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Commentaire : Triboulet, CE, 6 mars 2002, n° 217646

Par   •  18 Octobre 2018  •  2 094 Mots (9 Pages)  •  709 Vues

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et important pour constituer un bien. En revanche, il ne leur était pas reconnue la possibilité de céder ou transmettre le bien litigieux. En effet l’autorisation d’occupation peut être accordée par une décision administrative unilatérale ou par convention sans avoir de droits portant sur le bien lui-même et elle est strictement personnelle.

Cette décision se justifie au regard des principes d’imprescriptibilité et d’inaliénabilité du domaine public

B. Une décision logique au regard des principes d’imprescriptibilité et d’inaliénabilité du domaine public

Compte tenu des principes régissant le domaine public et de l’absence de mise en œuvre de la démolition à ce jour, il n’y a pas en l’espèce une privation de propriété. Le non-renouvellement des autorisations d’occupation privative du domaine public, dont les requérants ne pouvaient pas ignorer qu’ils pourraient les concerner un jour, et l’injonction de détruire les maisons peuvent s’analyser en une réglementation de l’usage des biens dans un but d’intérêt général. De plus, la motivation du refus de renouvellement des autorisations données par le préfet est fondée sur les dispositions de la loi littoral. L’ingérence poursuivait un but légitime d’intérêt général, soit encourager le libre accès au rivage. 

Par ailleurs, cette espèce fût portée à l’attention de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui dans un arrêt du 29 mars 2010, jugea par 13 voix contre 4 que la démolition sans indemnisation préalables, de maisons construites (sans autorisation) sur des terre-pleins édifiés sur le domaine public maritime et occupées en application d’autorisations d’occupation temporaire successives ne viole par l’article 1er du Protocole n° 1.

Selon l’argumentation des requérants devant la Cour, l’obligation qui leur est faite de démolir les maisons, à leurs frais et sans indemnisation viole l’article 1er du protocole n° 1 protégeant la propriété) et l’article 8 protégeant le respect du domicile. La Cour rejette ce recours même si elle explique que malgré « l’imprescriptibilité et l’inaliénabilité du domaine public » qui excluent logiquement toute constitution d’un droit de propriété, « le temps écoulé a fait naître l’existence d’un intérêt patrimonial du requérant à jouir de la maison, lequel était suffisamment reconnu et important pour constituer un “bien” au sens » de la Convention, la notion de bien au sens de la CEDH ayant une portée autonome par rapport au droit interne.

Dans cette espèce du 6 mars 2002, le Conseil d’Etat s’est également prononcé sur la compatibilité du régime des contraventions de grande voirie avec les exigences de la Convention EDH.

II. La compatibilité du régime des contraventions de grandes voiries avec les exigences de la CEDH

Dans cette espèce, le Conseil d’Etat retient que l’article 6 de la Convention EDH est inapplicable aux contraventions de grande voirie (A), ce qui ne se traduit cependant pas par une exclusion systématique de l’application de ce principe, en effet cette inapplicabilité reste à nuancer (B).

A. L’article 6 de la Convention inapplicable aux contraventions de grandes voiries

En l’espèce, le CE retient que l’obligation de réparer les dommages causés au domaine public ne revêtissent pas le caractère d’une accusation pénale. Il juge par ailleurs inopérant le moyen tiré du caractère disproportionné des mesures prononcées à l’égard du requérant, à savoir la remise en l’état sans indemnisation.

Pour le CE, la contravention de grande voirie ne relève pas du champ d’application de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En effet, il considère qu’il ne s’agit pas de statuer sur une accusation en matière pénale, ni sur une action relative à des droits ou obligation de caractère civil car d’une part, l’action en réparation des dommages causés au domaine public ne constitue pas une accusation en matière pénale d’autre part, l’obligation de réparer lesdits dommages, qui a pour seul objet d’assurer le respect de l’intégrité du domaine public, ne présente pas le caractère d’une sanction. Il en avait déjà été ainsi dans un arrêt précédent, du 23 avril 1997, Préfet de la Manche c/ Société nouvelle entreprise Henry, cet arrêt précisant cela dit que les amendes dont été assorties les contraventions de grandes voiries constituaient des sanctions.

Cet arrêt sera par la suite porté devant la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, qui confirmera la position du Conseil d’Etat français, malgré la reconnaissance en l’espèce du caractère de « bien » la Cour EDH estime que le non-renouvellement des autorisations d’occupation du domaine public et l’injonction de détruire les maisons, atteinte grave à la propriété s’il en est, constituent non pas une privation de propriété mais un ensemble de mesures de réglementation de l’usage des biens, prises dans le but d’intérêt général de garantir le libre accès au rivage, dans le cadre d’une « application cohérente et plus rigoureuse de la loi, au regard de la nécessité croissante de protéger le littoral et son usage par le public, mais aussi de faire respecter les règles d’urbanisme ».

Enfin, « l’absence d’indemnisation ne saurait passer pour une mesure disproportionnée à la réglementation de l’usage des biens des requérants, opérée dans un but d’intérêt général ».

Cette inapplicabilité n’est cependant pas systématique.

B. Une inapplicabilité de l’article 6 de la Convention à nuancer

En effet, dans un arrêt plus récent en date du 23 décembre 2010, Ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie, du Développement et de l’aménagement durable c/ commune de Fréjus, le Conseil d’Etat a accepté d’examiner la régularité de la procédure de contravention de grande voirie au regard du respect des droits de la défense protégé par l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

En d’autres termes, le juge français, loin d’écarter par principe toute application de l’article 6 en matière de contravention de grande voirie, semble tenir une mise en œuvre à géométrie variable,

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