L'obligation naturelle
Par Ninoka • 12 Novembre 2018 • 2 428 Mots (10 Pages) • 777 Vues
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- Une obligation civile imparfaite
L’obligation civile imparfaite est celle qui est soit est nulle en raison de la défaillance d’une condition de validité de l’acte juridique dont elle émane soit est éteinte en raison de l’acquisition de prescription extinctive de la dette. Dans les deux cas, le débiteur est libéré de son obligation sans avoir eu besoin d’exécuter la prestation initialement promise. Celui-ci peut néanmoins se sentir tenu, moralement, de satisfaire son engagement pris envers le créancier : l’obligation civile qui « a dégénéré » se transforme alors en obligation naturelle
L’exemple typique de l’obligation civile dégénérée est la dette éteinte par l’écoulement du délai de prescription : le débiteur peut ne pas vouloir profiter de la prescription. Une obligation civile manquée peut également être une obligation annulée par une incapacité qui présentait un caractère plus ou moins artificiel : un mineur qui passe un contrat à deux jours de sa majorité, un majeur sous tutelle qui contracte dans un intervalle de lucidité totale. Si le débiteur devenu capable paie volontairement, son paiement sera valable et il n’aura pas de possibilité de répétition de l’indu (la répétition n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées : article 1235, alinéa 2 du Code civil)
L’obligation naturelle pouvant donc émaner d’une obligation civile imparfaite peut également découler d’un devoir « simple de conscience »
- Un devoir de conscience
Il existe de nombreuses situations où l’engagement d’une personne envers une autre sera dicté par sa seule conscience, sans que la loi ou qu’un acte juridique ne l’y oblige. Le respect de principes moraux peut ainsi conduire, par exemple, un mari à apporter une aide financière à son ex-épouse ; une sœur à loger gratuitement son frère sans abri ; un concubin à porter assistance à sa concubine ; l’auteur d’un dommage qui ne remplit pas les conditions de la responsabilité civile à indemniser malgré tout la victime : etc. Dans toutes ces hypothèses, celui qui s’engage s’exécute en considération d’un devoir purement moral, de sorte que se crée une obligation naturelle. Rien ni personne, hormis elle-même, n’oblige la personne à exécuter cet acte. Il s’agit simplement du bon vouloir de celle-ci, poussée par une conviction personnelle, un devoir qu’elle s’impose à elle-même
Le créancier ne dispose pas d’action contre le débiteur, mais si celui-ci s’acquitte spontanément, il ne pourra pas y avoir répétition de l’indu
La notion d’obligation est donc régie par des définitions jurisprudentielles et doctrinales ainsi que par des formes variées, dépendant de la situation dans laquelle se trouvent les personnes engagées. Nous allons désormais nous intéresser aux effets de l’obligation naturelle
- Les effets de l’obligation naturelle
Nous allons aborder les effets de l’obligation naturelle à travers l’absence d’effet juridique de principe de l’obligation naturelle (A) puis La potentielle transformation de l’obligation naturelle en obligation civile (B)
- L’absence d’effet juridique de principe de l’obligation naturelle
L’absence d’effet juridique de l’obligation naturelle va se faire à travers le paiement du débiteur envers le créancier (1) mais aussi à travers la novation (2)
- Le paiement
Le paiement d’une obligation naturelle ne peut être exigé par une action en justice alors qu’en principe, tout droit est muni d’une action. Le droit de créance d’une obligation naturelle est alors un droit démuni d’action. Si le débiteur a payé volontairement, le paiement est juridiquement efficace : la répétition de l’indu est impossible, ce qui a été payé était du. Cela est codifié à l’article 1302 alinéa 2 du code civil qui dispose que « La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées »
Le paiement ne constitue pas une donation, c’est du côté du débiteur que manque l’esprit de gratuité qui caractérise la donation (animus donandi). En conséquence, le paiement spontané d’une obligation naturelle ne peut pas être soumis aux règles qui gouvernent le droit des donations
De ce fait, tout paiement effectué en vertu d’une obligation naturelle ne pourra pas être suivi d’une restitution juridiquement constatée, l’obligation ayant elle-même été posée par le débiteur sans aucune contrainte extérieure
Ensuite, l’absence d’effet juridique de principe de l’obligation naturelle peut se faire à travers la novation
- La novation
La novation est la substitution à une obligation que l’on va éteindre d’une autre obligation nouvelle que l’on va créer par changement de créancier, de débiteur, d’objet ou de cause. Si le débiteur d’une obligation naturelle prend l’engagement de la payer, il la transforme en obligation civile, le créancier dispose alors contre lui d’une action civile. La jurisprudence considère qu’il y a, sinon véritablement novation, tout au moins création par un contrat unilatéral d’une obligation civile qui a pour cause l’ancienne obligation naturelle ; la jurisprudence a fréquemment vu une novation dans la promesse d’exécuter une obligation naturelle comme dans la décision rendue par la première chambre civile de la cour de Cassation le 10 octobre 1995
En l’espèce, un joueur avait l’habitude de confier à l’un de ses collègues de travail le soin de faire valider ses tickets. L’un de ces-derniers lui permit de remporter près d’1,5 million de francs, mais après que le collègue, pour des raisons techniques, eut refait un nouveau coupon en intervertissant les numéros. Ce dernier prétendit alors qu’il avait toujours été convenu qu’il recevrait 10 % des gains éventuels et que, dans la mesure où le joueur l’avait informé après la course qu’il lui ferait parvenir sa quote-part, il pouvait exiger le paiement du dixième de la somme perçue. Les juges du fond firent droit à sa demande en relevant qu’une obligation naturelle avait été novée en obligation civile. Le joueur forma alors un pourvoi en cassation, articulé autour de l’idée qu’il ne pouvait pas y avoir de novation en l’absence
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