La faiblesse de la volonté
Par Christopher • 3 Décembre 2018 • 3 311 Mots (14 Pages) • 625 Vues
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II. Peut- on être librement et délibérément irrationnel ?
- Tout d’abord, il semble intuitif d’affirmer que lorsque nous délibérons avant d’agir, nous tentons en général de choisir la meilleure option à l’aide des connaissance qui s’offrent à nous. Nous agissons alors en général en guidant nos actions vers un bien réel ou un moins imaginaire. Nous déterminons un état qui nous semble désirable et dirigeons ensuite nos actions vers ce que nous croyons qui nous permettra d’avancer vers cet état. Ce jugement évaluatif, conclusion de la délibération pratique qui est appelée « meilleur jugement », devrait motiver l’agent à accomplir l’action en question, puisqu’elle constitue selon l’agent lui-même la meilleure action qui lui est ouverte. C’est ainsi ce que Donald Davidson affirme notamment dans son article de 1970 (« Comment la faiblesse de la volonté est-elle possible ? ») en soutenant que la possibilité d’actions akratique (actions qui sont à l’encontre du meilleur jugement) est compatible avec le principe selon lequel une personne juge qu’une action est meilleure qu’une autre et se croit libre de faire l’une ou l’autre action. Ainsi elle accomplira intentionnellement l’action jugée meilleure. Ce modèle internaliste, extrêmement intuitif, nous permet de faire sens de nos actions et de celles des autres en rapportant nos actions (issues de délibérations) aux jugements et aux raisons qui leur correspondent. Cependant, comment expliquer l’avènement d’une irrationalité pratique, d’un dissociation entre le jugement pratique et la motivation ? Faut-il suivre le sens commun quand il invoque des intentions, des décision, des choix et des préférences ?
- Enfin, pour Holton, réduire la faiblesse de la volonté à l’action libre contre un meilleur jugement ne rend pas adéquatement compte de la conception commune de la faiblesse de la volonté. Il ne s’agit plus ici de conflits entre le jugements évaluatif et l’action, et donc d’évènements singuliers et synchronique, mais plutôt d’un phénomène fondamentalement ancré dans l’exécution ou la non-exécution d’intention que nous formons à travers le temps. Il s’agit donc d’un manque de fermeté dans nos décisions : ainsi, plus nous parvenons à suivre certaines règles, plus il est probable qu’elles s’inscrivent comme une forme d’habitude et qu’elles en arrivent à ne plus nécessiter d’effort de volonté. C’est de fait le mécanisme qui est utilisé par exemple pour traiter le problème de l’alcoolisme chez les Alcooliques Anonymes. Une ligne rouge (« bright line » dans Breakdown of will de Ainslie) est posée pour empêcher l’alcoolique de tenter de rationaliser une occasion de boire comme étant une exception à la règle puisque la règle ne permet justement pas l’existence d’exceptions.
Cette approche de la volonté à pour avantage de rendre compte de la sensation d’effort dont nous faisons l’expérience lorsqu’il faut nous en tenir à une résolution face à une inclinaison contraire. Il s’agit également de l’une des seule conceptions de la faiblesse de la volonté qui fasse réellement intervenir une conception de la volonté pour expliquer la faiblesse de cette dernière.
Transition : Ainsi,
III. Peut-on vouloir le bien et faire le mal ?
- Tout d’abord, la faiblesse de la volonté peut être compris comme une sorte de solution « non volontaristes » qu’est l’ignorance. Il s’agit alors de la thèse platonicienne (mais également exprimé dans l’Ethique à Nicomaque d’Aristote) qui est que celui qui fait le mal ne sait pas ce qu’il fait et se trompe, il veut faire le bien, mais il prend le mal pour le bien. Cette thèse apparaît très bien dans deux de ces textes que sont le Protagoras et le Ménon. Selon lui, celui qui connaît le bien le fera nécessairement, et évitera le mal. Ainsi, on ne fait donc jamais le mal volontairement. Cette thèse renvoie à l’enseignement socratique que l’on qualifie d’ « intellectualisme moral » (thèse selon laquelle on ne peut savoir le bien et ne pas le faire). De fait, celui qui fait le mal ne le voulait donc pas mais il est victime d’une illusion : voulant le bien, son bien, soit entendu comme plaisir, soit comme bonheur, il fait le mal, le prenant pour le bien. C’est explication du mal moral revient à dire que son origine se trouve dans les pulsions, dans l’inconscient, dans la passion, et ne se trouve donc pas dans la raison, ou dans la partie réflexive, intelligente, de notre âme. De ce fait, la faiblesse de la volonté nous laissant oeuvrer dans le mal ne serait que la réaction impulsive a un désir, sans réflexion. Ainsi, le mal ne serait que le fruit d’un manque de délibération cependant, ne sommes-nous pas attirer vers le mal, malgré les connaissances et les considération que nous portons à l’égard de nos volontés ? La faiblesse de la volonté ne serait-elle pas la volonté même du mal ?
- La solution de Kant (et son travail autour de la liberté d’indifférence) possède l’avantage de faire du mal un problème moral et non plus un problème épistémologique : celui qui agit mal n’est pas nécessairement un ignorant, mais il est à coup sûr un faible, puisque sa volonté est incapable de vouloir ce qui doit être fait nécessairement mais réclame un effort. Ainsi, cet effort n’est pas fait et les conséquences de cette faiblesse de la volonté sont parfois dévastatrices. Nous pouvons prendre comme exemple l’expérience de Milgram ou le cobaye est incapable de vouloir mettre fin à l’expérimentation alors qu’il le devrait au bout d’un certain temps, indépendamment du fait qu’il soit ignorant ou non, qu’il ait le désir de continuer ou non ou qu’il éprouve du plaisir ou non. Il ne veut pas vraiment faire le mal mais il ne veut pas non plus s’y opposer. La faiblesse de la volonté qui est reproché à celui qui agit mal est donc un immoralisme : il est pleinement conscient de l’immoralité se son intention de départ, dont il sent qu’elle peut avoir de graves conséquences pour autrui et pour lui-même mais il sait que ces conséquences ne sont pas certaines et il ne peut pas arrêté le processus dans lequel il est engagé alors qu’il touche à sa fin. Mais alors cette faiblesse morale de la volonté ne montre-t-elle pas que l’on peut finalement, toujours avoir une bonne raison de faire le mal ?
- Dans tous les cas, on remarque que celui qui fait le mal, le fait toujours en conscience (il se rend compte que sa conscience oscille entre l’intention de se préoccuper d’autrui en priorité et celle de se préoccuper de lui-même en priorité).
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