Economie générale

...

Pour preuve, certains pays émergents et quelques pays en voie de développement parviennent à afficher une croissance insolente atteignant parfois deux chiffres, mais ce n’est pas pour autant que leur population a un niveau de confort et de bien-être matériel élevé ; cela est encore moins la garantie que leur peuple dispose et use de son libre arbitre comme moteur de son développement.

Un changement de taille est intervenu. En effet, entre 1998 et nos jours, les pays émergents sont passés de 5% du commerce mondial à 45%. Dans le même temps, les pays riches que nous évoquions plus haut connaissent une forte hausse du chômage, un vieillissement de la population, des crises financières et l’éclatement de bulles spéculatives avec leurs cortèges de familles dépossédées et expulsées de leurs logements. Ici, s’il ne fallait tenir compte que des notions quantitatives telles la croissance, les conditions de vie des populations des pays émergents auraient dû s’améliorer mécaniquement. Il n’en est rien, les inégalités de répartition des richesses sont partout et l’on ne peut pas vraiment dire que les pays émergents offrent plus de confort ou de liberté à la majorité de leur population.

Par-delà ces constats, la crise à laquelle le monde est confronté est paradoxale si l’on considère que là où croît le danger croît aussi ce qui sauve. Les deux cas évoqués dans le paragraphe précédent indiquent bien que l’essoufflement du type de croissance qui avait prédominé jusque-là sera jugulé si l’on combine croissance et développement intelligent. Ce développement intelligent peut se fonder en premier lieu sur l’urgence de préserver la planète.

La durabilité du développement, c’est l’engagement simple mais fondamental de garantie aux générations futures un bien-être au moins comparable à celui des habitants du monde présent. Or les études montrent que lorsque le PIB/habitant augmente de 3000 dollars, les émissions annuelles progressent en gros d’une tonne avec une corrélation qui s’affaiblit au-delà de 13000 dollars. En prenant en compte l’Australie (qui est revenue sur son refus de signer le protocole de Kyoto), les États-Unis et le Canada, l’on constate qu’entre les années 1970 et nos jours le PIB mondial a été multiplié par 3 et les émissions de dioxyde de carbone par 1,9. Si ces trois pays se souciaient plus de préserver la planète et ses ressources, la croissance pourrait redevenir synonyme d’un développement harmonieux et soucieux de tous.

Nous avons vu combien la croissance est indispensable au développement. Cependant, la crise à laquelle le monde est confronté a rebattu le jeu : les pays émergents détiennent désormais la moitié du PIB/habitant mondial alors que le pays riches fonctionnant sur l’endettement massif des ménages ont des croissances très faibles. Patrick Artus, dans Capital, hors-série, décembre 2008, explicite bien que ces pays émergents tirent l’essentiel de leur croissance de leur demande intérieure et non pas de leurs exportations. Même si chez eux aussi la crise provoque la fuite des capitaux, l’affaiblissement des monnaies, la chute des marchés boursiers ou immobiliers, ils ont à terme une demande intérieure énorme. Cette dernière est dopée par une démographie galopante alors même que, nous l’avons souligné, celle des pays riches est en déclin.

Au total, la croissance est indispensable pour créer du développement, mais le développement transcende la simple dimension mathématique de la croissance qui ne parvient pas à refléter toutes les dimensions de la dynamique économique. Un retournement s’est produit qui fait de la croissance des pays émergents le nouveau moteur du développement en lieu de l’économie des pays riches. Pour relever le défi et s’épanouir de nouveau, ces derniers devront développer des stratégies pour satisfaire les besoins croissants des populations émergentes. En retour, les pays riches trouveront dans les pays émergents des marchés à conquérir pour développer leur économie. Vaste défi.