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Le langage.

Par   •  2 Novembre 2017  •  6 256 Mots (26 Pages)  •  511 Vues

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II - LES POUVOIRS DU LANGAGE

- Sans le langage, le monde nous demeurerait confus, opaque, incompréhensible. Nous vivrions dans un chaos d’impressions. Nommer une chose, c’est la faire sortir de l’indifférenciation, de l’anonymat, de l’« incognito », c’est l’extraire d’une sorte de néant. Nommer, c’est appeler quelque chose à la conscience, se rendre attentif à ce que l’on nomme, c’est dévoiler une réalité qui nous était cachée. Sans le mot, on ne prend pas clairement conscience de la chose qu’il désigne ; il fait, psychologiquement parlant, exister ce qu’il nomme. Il permet la connaissance : il est appel et révélateur d’être. Il donne sens à toutes choses parce qu’il en révèle L’essence par-delà l’existence. L’homme n’a conscience de la réalité que par la médiation des mots. C’est par le mot que la chose nous devient présente. - Sans la médiation du langage, l’homme serait trop près du monde pour le connaître, le juger, en prendre conscience. Le langage rend la conscience possible, puisqu’il permet une mise à distance de ce dont on parle, et qu’il n’y a de conscience que ce dont on se distingue, que de ce dont on est en quelque façon séparé. - Du monde, en deçà de ce qu’on en peut connaître par le langage, nous ne connaissons rien parce que, sans les mots, nous ne pouvons rien y reconnaître. La connaissance humaine se fait par les mots avant de se faire par les choses. Nous allons plutôt des mots aux choses que des choses aux mots. L’univers du langage se distingue de celui des choses à la façon dont le monde intelligible se distingue du monde sensible. En sorte que c’est la réalité qui semble reproduire et imiter le langage. On ne reconnaît dans le monde que ce qui est d’abord au moins implicitement connu dans le langage, comme si celui-ci renfermait la clé et le secret (c’est-à-dire le principe d’intelligibilité, de reconnaissance) des choses qu’il désigne. L’existence des choses ne se révèle à nous qu’éclairée par les mots qui semblent nous en révéler l’essence (On ne garde aucun souvenir précis de sa petite enfance avant le langage.). - Le monde n’est donné à notre représentation que par le langage : par sa structure, ses catégories logiques, sa syntaxe, ses lois d’association, et par le vocabulaire qu’il met à notre disposition. Le langage nous révèle l’ensemble des êtres et leurs manières d’être, c’est-à-dire les substances (substantifs, sujets) et leurs diverses caractéristiques (quantité, qualité, relation, temps, lieu, situation, action, passion, avoir). - Le langage permet la substitution d’un univers structuré, ordonné et coordonné à un ensemble de sensations incohérentes et chaotiques, d’un monde stable et solide à un monde inconsistant et évanouissant. C’est par le langage que toute chose se dé-termine, se dé-finit, se circonscrit. Le mot découpe la chose qu’il désigne dans un univers d’abord confusément perçu, il la fait « ressortir ». Il est un instrument de repérage, de mise en perspective, de mise en valeur. Il permet la distinction et le classement des choses. Cf. Platon, Cratyle : « Un nom est un instrument d’enseignement et, à l’égard de la réalité un instrument de démêlage comme l’est, à l’égard d’un tissu, une navette. » - Le monde, psychologiquement ou spirituellement, se construit mot à mot. Appeler la réalité à la conscience, c’est d’abord épeler l’univers des mots susceptibles de nous la révéler. Par son vocabulaire et sa syntaxe, le langage nous révèle les êtres et leurs relations. Les lois syntaxiques régissent l’utilisation des mots, comme les lois physiques semblent régler le cours des choses. Cf. Nicolas Grimaldi, Aliénation et Liberté : « Le mot, une fois lancé, inaugure une première complicité de la conscience avec le monde. (...) Hors de l’indiscernable quelque chose va être discerné, que nous pourrons connaître et reconnaître. Hors du je-ne-sais-quoi va paraître ce de quoi il s’agit dans le mot. Le mot ne crée pas ce qu’il nomme : simplement, il en est l’épiphanie. Il nous y conduit, il nous le révèle, il nous le montre. De même que la nuit dissimule dans l’indifférenciation de l’indiscernable et de l’innommable le riche foisonnement des choses que nous révèle le jour, de même le silence primordial aliénait la conscience en un monde nocturne sur lequel chaque mot fait lever une aurore. Le langage est l’aube de l’être. » - Puissance de révélation, le langage est également puissance d’action. S’assimiler le langage, c’est s’approprier psychologiquement ou spirituellement le monde : il nous permet de le comprendre, de le « prendre avec » nous, dans notre intériorité. Le langage permet ainsi une maîtrise logique du monde. Cette puissance, parce qu’elle en est le préalable ou la condition, permet l’existence d’une puissance d’action sur le réel lui-même. En nous permettant de structurer un monde d’abord confusément perçu, le langage nous donne comme le schéma ou le plan des situations où nous nous trouvons, ainsi que le mode d’emploi des choses qui nous entourent. Il est un fil d’Ariane qui nous oriente dans le labyrinthe du monde. Il nous prépare à le maîtriser : user de mots, c’est se préparer à mettre la main sur les choses qu’ils désignent, à les « prendre en main », les manipuler. Le langage est déjà potentiellement une « mainmise » sur le monde, qui nous apparaît alors comme constitué d’une infinité d’objets manipulables. Telle est la fonction opératoire du langage : il classe le réel en vue d’une action ; il est l’éclaireur et comme l’antichambre de l’action. Il révèle, en chaque situation, des points d’appui, des prises pour agir. - En ce sens, le langage est la technique originaire et originelle, la technique des techniques, la technique sans laquelle aucune autre ne serait possible. Les mots sont comme des outils par lesquels nous façonnons et structurons le monde de notre intériorité, comme les outils manipulables transforment et ordonnent le monde selon nos exigences. Toutes les techniques ont leur source dans le langage, qu’elles ne font en quelque sorte qu’extérioriser et prolonger. Cf. Georges Gusdorf, La Parole : « L’invention du langage est ainsi la première des grandes inventions, celle qui contient en germe toutes les autres (...). Le langage se présente comme la plus originaire des techniques. Il constitue une discipline économique de manipulation des choses et des êtres. Une parole fait souvent plus et mieux qu’un outil ou qu’une arme pour la prise de possession du réel. Car la parole est structure d’univers. » - La religion chrétienne identifie Dieu à la Parole (le Verbe, la Raison, la

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