L’application de la jurisprudence dans le temps
Par Orhan • 30 Mars 2018 • 1 784 Mots (8 Pages) • 716 Vues
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au même titre que la loi notamment parce qu’elle pose un problème d’insécurité juridique. Les décisions de justice étant propres au juge, les justiciables ne bénéficient pas tous du « même droit ». Tout dépend de ce que le juge souhaitera mettre en avant bien qu’il soit tenu de se contenter de suivre la loi lorsqu’elle existe.
En outre, la Cour de cassation se permet de désigner les arrêts qui seront publiés ou non. Cette volonté s’exprime par l’idée que la Cour de cassation ne souhaitent pas que certains arrêts puissent constituer de la jurisprudence, ou qu’ils soient interprétés comme un revirement de jurisprudence. Ce faisant, la Cour de cassation peut, en quelques sortes, modifier ou choisir la jurisprudence qu’elle souhaite en sélectionnant certains arrêts plutôt que d’autres. Jean Carbonnier dans Droit et passion du droit définit cette pratique comme une « clandestinité que la loi ne se permet pas ».
Même si l’on ne peut pas dire que la jurisprudence est par nature un principe rétroactif ; l’application de la jurisprudence dans le temps est souvent influencée par une jurisprudence communément admise ou par une véritable création jurisprudentielle. De fait, le juge aura souvent tendance à suivre ces décisions antérieures en permettant à la jurisprudence d’exercer une forme de rétroactivité.
Des effets rétroactifs liés à l’évolution de la jurisprudence
L’importance que la jurisprudence a prise dans notre société a favorisé son statut de source complémentaire et indispensable à la loi. En effet, la jurisprudence se doit de créer du droit lorsque la loi manquerait. Celle-ci n’est, donc, pas totalement détachée du principe rétroactif qui peut jouer lorsqu’il y a une répétition de la jurisprudence dans le temps (A), ou surtout lors des revirements de jurisprudence (B).
Une répétition de la jurisprudence dans le temps
En français, au sens usuel du mot, la jurisprudence est la solution constamment donnée à une question de droit par les tribunaux et notamment par les tribunaux suprêmes. Le juge peut donc avoir tendance sur un même point de droit à reproduire le jugement précédent pour plusieurs raisons : force de l’habitude, volonté de ne pas décevoir les attentes de praticiens et justiciables, ou de ne pas les troubler dans la confiance qu’ils s’étaient faits de ce qui avait été antérieurement jugé. Pour ces différentes raisons, l’application de la jurisprudence dans le temps, notamment dans le futur, sur certains points de droit est régulièrement identique.
Par ailleurs, dans certains cas, la jurisprudence contribue même à créer du droit lorsque la loi serait trop obscure, incomplète ou inexistante, ce droit est conféré au juge par l’article 4 du Code civil qui dispose que « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » Par conséquent, la jurisprudence fait aussi l’objet de créations jurisprudentielles telles que le principe de l’enrichissement sans cause, ou la théorie de l’abus de droit, ou encore le principe de responsabilité des biens qui nous appartiennent, développé par la jurisprudence lors de la Révolution Industrielle suite à l’apparition de nouveaux types de litiges.
En sus, le développement d’internet et donc de l’information a redonné de l’importance à la jurisprudence. De fait, les magistrats jouissent d’un accès à celle-ci beaucoup plus simple et rapide, qui lui confère une nouvelle forme attraction. La jurisprudence est devenue beaucoup plus accessible. Ce faisant, la jurisprudence prend de plus en plus d’importance dans notre société. Dès lors, son application dans le temps est pour la plupart des cas répétitive, c’est-à-dire que la répétition d’une même décision de jurisprudence dans le temps a tendance à fonder son caractère légitime. Ainsi, la jurisprudence devient la solution applicable pour un type de litige donné. Seulement, cette situation concerne l’application de la jurisprudence dans le temps si elle reste identique ; qu’en est-il lorsque celle-ci change ?
L’effet rétroactif des revirements de jurisprudence
Les revirements de jurisprudence sont la principale source d’insécurité juridique : à tout moment un juge peut décider de ne pas suivre la norme ; il n’y a pas vraiment de caractère légitime à un jugement fondé sur la répétition de décisions de justice prises antérieurement. On parle, donc, de revirement de jurisprudence : lorsque les tribunaux changent leur position alors qu’ils rendaient jusqu’à présent des décisions concordantes sur une question.
La question du revirement de la jurisprudence se pose surtout pour la Cour de cassation, lorsqu’elle abandonne une décision qui était considérée dans le passé comme établie. De fait, il y a un changement de la règle jurisprudentielle.
Néanmoins, ces revirements ont une conséquence sur l’application de la jurisprudence dans le temps. Effectivement, ils possèdent un caractère rétroactif. Généralement, ce changement est brutal mais peut être annoncé par des décisions intermédiaires. La difficulté de ce changement réside dans le fait que lorsque la Cour de cassation modifie une nouvelle règle de droit, celle-ci va s’appliquer a toutes les situations juridiques qu’elle envisage : elle est donc rétroactive. L’arrêt de la Cour de cassation de 2001 dans le domaine de la médecine en est un bon exemple.
Les revirements de jurisprudence ont, donc, un effet rétroactif. Sur ce sujet, J. Carbonnier remarque que cette rétroactivité du revirement de jurisprudence s’oppose à la loi « C’est une rétroactivité que la jurisprudence se permet, alors que la loi, en principe,
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