Le service public à la française
Par Raze • 11 Janvier 2018 • 1 891 Mots (8 Pages) • 1 176 Vues
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extension: le droit public et la compétence administrative sont applicables à l’activité des personnes publiques autres que l’État.
Deuxième extension: alors que les contrats pour les personnes publiques étaient des contrats civils relevant des tribunaux judiciaires, le CE décide que l’exécution d’un service public est un contrat administratif et relève donc de la juridiction administrative. Arrêt CE 4 mars 1910 Thérond.
Dans le même temps, d’autres tendances de la jurisprudence administrative de la même époque commencent simultanément à démentir les conceptions de la théorie du service public par l’acceptation de la gestion privée des services publics. L’arrêt Terrier, CE, 6 février 1903, marque la même victoire du service public. Pourtant, le commissaire du gouvernement Romieu, tout en reconnaissance le caractère administratif du contrat en raison de la présence d’un service public, tient à signaler « qu’il peut se faire que l’administration, tout en agissant non comme une personne privée mais comme une personne publique, dans l’intérêt du service public proprement dit, n’invoque pas le bénéfice de la situation de la personne publique et se place volontairement dans les conditions du public en passant un de ces contrats de droit commun ». Cela signifie que le service public n’est plus le critère de compétence et de régime administratif puisque les personnes publiques peuvent, dans l’exercice du service public, s’en écarter.
Le TC va marquer ses distances par rapport à la théorie du service public. Il reconnait le caractère privé d’un contrat passé par une commune avec l’autorité militaire pour loger des réservistes dans un immeuble municipal au motif que l’accord « par sa nature et ses effets, rentre dans les contrats de droit civil ». TC 4 juin 1910 Compagnie d’assurance Le Soleil.
2 ans plus tard, les conclusions de Léon Blum, qui était à l’époque commissaire du gouvernement, sur l’arrêt rendu par le CE en date de 1912 Société Granit Porphyroïdes des Vosges, cite la phrase de Romieu: « il peut se faire que l’administration, tout en agissant dans l’intérêt d’un service public, se place volontairement dans les conditions du droit privé » pour qualifier l’acte en cause de contrat de droit privé.
Les résultats obtenus par l’école de Bordeaux, dans sa tentative de construction du droit administratif sur la seule notion de service public, n’iront qu’en se diléttant jusqu’à la période contemporaine. L’évolution de la jurisprudence et les critiques de la théorie juridique ont quelquefois masqué les avantages de cette notion pour la cantonner dans un domaine strictement fonctionnel.
Le droit communautaire
Avec le développement de la communauté européenne se pose la question du développement futur du service public car il touche au principe essentiel du marché communautaire à savoir le principe de libre concurrence.
Le service public est un facteur de limitation du jeu de la concurrence. Cette notion de service public est largement ignoré en droit communautaire. On estime que la libre concurrence est applicable à toute entreprise y compris les entreprises publiques. Néanmoins, le droit communautaire va réserver deux exceptions à ce principe de libre concurrence en utilisant des notions proches du service public. Ce sont le SIEG et le service universel.
S’agissant du SIEG, l’article 90 paragraphe 2 du traité de Rome prévoit que « les entreprises chargées de la gestion de SIEG ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité notamment aux règles de concurrence dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la communauté ».
Des arrêts de la CJCE ont apporté des précisions sur la notion SIEG. Par exemple, l’arrêt rendu par CJCE Corbeau le 19 mai 1993 à propos du service postal belge. La CJCE nous dit que : « il ne saurait être contesté que la régie des postes est chargée d’un SIEG consistant dans l’obligation d’assurer la collecte de transport et la distribution du courrier au profit de tous les usagers sur l’ensemble du territoire de l’État membre concerné à des tarifs uniformes et à des conditions de qualité similaires sans égard aux situations particulières et au degré de rentabilité économique de chaque cas individuel ». Cet arrêt a été confirmé par un arrêt du 27 avril 1994 à propos d’une concession de droit public visant à la fourniture d’énergie. Dans cet arrêt, cette concession a été considérée comme un SIEG.
Par cette notion de SIEG, le droit communautaire désigne les entreprises publiques ou privées qui pourront échapper aux règles de droit privé. Ce sont des entreprises qui échapperont aux règles de la libre concurrence.
Selon la CJCE, le service universel serait un sous-ensemble de SIEG. C’est une notion qui est américaine et qui a été utilisée pour la première fois pour constater l’existence d’un monopole. Puis, cette notion a servi à remettre en cause et à démanteler ce monopole. Dans la conception européenne, le service universel va permettre de justifier le monopole et va permettre de se dispenser des règles de la libre concurrence.
Le service universel tend à imposer des normes standards en Europe dans un objectif d’harmonisation. Le service universel se définit de façon objective comme une activité essentielle au service de la nation. Ce ne sera que le régime auquel l’activité sera soumise qui pourra faire reconnaitre ce caractère de service universel.
À partir de quel moment une activité est essentielle à la nation ? L’activité est essentielle si, par son régime juridique, elle est offerte obligatoirement à tout ceux qui en font la demande à un prix abordable et destiné à garantir la fonction sociale de l’activité.
Les notions de service universel et de service public ne peuvent pas être regroupées car le service universel suppose une universalité qui n’existe pas pour le service public. Elle va concerner surtout les secteurs d’électricité, les postes et les télécommunications.
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