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Le mal et la Providence Divine dans Saint Thomas

Par   •  5 Novembre 2018  •  5 080 Mots (21 Pages)  •  511 Vues

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Le mal est l’absence d’un bien qui devrait naturellement être possédé. Pourquoi ? Ou plutôt : quelles sont les causes du mal, les causes de ce manque ? Il doit y avoir une cause extérieur tout comme le corps lourd est attiré vers le sol par la gravité. Or, le mal n’est pas un être, il ne peut donc rien causer. Tout être est un bien et c’est donc le bien qui est la cause du mal. Saint Thomas reprenant les causes aristotéliciennes dresse la liste :

- Cause matérielle : Comme nous l’avons vu dans les lignes précédentes : le bien est le sujet du mal.

- Cause formelle : Le mal n’en a pas : en effet, le mal est privation de forme.

- Cause finale : il n’en a pas non plus : le mal est la privation d’ordination à la fin requise

- Cause efficiente : il n’est pas produit directement, mais par accident.

Pourquoi est-il si important de dire que le mal n’est pas un être ? Parce que cela signifie que Dieu ne l’a pas créé. Pourtant ce mal existe, il appartient à l’histoire. Nous ne pouvons donc pas dire que Dieu n’a rien à voir avec le mal. Dieu ne peut pas ne pas le prendre en compte, l’ignorer. Ce qui nous porte à notre deuxième question.

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- Le sens providentiel du mal

Bien qu’il ne l’ait pas créé (et pour cause : le mal n’est pas une réalité), étant tout-puissant il pourrait l’éviter. Dieu aurait-il pu faire le monde meilleur ? Oui, mais il n’aurait pas pu faire ce monde meilleur. En effet, il existe une double bonté dans les choses : la bonté appartenant à l’essence de la chose et celle qui en est étrangère. Dieu ne peut faire l’homme meilleur (dans son essence), non pas parce qu’il serait impuissant, mais parce que ce ne serait plus l’homme. Dieu aurait pu choisir de créer un monde différent, mais en aucun cas il n’aurait pu faire ce monde meilleur. En revanche, il peut rendre l’homme meilleur, et c’est d’ailleurs ce qu’il fait en nous comblant de ses grâces, pour tout ce qui ne touche pas à son essence (vertus, sagesse…) (ST I, Q.25, a.6, réponse). Dieu a voulu créer un monde en voie de perfection. Ce dessein comporte l’apparition et la disparition de certains êtres. Il implique également qu’il y ait des choses plus ou moins parfaites. (CEC 310)

Il ne pouvait créer ce monde meilleur, et les lois inscrites dans la nature sont bonnes : s’il ne permettait pas au feu de brûler, de détruire, comment l’homme pourrait-il se réchauffer ou bien cuisiner… Mais ne pourrait-il pas nous empêcher au moins de pécher ?

Saint Augustin disait dans les confessions : « Tu m’as fait pour toi et mon cœur est inquiet tant qu’il ne repose en toi ». Ainsi, Dieu incline toute chose vers lui-même, il ne pousse pas l’homme au péché ni directement, ni même indirectement. L’homme est responsable de son péché soit directement (en pliant sa volonté ou la volonté de l’autre au péché) soit indirectement (en n’aidant pas quelqu’un demeurant dans le péché) (ST I-II Q.79, a.1, réponse).

Dieu n’est aucunement la cause du péché de l’homme : le péché n’est rien d’autre que l’abandon de notre finalité (Dieu lui-même : l’homme est fait pour Dieu, il est invité à vivre de la vie divine). Il est autrement plus grave que le mal physique. Dieu le permet, car il respecte la liberté de sa créature et mystérieusement parvient à en tirer quelque bien (CEC 311). Ainsi Dieu « dans sa providence toute-puissante, peut tirer un bien des conséquences d’un mal, même moral, causé par ses créatures » comme ce fut le cas pour Joseph vendu par ses frères comme esclave et qui deviendra par la suite le sauveur de tout son peuple (Gn45, 8 ; Gn 50,20) (CEC 312)

Dieu n’a pas créé le mal, pourtant le mal existe bel et bien. Comment se fait-il que quelque chose qui n’a pas été créé par Dieu puisse exister ? Ainsi, le mal n’est pas tant lié à la création qu’à son devenir historique et le mal doit donc se comprendre à l’intérieur de la providence. Certainement, le mal n’est pas exclu du dessein de Dieu et nous donne à penser qu’il existe une certaine nécessité du mal. Pour traiter de ce rapport de la divine providence au mal, nous nous baserons essentiellement sur le chapitre 71 du livre 3 de la Summa Contra Gentiles. St. Thomas y explique que la divine Providence n’exclut pas totalement le mal des choses.

- Le gouvernement de Dieu sur l’univers créé n’exclut pas l’intervention de causes secondes. Ainsi, le défaut des choses peut provenir non pas d’une « erreur » du Créateur, mais d’un manquement de sa créature : l’œuvre de l’artisan peut être manquée non pas parce qu’il n’est pas talentueux, mais parce qu’il a des outils abimés, usés.

- En faisant toutes les choses d’une égale bonté, il n’y aurait plus cet ordre, cette multiplicité, cette diversité. Une chose est rendue meilleure que d’autres par ses différences. Ainsi l’homme n’aurait pas ce statut privilégié : être fait à l’image et à la ressemblance de Dieu et maître sur la création (non pas comme tyran, mais comme gérant, comme gardien). Le mal, privation du bien, est une conséquence du fait que des choses peuvent perdre de leur bonté. Rendre toutes choses d’égales bontés irait contre la perfection de l’univers : elle exige une gradualité de bontés. La divine Providence a pour but de conserver la perfection de l’univers et non de la diminuer. Ainsi, on ne peut attribuer à la divine Providence le devoir d’exclure tout défaut de bonté.

- Le meilleur système de gouvernement est que chacun gouverne ce qu’il peut gouverner (capacités, compétences, juridiction). Dieu enfreindrait la justice s’il ne reconnaissait pas le droit des hommes de gouverner ce qu’ils peuvent gouverner selon leur nature.

- De plus, il est impossible qu’une personne agisse mal sans rechercher quelque bien. Interdire universellement l’attraction au bien éprouvé par les choses créées ne peut être une solution pour éviter l’égarement de ces mêmes créatures : Dieu étant la cause de tout bien. Saint Thomas prend l’exemple du feu : si Dieu supprimait l’intention du feu de générer quelque chose qui lui ressemble, à laquelle suit la corruption des choses combustibles, alors le feu ne pourrait plus se conserver. Ainsi, il existe entre les êtres matériels un strict rapport d’interdépendance. La corruption de l’un permet la génération de l’autre. C’est pourquoi

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