L'adhésion de l'UE à la ConvEDH : une révolution ?
Par Andrea • 25 Octobre 2018 • 4 029 Mots (17 Pages) • 502 Vues
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B) Une adhésion permettant de passer d'un contrôle indirect du droit de l'UE par la CEDH à un contrôle direct
L'UE, sans être adhérente à la ConvEDH, est liée à ce traité. Les instances de la CEDH se sont déclareées incompétentes pour examiner une demande mettant en cause le droit de l'UE (Com. EDH, 10 juill 1978 CFDT c/ Communautés), or, des requérant ont tenté d'engager la responsabilité in solidum des Etats à la place de celle de l'Union mais la CEDH ne s'est jamais prononcée (CEDH, 10 mars 2004, DSR Senator Lins c/ 15 Etats membres). Néanmoins, la CEDH a statué sur la conventionnalité des actes nationaux d'application du droit de l'UE en ce qui concerne le droit originaire (CEDH, 18 fev 99, Matthews c/ Royaume-Unis) ou le droit dérivé (CEDH, 15 nov 96 Cantoni c/ France). Ainsi, selon elle, si les Etats peuvent transférer leurs compétences à d'autres organisations internationales, ce transfert ne peut violer la ConvEDH. Par ces faits, deux possibilités s'imposent. Si l'Etat possède une marge de manœuvre quant à l'application du droit de l'UE, aucun contrôle ne sera fait (CEDH 21 janv 2011, MSS C/ Grèce et Belgique) ; or, si l'Etat est en situation de compétence liée, la Cour devra contrôler l'acte national, donc le droit de l'UE, l'acte national n'étant qu'un « écran transparent ». Ceci est expliqué dans l'arrêt du 20 juin 2005 rendu par la CEDH et nommé « Bosphorus hava c/Irlande » et traitant de la méthode de l' « équivalence des protections ». En cela, la Cour a un raisonnement en quatre temps. Premièrement, elle annonce que le droit de l'UE permet une protection des DDH équivalente à celle proposée par la ConvEDH. Deuxièmement, elle précise que cette équivalence n'est pas définitive et doit être réexaminée corrélativement aux changements pertinents. Troisièmement, elle estime qu'un Etat qui applique le droit de l'Union respecte les obligations de la ConvEDH. Quatrièmement, elle annonce que cette présomption peut être retirée si un requérant a été victime d'une « insuffisance manifeste » concernant la protection de ses droits. En cela, l'arrêt de la CEDH propose un contrôle équilibré, conservant le rôle d'ultima ratio à la ConvEDH. En cela elle respecte aussi les spécificités du droit européen et évite de mettre à mal la pratique du droit par les Etats en les situant au cœur d'exigences contradictoires. Cette méthode peut être critiquée puisque n'est pas définie l' « insuffisance manifeste » (même si nous savons que la CEDH à une grande tolérance à cet égard). Cependant, il est important de noter qu'une adhésion à la ConvEDH mènerait à un contrôle direct du droit de l'UE par la CEDH. Effectivement, l'adhésion placerait l'UE dans la même situation que celle des Etats pour ce qui est du contrôle interne concernant le respect des DDH (opéré sur le fondement de la Charte) mais il lui serait ajouté un contrôle externe (exercé par la CEDH). En cela, l'adhésion à la ConvEDH permet d'éviter des risques concernant les deux standards européens concernant le domaine des DDHC et offre de plus une légitimité à l'UE. De ce fait, la CEDH pourrait alors contrôler le droit de l'UE sans passer par l'examination des actes nationaux d'application. Mais qu'en serait-il des condamnations de l'UE ? Ces contrôles ne devraient pas déboucher sur des condamnations puisque les jurisprudences européennes sont majoritairement concordantes (comparons CEDH, 11 juillet 2002 , Goodwin et CJCE 7 janv 2004 K.B), puis car la Cour européenne reconnaît certaines spécificités de l'Union (CEDH, 18 fev 91, Moustaquim c/ Belgique). Néanmoins, gardons à l'esprit que l'UE puisse être condamnée sur des principes tels que le droit à un procès équitable ou le principe de non-discrimination, tel que cela a déjà été le cas.
La ConvEDH, en tant que traité international, doit être ratifié par l'UE pour mener à une uniformité de la protection des DDH. De plus, si la CEDH exerce actuellement un contrôle sur le droit de l'UE, ce dernier n'est qu'indirect. Par l'adhésion, le juge de Strasbourg pourra alors contrôler directement la conformité du droit de l'Union à la ConvEDH. Cependant, si les modifications que la Convention apporteraient seraient digne d'un avancement notable pour l'Union, la procédure qu'elle demande et lourde donc difficile à mettre en œuvre. En cela, la Commission des affaires du Sénat français a proposé, comme le permet l'art 218 du traité de Lisbonne, que l'adhésion soit soumise à la CJUE dans le but de vérifier sa conformité avec le droit de l'UE. Un avis positif permettrait alors de clore le débat concernant la compatibilité de l'accord avec le droit de l'UE.
II) Un avis négatif surprenant de la CJUE ralentissant considérablement l'adhésion de l'UE à la ConvEDH
Si l'adhésion à la ConvEDH est remise en cause par un avis négatif de la CJUE surlignant les incompatibilités entre le projet d'adhésion et le droit primaire (A), cet obstacle n'est cependant pas rédhibitoire et, bien que pouvant porter atteinte aux fondations de l'UE, cet avis pourra néanmoins être outrepassé par deux alternatives (B).
A) Un avis mettant en lumière une atteinte à la structure institutionnelle et aux caractéristiques de l'UE
Cependant, l'adhésion à la ConvEDH semble plus incertain que jamais. Effectivement, le 18 décembre 2014, l'assemblée plénière de la CJUE, dans son avis 2/13, a fait part d'un avis négatif. Les raisons ? Des incompatibilités notables entre le projet d'adhésion et le droit primaire. L'obstacle est donc fait à l'adhésion, qui ne saurait s'effectuer si l'avis n'est pas pris en compte par le projet. En cela, la CJUE prend le contre-pied de l'avis des institutions et des Etats membres. Effectivement, la CJUE peut être saisie par une institution de l'Union ou un Etat membre (il s'agit en l'espèce de la Commission européenne) dans le but de préciser si le contenu d'un accord international auquel l'UE souhaite adhérer est compatible avec le droit primaire (article 218 §11 TFUE). Si un premier avis négatif 2/94 avait été donné par la CJUE le 28 mars 1996, le traité de Lisbonne avait intégré l'article 6 §2 au TUE afin de le pallier. La Cour annonce 7 incompatibilités. Sa volonté est de créer
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