les évangiles abondent pourtant en références dépréciant l’importance des richesses matérielles. Mieux : alors que ces textes mettent largement l’accent sur la nécessité d’aider les plus pauvres, plus la pratique catholique est fréquente, plus est rejetée la proposition selon laquelle « il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres » [4][4] Cl. Dargent et G. Michelat, « Système symbolique catholique.... Pourquoi les fidèles d’une doctrine religieuse soulignant que la richesse constitue un obstacle pour l’accès au Royaume s’opposent-ils à la redistribution, et préfèrent donc laisser jouer en toute liberté les mécanismes d’un marché non régulé ? Comme peut-on professer qu’« il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu » (Lc 18,25) et s’opposer à la gauche dont le principe constitutif est justement de lutter contre les inégalités ?

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Outre qu’il s’agirait là d’une hypothèse sociologiquement peu crédible, il n’est pas nécessaire de postuler une hypocrisie généralisée, en prêtant à la population catholique un double langage systématique qui condamne en principe la richesse pour mieux dissimuler sa recherche effrénée. Car la préoccupation qui sous-tend, dans les évangiles, un passage comme celui déjà cité n’est pas l’avènement à tout prix d’une société égalitaire. Ce qui importe au christianisme, c’est la conversion individuelle. Or, ce processus ne peut être que le résultat d’une démarche personnelle. « Prendre aux riches pour donner aux pauvres » renvoie à une politique publique parfaitement étrangère à la conversion de chacun que prêchent les évangiles. En revanche, on sait combien la doctrine catholique encourage l’action caritative volontaire, ce qui est totalement différent, sinon dans le résultat potentiel, en tout cas dans la méthode adoptée…

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Si cette hypothèse est la bonne, l’opposition des fidèles catholiques à la redistribution par l’impôt doit alors être replacée dans un refus plus global d’un système contraignant qui restreint l’espace de liberté indispensable à la possibilité pour chacun de faire son salut. Ce serait alors la même disposition qui s’exprimerait dans l’adhésion des catholiques au libéralisme économique. Intrinsèquement, cette confession porterait à un refus de ce qui peut, dans le débat politique, aboutir à restreindre l’espace des choix personnels. D’où la forte préférence des catholiques français pour la droite et leur rejet symétrique de la gauche qui croit fondamentalement

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