Le modèle français doit-il s'inspirer du régime présidentiel américain?
Par Orhan • 1 Septembre 2018 • 3 081 Mots (13 Pages) • 514 Vues
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emblématique, la séparation des pouvoirs est dite stricte, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de collaboration entre les pouvoirs ce qui exclut le problème d’intervention démesurée du pouvoir exécutif dans le champ législatif. En effet seul le Congrès peut être à l’origine d’une proposition de loi, le chef d’Etat se limitant à la fonction exécutive c’est-à-dire à l’application des lois votées. Cependant ce dernier garde tout de même un rôle dans l’initiative de la loi à travers le « parlementarisme de couloir » qui désigne la pratique politique consistant pour le président américain à demander à un parlementaire de son bord politique de présenter un projet de loi à sa place. Mais cet usage politique, qui n’a aucune valeur constitutionnelle, n’est en rien comparable aux mécanismes que nous connaissons en France permettant à l’exécutif d’exercer directement la fonction législative.
Ainsi le régime de séparation stricte des Etats-Unis semble pertinent pour abandonner ou du moins atténuer ces moyens constitutionnels déléguant au pouvoir exécutif des compétences législatives. D’autant plus que le régime parlementaire français présente d’autres limites en admettant des dispositifs de révocation entre les organes politiques.
B/ Des mécanismes de révocation mutuelle entre les pouvoirs fragilisant la stabilité politique
Outre la collaboration entre les pouvoirs, la Ve République prévoit des mécanismes de révocation mutuelle entre les pouvoirs, à l’image des autres régimes parlementaires. En effet le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, étant liés politiquement, ont la possibilité de se révoquer l’un et l’autre pour se faire contrepoids et ainsi assurer une certaine séparation des pouvoirs. Concrètement ce mécanisme se traduit par deux outils juridiques : la motion de censure et le droit de dissolution. La motion de censure désigne l’acte signé par le parlement lui permettant de renverser le gouvernement, elle est prévue à l’article 49 de la Constitution du 4 octobre 1958. Il y est également prévu que le gouvernement peut spontanément engager sa responsabilité politique sur un texte de loi ou sur sa politique général, à travers la question de confiance. Le second moyen de révocabilité est la dissolution du parlement par le gouvernement. Ce droit renvoie à la possibilité pour le gouvernement de mettre fin au pouvoir des membres du parlement avant l’achèvement de leur mandat et est prévu à l’article 12 de la Constitution.
Ces deux mécanismes de révocation mutuelle permettent effectivement d’instaurer un équilibre entre les pouvoirs mais menace considérablement la stabilité politique. Sous la IIIe et la IVe République la motion de censure faisait office de sanction et s’exerçait pleinement dans la mesure où les députés n’hésitaient pas à renverser le gouvernement. Cela a d’ailleurs conduit à une instabilité politique totale, la France ayant connu 104 gouvernements entre 1871 et 1940 et 24 entre 1947 et 1958. De plus le pouvoir exécutif pouvait difficilement servir de contrepoids puisque le droit de dissolution obéissait à une procédure complexe et était même jugé d’antirépublicain suite à l’usage qu’en a fait Mac-Mahon en 1877. La Ve République met en place des moyens de révocation permettant un meilleur équilibre mais la stabilité politique en reste relativement menacée. En effet même si la motion de censure n’a été utilisée qu’une seule fois par le parlement pour contester l’utilisation de l’article 11 par le Général de Gaulle en 1962, le droit de dissolution a quant à lui fait l’objet de cinq applications. Cet outil juridico-politique menace donc toujours la stabilité politique en France, contrairement aux Etats-Unis où la forme présidentielle du régime ne permet pas ce genre de mécanisme.
Effectivement, aux Etats-Unis le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont strictement séparés ce qui interdit formellement tout type de révocation entre eux. Le principe de responsabilité politique n’existant pas, la motion de censure et le droit de dissolution ne sont pas admis par la Constitution. Néanmoins la Constitution américaine de 1787 rend possible la procédure de l’impeachment. Cette procédure est prévue à l’article deux et constitue la possibilité pour le Sénat de destituer le Président en place s’il juge que ce dernier a commis une faute pénalement sanctionnable, c’est-à-dire pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs. Cependant l’impeachment met en cause la responsabilité pénale du Président des Etats-Unis et aucunement la responsabilité politique, cette procédure n’est donc pas assimilable à une motion de censure, incompatible avec le régime présidentiel et la conception américaine de la séparation des pouvoirs.
Ainsi la procédure de l’impeachment n’a été utilisé que trois fois par le Congrès en plus de deux cent ans et ne constitue donc pas une menace pour la stabilité politique du pays, à l’inverse des moyens de révocation prévus par la Constitution de la Ve République. Il y a donc encore ici matière à s’interroger sur le fonctionnement et la pertinence du modèle français. En revanche le régime présidentiel est également loin d’être optimal, c’est pourquoi il est nécessaire de s’interroger sur ses limites pour relativiser la comparaison faite avec le modèle français.
2) L’organisation du régime présidentiel américain présentant des limites politico-juridiques
Le régime présidentiel américain est-il exempt de tout dysfonctionnement, alors même qu’il consacre la concentration du pouvoir entre les mains d’un organe politique et qu’il tend à une séparation rigide des pouvoirs ?
Après avoir vu que le monocéphalisme du régime américain peut compromettre un partage équilibré du pouvoir exécutif (a) nous verrons pourquoi la stricte séparation des pouvoirs présente des limites en favorisant les blocages politiques (b).
a) Le monocéphalisme, une remise en cause d’un partage équilibré du pouvoir exécutif
1) Le pouvoir exécutif aux États-Unis
-Aux États-Unis, le Chef de l’État est l’unique dépositaire du pouvoir exécutif. En effet, le régime présidentiel américain est caractérisé par le monocéphalisme, qui désigne un mode d’organisation constitutionnel dans lequel le pouvoir exécutif est exercé par une seule et même personne. On parle alors de dédoublement
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