Les liens sociaux à l'heure du numérique: Facebook
Par Junecooper • 26 Août 2018 • 3 528 Mots (15 Pages) • 528 Vues
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L’impact sur nos relations
Facebook rend les gens plus accessibles les uns aux autres mais les rend-il nécessairement plus « proches » pour autant ? Quel est l’impact de Facebook sur la qualité des relations ? Nous avions vu que quelqu’un de « sociable » « manifeste la faculté d’entretenir de bonnes relations humaines » [19]. Appliquons à présent cette définition à Facebook. Selon certaines sources, Facebook n’aurait pas d’impact significatif sur la qualité des relations avec les proches. Le moment d’utilisation y joue un rôle important. Le moment où les jeunes utilisent le plus Facebook a un effet sur la gestion de leur vie sociale : « grâce aux progrès du Wi-Fi et de l’informatique ubiquitaire, cette activité de réseautage se concentre aux moments où la socialisation de ces jeunes gens est la plus intense, quand ils sont en classe, entourés par leurs pairs, ou quand ils rentrent à la maison avec leurs colocataires ou amis. Autrement dit, avec ceux qui sont dans leur liste de contacts sur Facebook. » [20]. Facebook, comme d’autres outils de communication digitaux, n’appauvrit pas les relations avec les proches quand il est bien dosé : l’utilisation « ne se concentre pas dans les heures de la nuit, et n’empêche pas les sorties entre amis. Significativement, pendant les week-ends, le nombre de messages baisse de façon drastique. » En revanche, une utilisation importante à des moments significatifs peut devenir inquiétante : « l’usage d’Internet pendant les week-ends joue davantage en défaveur du temps passé avec les amis et la famille que l’usage en semaine (…) ceux qui se servent d’Internet dans le cadre de leur activité professionnelle sont moins coupés de leurs proches que ceux qui s’en servent en dehors de leur travail. »
En termes de qualité relationnelle, on remarque un autre aspect important concernant Facebook. Quelle que soit l’étendue du réseau, certains scientifiques affirment que le nombre de personnes avec qui on interagit reste relativement restreint. Quels que soient les outils proposés par Facebook et l’extension incroyable de réseau qu’il permet, il semble que les utilisateurs ne perdent pas de vue leurs cercles les plus proches. La plateforme serait aussi intéressante pour rester en contact avec ses proches, connus en « hors ligne » : “les humains font la promotion d’eux-mêmes peut-être plus efficacement. Mais ils ont toujours les mêmes petits cercles d’intimité qu’avant.” [21]. Voilà un élément intéressant à considérer, sachant qu’une grande majorité d’utilisateurs se servent de Facebook pour y étendre leur réseau personnel : “ces utilisateurs de Facebook qui ont le plus d’amis ne communiquent seulement qu’avec un relatif petit nombre d’entre eux.” [22] Voilà de quoi rassurer les anti-Facebook qui pensent qu’extension de réseau ne rime pas avec approfondissement de relation.
Après l’approche quantitative et qualitative, une petite parenthèse peut être faite pour adopter une approche de genres. Ici, nous faisons référence à la distinction sociabilité féminine/sociabilité masculine dont nous parlions précédemment. Sur Facebook, les hommes et les femmes développeraient une sociabilité différemment. Les hommes seraient plus portés sur le factuel : « Les hommes ont tendance à plus l’utiliser de manière fonctionnelle : poster des nouvelles, de l’information et sont ainsi orientés vers la tâche. Ils sont également plus susceptibles que les femmes de partager des opinions politiques (49% VS 36%) et des opinions religieuses (51% VS 43%) » [23]. Les femmes, elles, se montreraient plus émotionnelles car elles “ sont plus susceptibles en ligne de faire preuve d’affection, de partager des photos de famille et de montrer de la sympathie à propos de photos spontanées prises lors de sorties entre copines. » [24]
Une autre socialisation est possible
Nous pouvons considérer que Facebook (ou Internet pour parler de manière plus large) n’appauvrit pas le lien social. La plateforme ne se limite pas du tout à un outil utilisé individuellement et éloignant l’utilisateur physiquement des autres individus. Plutôt que d’appauvrir le lien social, elle semble au contraire en prendre soin : « Ces étudiants ont une vie sociale et leur pratique d’Internet, loin de la mettre en péril, la seconde. » Ici, on attribue donc plutôt à Facebook un caractère socialisant puisqu’il traduit un besoin social pré-existant à l’utilisation.
Avec Facebook, et avec les outils numériques plus généralement, on serait plutôt dans un autre type de socialisation : “les medias sociaux ouvrent des opportunités vers de nouveaux modèles d’amitiés, d’intimité et de communauté” [25]. Via Internet, la socialisation se déplace, prend une autre forme et n’en n’est pas nécessairement réduite ou appauvrie : « Internet n’annule pas la sociabilité de ses utilisateurs. Il la reconfigure ». Nous l’avons vu, Internet répondrait même à un besoin de socialisation de la part d’individus esseulés voulant se sentir dans une communauté : « cette sociabilité à distance constituerait, dans un certain nombre de situations, un outil extrêmement puissant de remédiation contre l’isolement et la déliaison permettant de retrouver un sentiment d’appartenance à un collectif » [26].
Internet, d’apparence isolant parce qu’il est utilisé seul derrière un ordinateur, n’est pas du tout à craindre. Le Web est un outil, parmi d’autres, pour s’intégrer dans la société et développer une sociabilité, il « doit donc être regardé à juste titre comme une activité socialisante. Son usage suit le rythme des rencontres en face à face ». Le Web est en principe toujours associé à différents autres types d’interactions. En ce qui concerne les réseaux sociaux, une auteure a son avis sur la question : « un type de média social ne remplace pas un autre, mais plutôt, s’intègre dans un ensemble d’utilisation médiatique qui inclut des formes de communication en ligne et hors ligne » [27].
Rappelons que tout outil ayant un support technique a souvent été critiqué lors de son apparition. Lorsque le téléphone est apparu, beaucoup l’ont dénoncé comme tuant les rencontres en face à face [28]. Le Web ferait face aux mêmes diabolisations : « il semble bien qu’il en va de même, au moins quantitativement avec Internet, qui s’impose d’abord, du point de vue des usages, comme une sorte de téléphone du XXIe siècle » [29]. Les mordus d’Internet ne font pas que s’isoler car, même eux, gardent en vue l’intérêt des moyens de communication plus traditionnels
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