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Commentaire d’arrêt : CE, 6 mars 2015, n° 368489, Collectif d’aide aux personnes mal logées

Par   •  20 Décembre 2017  •  2 138 Mots (9 Pages)  •  756 Vues

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C’est clairement sur cette différence entre le critère légal de l’aménagement indispensable et le critère jurisprudentiel, moins restrictif, de l’aménagement spécial que se positionne le Conseil d’Etat pour annuler l’arrêt rendu en appel. La loi ne prévoyant rien quant à l’application dans le temps de l’article L. 2111-1 CGPPP, ce sont les juges qui ont dégagé des solutions en la matière. Dans la présente affaire, les juges d’appel comme les juges du Palais-Royal se sont fondés sur ce texte mais tandis que les premiers font une application du texte à l’immeuble occupé pour l’exclure du domaine public, les seconds refusent l’application de ce texte en raison de l’affectation de l’immeuble à la formation professionnelle des adultes avant l’entrée en vigueur de ce texte. En somme, la Haute juridiction affirme que, bien que l’affectation se soit prolongée après le 1er juillet 2006 (la résiliation du bail est intervenue le 18 octobre 2011), le texte ne peut rétroagir (considérant de principe). Un simple aménagement spécial étant suffisant pour incorporer l’immeuble dans le domaine public, le Conseil d’Etat reproche à la cour administrative d’appel de ne pas avoir recherché cet aménagement spécial qui « suffisait à le faire regardé comme ayant été incorporé au domaine public avant cette date ». Par conséquent, l’application de l’article L. 2111-1 CGPPP à une affectation antérieure constitue une erreur de droit justifiant l’annulation de l’arrêt du 7 mars 2013. Cette solution n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été affirmée à la fois par le tribunal des conflits (TC, 22 octobre 2007) et par le Conseil d’Etat, lui-même, dans plusieurs arrêts (CE, 3 octobre 2012, Commune de Port-Vendres ; CE, 8 avril 2013, Association ATLALR).

Selon le Conseil d’Etat, l’erreur de droit commise par la cour administrative d’appel repose également sur un autre point, celui du déclassement.

II – La sortie du domaine public

L’applicabilité de la condition classique du « déclassement » au bien affecté à un service public avant l’entrée en vigueur du CGPPP

Après avoir affirmé que l’immeuble en question ne faisait pas l’objet d’un aménagement particulier indispensable à l’exécution de la mission de service public, la cour administrative d’appel conforte son exclusion du domaine public par le motif que le bien n’était même plus affecté à un service public du fait de la résiliation anticipée du bail. Aux termes de l’article L. 2141-1 CGPPP, repris par dans le visa du Conseil d’Etat, « un bien d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1, qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement ». Ainsi, selon cette disposition, un bien sort du domaine public si deux conditions cumulatives sont remplies. Tout d’abord, une condition matérielle : le bien ne doit plus être affecté à un but d’intérêt général. Il s’agit de la désaffectation. Ensuite, une condition formelle : l’administration doit adopter un acte mettant fin à l’assujettissement du bien à la domanialité publique : il s’agit du déclassement. La disposition du Code général de la propriété des personnes publiques ne se contente là que de reprendre une jurisprudence déjà bien établie (CE, 31 juillet 1992, Association des ouvriers plombiers-couvreurs-zingueurs). En l’espèce, la cour administrative d’appel aurait, en toute évidence, dû faire application de ce critère jurisprudentiel qui a simplement fait l’objet d’une consécration légale à l’article L. 2141-1 CGPPP. Mais ne faisant nullement référence au déclassement, elle n’aborde que le volet « désaffectation » en précisant que l’immeuble n’était plus affecté au service public du fait de la résiliation anticipée du bail. Or, la désaffectation ne suffit pas à affranchir un bien de la domanialité publique. Il faut un acte particulier de déclassement. Pour le Conseil d’Etat, il y a ici manifestement erreur de droit eu égard à l’absence de démonstration d’un déclassement par la juridiction d’appel. Cette solution n’est pas nouvelle puisque le Conseil d’Etat a eu l’occasion d’affirmer récemment qu’un bien est maintenu dans le domaine public jusqu’à son déclassement, nonobstant l’évolution ultérieure des règles ayant conduit à son incorporation dans le domaine public (CE, 25 septembre 2013, SARL Safran Port Edouard Herriot).

Il pourrait être reproché au Conseil d’Etat d’avoir paradoxalement refusé l’application du Code général de la propriété des personnes publiques pour l’entrée de l’immeuble dans le domaine public mais d’avoir, dans le même temps, appliqué ce même code pour la sortie de l’immeuble du domaine public. Il faut néanmoins remarquer que les juges du Palais-Royal ne disent pas explicitement qu’ils font application de l’article L. 2141-1 CGPP en l’espèce, ils font simplement référence au concept de reclassement qui a déjà été dégagé – comme nous l’avons souligné – par la jurisprudence. Remarquons, pour finir, que le Conseil d’Etat n’affirme pas que l’immeuble occupé de manière illicite fait partie du domaine public. Il reproche simplement à la juridiction d’appel de ne pas avoir fait application des critères jurisprudentiels antérieurs à l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques. Bien évidemment, cela entraîne une différence de qualification lorsque la cour administrative d’appel applique la condition de l’ « aménagement indispensable » qui ne se trouve pas remplie en l’espèce : si l’immeuble n’est pas incorporé au domaine public, il fait partie du domaine privé. En effet, le domaine privé se définit de manière négative : tout ce qui n’est pas dans le domaine public est dans le domaine privé. Et la différence de qualification entraîne une différence de régimes, notamment une différence de compétences juridictionnelles. Les litiges concernant la gestion du domaine privé relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires. C’est dans cette perspective que la cour administrative d’appel de Bordeaux, dans son arrêt du 7 mars 2003 décide que la demande d’expulsion du préfet « avait été porté devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître dès lors que l’immeuble en cause ne constituait pas une dépendance du domaine public de l’Etat ». Le Conseil d’Etat quant à lui ne revient pas sur ce point.

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