« État et Capitalisme : de la fin du 19ème siècle à la fin de la guerre froide »
Par Junecooper • 5 Novembre 2017 • 5 744 Mots (23 Pages) • 838 Vues
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- Le rejet de la position de « l’État comme simple superstructure », et de « l’État comme capital »
- Les origines de l’État national et du capital national
Pour bien comprendre les relations entre État et capital aujourd’hui, il faut rejeter et la position de « l’État comme simple superstructure », et celle de « l’État comme capital ». Il faut au contraire comprendre comment, concrètement, capitaux et État capitaliste agissent l’un sur l’autre au cours du développement historique. Les États nationaux actuels ont émergé comme superstructures du développement de l’organisation capitaliste de la production. Mais ils agissent à leur tour sur cette organisation en déterminant son rythme et son orientation.
Marx relève dans le deuxième volume du Capital que le capital peut prendre trois formes : « capital productif », « capital-marchandise » et « capital-argent ». Le processus d’accumulation du capital implique des transformations répétées d’une forme à une autre : le capital-argent est utilisé pour acheter des moyens de production, des matières premières et payer la main d’œuvre. Tout ceci alimente le processus de production qui les transforme en marchandises. Les marchandises sont échangées contre de l’argent. L’argent sert à acheter des moyens de production supplémentaires, des matières premières, à payer la main d’œuvre, etc.
Les formes du capital agissent l’une sur l’autre lorsque l’une se transforme en une autre, ce qui fait qu’à tout moment, une partie du capital total prend la forme de moyens de production, une partie de marchandises en attente d’être vendues, une partie d’argent. Mais il peut aussi y avoir une séparation partielle de ces trois différentes formes. L’organisation de la production, la vente de marchandises, et la gestion de capitaux peuvent être dévolues à des groupes différents de capitalistes.
C’est cette séparation qui crée l’illusion que le capital est un objet dont la taille grandit par un processus magique. Et, de fait, il grandit pour les capitalistes qui se contentent d’acheter et vendre des marchandises, comme pour ceux qui avancent de l’argent contre intérêts.
Chacune de ces formes de capital a eu historiquement une relation différente à l'institution qui a le monopole de la violence politique sur un territoire donné, l’État. Le capital-argent peut (ou au moins pouvait, dans sa forme classique, quand l’or était le principal moyen de paiement) rester indifférent aux structures étatiques. Comme Marx l’a remarqué, il a pu se développer bien avant le développement général du capitalisme. Des prêteurs, à un bout de l’Europe pouvaient prêter à des gens à l’autre bout de l’Europe et comptaient sur leur besoin de nouveaux emprunts pour en garantir le paiement avec intérêts. C’est ainsi que les banquiers italiens ont financé la monarchie française et les banquiers d’Allemagne du sud la monarchie espagnole. Les financiers n’avaient pas besoin d’être liés à un État particulier pourvu qu’ils puissent trouver le moyen de s’assurer que l’État ne leur confisque pas leurs biens.
- « L’autonomie » de l'État
Dans certains cas, ceux qui contrôlent l’État rompent avec les détenteurs de capital du pays. Les nazis, par exemple, ont confisqué les biens de Thyssen et mis en place le groupe Hermann Goering, devenu un élément important de l’économie allemande. Le premier gouvernement de Perón en Argentine s’est emparé des superprofits des propriétaires terriens et les a utilisés pour le développement d’une industrie contrôlée par l’État. Nasser en Égypte, et les Baasistes en Syrie ont exproprié le grand capital (national et étranger) et l’ont transformé en capital d’État. Ceux qui contrôlaient les appareils d’État en Europe de l’Est après la Deuxième Guerre mondiale, s’en sont servi pour imposer une étatisation presque complète des moyens de production.
En de nombreux autres cas, ce sont les capitalistes qui agissent contre les intérêts de « leur » État : en plaçant leurs fonds et leurs investissements à l’étranger, en passant des accords avec des capitalistes étrangers qui nuisent à d’autres capitalistes nationaux, parfois même en vendant des armes à des États en guerre. Cependant, l’État ne peut s’autonomiser par rapport au capital, ou l’inverse, que dans certaines limites. Pour l’État, la limite est que même s’il porte atteinte aux intérêts de quelques capitalistes, il ne peut pas oublier que ses revenus, et sa capacité à se défendre contre d’autres États dépendent en dernière analyse, de la poursuite de l’accumulation du capital. Ainsi, les nazis ont exproprié Thyssen, saisi les biens des capitalistes juifs, mis en place l’horrible machine des camps sans aucun bénéfice pour le capital allemand. Ils ont même pu poursuivre la guerre jusqu’au bout alors même qu’il était évident qu’elle allait être perdue, et que les intérêts du capitalisme allemand auraient été mieux servis par des offres de paix négociée. Mais ils n’ont pu le faire que parce qu’ils s’assuraient que l’exploitation capitaliste se faisait dans les termes les plus favorables pour le capital (d’État et privé) et donc que l’accumulation se poursuivait. La même remarque peut être faite pour Perón, Nasser, les Baassistes, les régimes d’Europe de l’Est, etc.
De son côté, le capital ne peut fonctionner longtemps sans un État à son service. Il est trop vulnérable pour tenter de survivre seul dans une jungle où il peut être la proie soit de forces venues d’en bas capables d’interrompre le rythme normal d’exploitation, soit des autres capitaux et de leurs États.
Pour l’État comme pour le capital, rompre avec l’autre est difficile et risqué. Si l’État s’en prend au capital privé, cela peut déboucher sur une situation où les travailleurs commencent à remettre en cause non seulement le capital privé, mais l’accumulation elle-même et, du coup, les dirigeants de l’État. Si le capital rompt avec « son » État, il risque de se retrouver seul dans un monde hostile. Il n’y a donc ni une voie toute tracée vers le capitalisme d’État, ni des possibilités illimitées pour le capital de se déplacer d’une zone à une autre.
- L'impérialisme
Nous comprenons maintenant le sens de l’idée de la « fusion de l’État et du capital » qui était si centrale dans les écrits de Lénine et Boukharine sur l’impérialisme. La logique
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