Le dégout (philosophie)
Par Junecooper • 19 Octobre 2018 • 2 856 Mots (12 Pages) • 594 Vues
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Cependant, le dégoût porte moins sur la nature de l'objet pris en lui même que sur sa situation de contiguïté relativement à nous. Le dégoûtant semble venir se coller à nous. Une proximité corporelle devient alors promiscuité, comme lorsqu'un individu alcoolique ou psychotique s'approche trop, et qu'on redoute que son délire ne déborde sur nous. Le dégoût devient alors un malaise lié à la présence d'un objet dont la manière d'être suscite immédiatement une réaction de rejet.
TRANS : Néanmoins, le dégoût n’interviendrait pas uniquement pour nous signaler un danger visant notre intégrité physique mais aussi pour nous avertir d’éventuelles menaces touchant « l’ordre social et moral ». En effet, comme souligné plus haut, du dégoût serait éprouvé lorsque certains agissements sont perçus comme des offenses à nos valeurs morales et/ou enfreignent les normes sociales. Le dégoût peut être vu comme une émotion tournée vers soi comme dirigé vers autrui.
II. dégoût moral et dégoût social
Le dégoût moral ferait référence en partie au dégoût interpersonnel et au dégoût socio-moral, c’est à dire au dégoût issu de comportements faisant outrages à nos valeurs sociales, et aurait pour fonction d’éviter les contacts avec des personnes non convenables socialement, éviter les échanges jugés inappropriés. Une émotion dont la tendance d'action serait l'évitement voire la condamnation.
A. le dégoût moral une prolongation du dégoût physique
- dégoût physique qui devient morale
Le dégoût comme nous l'avons vu se présente tout d’abord sous la forme d’une réaction de rejet de quelque chose qui me serait dangereuse ou offensante. Il me protège en éloignant la source d’une possible contamination. Dès lors que la contamination viendrait d’un autre être humain, le dégoût conduit à rejeter celui-ci, à vouloir s’en éloigner le plus possible. Au lieu de me rapprocher de mon semblable donc, le dégoût a pour double effet de me différencier d’un semblable potentiel et de me séparer de celui-ci.
Or, c’est par le biais de ce processus de différenciation et de rejet que le dégoût peut verser dans l’indignation morale.
-le dégoût une construction culturelle
Seulement si le dégoût semble bien être enraciné dans notre nature en particulier en tant que réflexe d’auto-défense que la sélection naturelle aurait favorisé. Il est indéniable que cette interprétation est remise en cause par l’absence de dégoût et de sensibilité à la contamination chez les enfants de moins de cinq à sept ans, chez d’autres espèces animales. Le dégoût déborde de spontanéité, d’immédiateté et se laisse largement influencer par l’éducation ou la culture : « Les fonctions sociales du dégoût sont peut-être plus importantes que ses fonctions biologiques''. (Haidt). La répugnance, l'aversion provient nécessairement d'une culture, elle provient d'un processus éducatif : nous croyons qu'une déjection nous écœure en raison de sa puanteur. Mais puerait-elle si d'abord elle n'était pas devenue l'objet de notre dégoût ? Un enseignement qui se transmet par une mimique, et si il le faut dans certaine culture par la violence. L'étrange aberration qu'est le dégoût et dont la contagion nous parvient depuis les premiers hommes à travers d'innombrables générations d'enfants grondés.
B. une fonction sociale de différenciation, il existe une étroite corrélation entre les objets de dégoûts physique et le domaine moral.
- exclusion social
Le dégoût est donc cette émotion par le biais de laquelle une société ou un groupe à l’intérieur d’une société rejette ce qui est considéré comme polluant, corrupteur, dangereux ou dégradant. Le dégoût possède une fonction sociale de distinction. Il suffit de penser au dégoût que certains individu ou même société ressente à l'égard des autres peuples, ethnies, religion (comme nous le montre la 2GM : le dégoût du juif ou encore de l'homosexuel encore en Tchétchénie aujourd'hui). Le dégoût exprime un rejet d’actes, d’individus ou de groupes coupables de crimes ou de transgressions des normes morales ou sociales. C'est une réaction morale face à des actes ou des comportements considérés comme inacceptables, intolérables : comme l'inceste, le viole.
Par ailleurs, il est la manifestation de l'impératif d'exclusion qui est fondateur de l'humain. Kolnai remarque que le mot ''pourri'' à le même sens dans le domaine moral et dans la réalité physique. On peut comprendre le dégoût comme ce qui produit un clivage social en le fondant sur l'exclusion des formes misérables : la crasse, la morve, la vermine suffisent à rendre abject un enfant en bas âge. L'abjection entraîne une réaction de dégoût conduisant à exclure ce qui est bas, méprisable sans oublier que la misère dégoûte aussi bien ceux qui la vivent que ceux qui l'évitent.
- conservation de l'ordre social
En effet si le dégoût primaire a pour fonction de protéger le corps, le dégoût socio-moral a pour fonction de protéger à la fois la dignité humaine et l’ordre social. Ici la dignité humaine est synonyme de supériorité de l’humain par rapport à l’animal, en ce sens que le dégoût réagit à tout ce qui rappelle la nature animale de l’être humain, pour l’expulser en dehors, pour le dénoncer, pour le purifier le cas échéant. Dans de nombreuses sociétés, traditionnelles mais aussi contemporaines, le sang menstruel, le contact avec des cadavres ou encore avec des excréments sont autant de sources de pollution, rappelant que l’être humain partage avec l’animal sa corporéité et sa mortalité. Dans la religion l’ablution reste une forme (symbolique) de purification destinée à rendre l’animal humain digne d’entrer dans la présence du divin. Dans sa forme ritualisée, l’hygiène symbolise que l’humain s’élève au-dessus de l’animal pour se rapprocher de la divinité. A l’inverse, toute source de pollution est dégradante, c’est-à-dire indigne de la vocation la plus élevée de l’être humain. Ainsi le dégoût socio-moral entretient donc un lien fort avec la dignité. Il a pour rôle de préserver l’espace public ou l’espace
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