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Dissertation le langage sert il a echanger nos idées

Par   •  22 Mars 2018  •  2 189 Mots (9 Pages)  •  681 Vues

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Or, cette efficacité ne peut-elle pas se retourner contre nous ? L'outil est réversible : il peut être l'instrument qui me permet d'atteindre mes objectifs mais aussi l'obstacle qui me résiste. Dès lors, le langage ne peut-il pas ne pas être qu'un outil efficace et utile? Ne peut-il pas aussi être inefficace, voire nuisible?

II

Le langage n'est pas seulement un outil car il n'est pas toujours utile. Il peut nous desservir soit parce qu'il est ne nous permet pas d'exprimer correctement notre pensée, en raison du décalage qui peut exister entre ce que nous pensons et éprouvons et les mots que nous avons à disposition. Justement parce qu'il doit être un outil de communication, le langage est une convention arbitraire dont les éléments, les mots, sont généraux d'où son inaptitude structurelle à saisir une réalité extérieure ou intérieure qui n'est jamais générale.. Le langage ne peut se réduire à cette fonction utilitaire généralisante que décrit Bergson ; il est en mesure, de dire la singularité des choses et des êtres en dehors de toute volonté d’action et de transformation du monde voulues par la société.

Il est intéressant de noter que c'est justement ici une approche purement utilitaire du monde à travers le langage qui en motive la critique : il y a bien plus dans la réalité que ce que les mots nous en disent dans leur usage quotidien.Pire qu'inefficace, le langage peut aussi nuire : soit comme outil de domination, soit lorsqu'il nous trahit.

Le langage peut être détourné de sa simple fonction de communication comme moyen de séduction, de manipulation ou de pression. La réthorique est ainsi l'art de bien communiquer afin de persuader l'interlocuteur par l'éloquence. Il ne s'agit pas seulement d'exposer des arguments mais d'utiliser la « magie des mots » pour arriver à ses fins. Platon oppose ainsi dans ses dialogues Gorgias, homme d'éloquence, et Socrate, homme qui parle peu mais qui assène questions après questions. Le premier cultive l'art de parler, le second l'art de penser. Le premier cherche à persuader, le second à convaincre.L'art de bien communiquer est, de nos jours, surexploité par la publicité, les journalistes, les conseillers en communication, les commerciaux. Ainsi, les « images chocs » à la télévision dispensent le téléspectateur de penser. Dans le marketing existe une maxime: « un bon vendeur vendrait n'importe quoi ! »: une voiture, un dictionnaire, un parapluie, un piano, une lessive, et ainsi de suite. Cependant, il ne faut pas pour autant tomber dans une certaine paranoïa à l'égard de tout beau discours: la vérité n'exclut pas l'élégance de l'expression.

Pour que le langage remplisse fidèlement son rôle de médiateur entre deux consciences, il faudrait que les mots que nous utilisons aient bien pour tous la même signification. Or, un des caractères du langage humain est qu’il implique nécessairement une part d’interprétation. Les mots sont «équivoques», au sens où, pour un même signifiant, il existe plusieurs signifiés. D’autre part, comme le fait remarquer Hobbes, chaque homme investit chaque mot de ce qui correspond à sa propre expérience : En employant les mêmes mots, nous ne pensons pourtant pas exactement aux mêmes choses. Tous ces éléments attestent du fait que le langage n’est pas entièrement fiable quand il s’agit de faire connaître nos pensées à autrui.Plus précisément encore, on peut douter du caractère approprié du langage à l’égard de ce qui constitue notre vie intérieure, comme l’écrit Bergson. Les mots renvoient par essence à des généralité:les employer, c’est donc toujours trahir ce que nous ressentons, nous, de façon authentique et singulière. Davantage encore, l’habitude que nous avons de recourir au langage fait que nous ne percevons plus de nous-mêmes que ce qui peut rentrer dans des mots. On peut donc dire que le langage va jusqu’à fausser la connaissance même de ce qui fait la singularité de notre personnalité, avec des sentiments et des émotions qui n’appartiennent qu’à elle.

Enfin, nous pouvons ajouter que même la pensée dans ce qu’elle a de plus conceptuel peut avoir des raisons de se sentir trahie par le langage. Comme le suggère Nietzsche dans Par-delà bien et mal, la langue dans laquelle nous pensons nous détermine à penser selon certaines structures logiques précises, en raison des règles de grammaire notamment. L’élément dans lequel se forme la pensée est donc en même temps ce qui la conditionne et ce qui la maintient dans un certain cadre de pensée particulier. La pensée est en ce sens trahie dans son aspiration à la liberté et à la vérité.

Donc le langage n'est pas seulement un outil car il peut être aussi inefficace ou nuisible. Mais, comme on l'a d'ailleurs déjà évoqué, cela revient à le réduire à nouveau à n'être qu'un outil : un moyen, utile ou non, avantageux ou nuisible, mais jamais une fin en soi. Or, n'y a-t-il pas plus dans le langage que cette simple question de l'utilité ? Le langage n'est-il pas une fin en soi, en aucun cas un simple outil?

III

Le langage n'est pas un simple outil car c'est une fin et non un moyen. La valeur du langage tient non pas dans une finalité extérieure mais en lui-même, par ce qu'il rend possible en tant que tel. Le langage n'est pas seulement l'outil de communication et d'expression de la pensée mais il est le lieu même de la pensée, la pensée même comme le démontre Hegel. Il n'y a pas deux moments:une pensée qui s'élaborerait en dehors du langage pour être ensuite saisie et exprimée par celui-ci mais un seul.

La notion de communication suppose en effet dans le sens où on l'a utilisé un rapport extérieur et interessé mais on peut l'entendre dans un sens plus précis, en mettant en valeur le « commun »présent dans le mot lui-même: communiquer c'est aussi rencontrer véritablemet l'autre et le langage est alors comme une fin en soi car lui seul permet justement de dépasser l’étrangeté d'autrui pour le rencontrer comme nous l'expliquer Maurice Merleau-Ponty. On peut même élargir en pensant à la fonction de délibération, de la discussion en démocratie par exemple : le langage dépasse des préoccupations intéressées et utilitaires pour nous permettre de réaliser des fonctions essentielles à notre humanité.

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