Commentaire de l'arrêt Blick 29 mars 1991
Par Andrea • 5 Mars 2018 • 7 436 Mots (30 Pages) • 796 Vues
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A-La généralisation du principe à l’épreuve des dissidences
Avant de constater que l’association « devait répondre » de cet handicapé « au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, et qu'elle était tenue de réparer les dommages qu'il avait causés », les membres de l’Assemblée ont procédé à l’état des lieux des plaidoyers et réquisitoires pour et contre la généralisation de la responsabilité du fait d’autrui.
1-Plaidoyer contre une généralisation de la responsabilité du fait d’autrui
Exclusion jurisprudentielle
- Extension de l’interprétation des cas légaux : fin de non-recevoir. nonobstant le refus pur et simple de consacrer un principe de responsabilité générale, certains juges se sont avérés si restrictifs dans leur interprétation de l’article 1384 qu’ils en sont venus à refuser d’étendre les cas spéciaux prévus aux alinéas suivants. Ainsi l’alinéa 4 dudit article avait par exemple été refusé à d’autres personnes que les père et mère rappelle C.Radé, exemples à l’appui (Cass.req, 22 juill.1981 – CA Dijon, 18 nov.1932 – T.Fontainebleau, 9 déc.1932), qu’il s’agisse d’institutions spécialisées dans la garde l’enfant (Cass.2ème civ.,15 fév.1956), du tuteur (Cass.civ.22 juillet 1892), des grands parents ou des oncles et tantes (Cass.civ, 9 déc.1954 – CA Nîmes 3 janv.1910).
- La faute pour seul « refuge » (Radé) : les premières tentatives de consécration d’un principe général furent vouées à l’échec. Pour exemples, les vains essais du Tribunal des enfants de Dijon du 27 février 1965, du Tribunal de Poitiers le 22 mars 1966 ou du Tribunal des enfants de Chambéry le 1 er juin 1977 s’agissant de la garde des mineurs confiés à des institutions sur le fondement de l’article 375 du code civil. Restait pour les victimes l’unique solution d’établir une « faute de surveillance » sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil (Cas.req.21 oct.1901 sur la responsabilité du conjoint – Cass.2e civ., 6 janv. 1993 sur une institution spécialisée).
Exclusion doctrinale
- Responsabilité du fait personnel et influences judéo-chrétiennes : « tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité » professait V.Hugo. Et les travaux de M-C Lebreton de mettre en exergue le postulat suivant, largement acquis au dix-neuvième siècle : « à l'idée d'une liberté, droit de l'Homme, correspondrait une responsabilité par essence personnelle et individuelle, et fortement emprunte de considérations judéo-chrétiennes ». Aussi les préludes d’une responsabilité du fait d’autrui, qui plus est généralisée, laisseraient planer l’ombre de l’iniquité et de la dangerosité. Inique, d’abord, parce qu’en principe le responsable ne contrôle pas la conduite d’autrui. Risquée, ensuite, car l’absence de faute personnelle finirait à conduire, par « découragement » selon Radé, à « négliger la conduite de ses affaires ».
- Responsabilité du fait personnel et influence du droit pénal : « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». S’il n’est pas ancestral (Cass.crim 26 fév.1956), le dogme de la responsabilité pénale du fait personnel occupe très certainement un rôle central. Constitutionnalisé en 1999 par les Sages de la rue Montpensier, il se justifie pleinement dans la sphère du droit pénal, laquelle édicte les règles de conduite, prévient et sanctionne les personnes qui y dérogent. De sorte qu’ultimement, elle ne puisse que frapper l’auteur de la transgression de la norme. Une dissociation ou un transfert de responsabilité serait ainsi dénué de tout sens. Et le modèle ne fut pas sans influence sur la matière civile.
- Argument exégétique : de la ratio legis et l’esprit des codificateurs ressortirait, pour les détracteurs, un simple texte transitoire dont la vocation aurait été d’articuler les hypothèses de responsabilité du fait personnel et les cas de responsabilité du fait des choses et du fait d’autrui. Il n’y aurait pas eu lieu d’y voir un principe général normatif.
- Argument pragmatique : certains ont voulu prévenir les dangereuses situations de concurrence entre les fondements. Faire valoir une généralisation du principe créerait un imbroglio sinon des difficultés de mise en œuvre eu égard à la diversité et l’hétérogénéité des fondements et régimes des cas spéciaux de responsabilité du fait d’autrui. Les victimes en viendraient à « spéculer » sur les différences de régimes et la situation aboutirait, à terme, soit a des « distorsions importantes au sein de l’article 1384 » (P.Jourdain), soit à « l’abandon de facto des cas particuliers » (R .Rodière).
- Argument sociologique : mais si certains doctrinaires, à l’instar des frères Mazeaud, ou de Starck, Roland ou Boyer ont fait preuve de tant de réticence dans leur lecture de l’alinéa premier de l’article 1384, c’est parce qu’à leurs yeux la « nécessité sociale » d’y consacrer un principe général ne se faisait pas ressentir. Ils rappellent que toute l’analogie avec la responsabilité du fait des choses serait malvenue : tandis que des nécessités sociales liées à l’industrialisation et au développement du machinisme avaient ouvert la porte à une évolution profonde et nécessaire en droit positif en matière de responsabilité du fait des choses, des exigences comparables n’apparaitraient pas au sujet de la responsabilité du fait d’autrui.
2-Plaidoyer pour une généralisation de la responsabilité du fait d’autrui
- Harmonisation avec la sphère contractuelle : malgré une âpre opposition, menée par R.Rodière, la jurisprudence français a progressivement reconnu que le débiteur devait répondre de l’inexécution de la convention lorsque celle-ci était imputable tant au fait des préposés qu’au fait de l’un de ses sous-traitants (Cass.1ere civ., 18 oct.1960 – CA Bourges, 1ere ch. 17 nov.1997).
L’argument pourrait ne pas en être un s’il n’existait pas une tendance avérée à l’alignement des responsabilités contractuelles et extracontractuelles : preuve en est des responsabilités autonomes, qui ne manquent pas, comme celles des dispositions législatives expresses issues de l’article 2 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant a l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, pour n’en citer
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