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Commentaire d'arrêt, Cour de Cassation, Assemblée Plénière, 9 mai 1984, 80-93.481 (arrêt dit Derguini)

Par   •  26 Novembre 2018  •  1 753 Mots (8 Pages)  •  1 060 Vues

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vue d’un danger imminent, l’autre ne prêtant pas attention aux panneaux de signalisation ni aux jeunes enfants près de la voie.

C’est ainsi que la question de la capacité de discernement de la fillette, qui pourtant n’a que 5 ans, est purement et simplement évincée au profit d’un équilibre artificiel trouvé entre les parties. Ce au motif du besoin d’affirmer la responsabilité de l’enfant en bas âge afin d’assurer l’indemnisation des victimes.

Avec l’arrêt Levert en 2001, les choses ont évolué. On a désormais dissocié la responsabilité de l’enfant de celle des parents, au sens où l’on n’a plus besoin de démontrer la faute de l’enfant, il suffit qu’il ait causé le dommage pour engager la responsabilité des parents.

On saisit cependant qu’il n’est ici question que d’une fiction juridique malsaine existant uniquement dans le but de pallier des défauts systémiques. Les conséquences dans le cas d’un infans auquel on oppose sa propre faute sont en toute logique complexes.

II. Une solution sévère aux effets pervers

Négliger le manque de discernement d’un enfant en bas âge reste difficilement acceptable. Jouer avec la réalité par une fiction juridique dans une course à l’indemnisation a ses effets pervers. C’est ainsi que l’enfant en bas âge peut se voir opposer sa propre faute (A), et que la jurisprudence et la loi n’ont eu de cesse de nuancer la décision (B).

A) Une solution sévère où l’enfant se voit opposée sa propre faute

Une partie de la doctrine s’est révoltée à l’occasion de ce revirement de jurisprudence. Le professeur Chabas écrivait : « À quoi sert d’avoir tant réclamé le triomphe de l’appréciation in abstracto totale, d’avoir prôné la responsabilité de l’infans ? La logique juridique est un piège. » Dans le cas d’un enfant victime de sa propre faute, comme ici la jeune Fatiha, le raisonnement juridique à l’œuvre a l’effet pervers de priver la victime d’une partie de l’indemnisation. Alors même que le but de la démarche est précisément l’inverse. En effet, du fait qu’elle ait fait irruption sur la voie en tant que responsable de ses actes, elle est fautive et donc 50% des indemnités sont à la charge des parents.

Par ailleurs, le droit civil méconnaît la situation sociale de l’enfant. C’est ainsi qu’un enfant, du fait de ce même raisonnement, peut se retrouver endetté à vie pour une action où il ne maîtrisait pas ses gestes. Par exemple planter une fourchette dans l’oeil d’un camarade (arrêt Gabillet, 9 mai 1984). C’est donc une solution particulièrement sévère. On peut, pour une action que l’on n’a pas eu conscience de commettre, être condamné à vie. De plus, le responsable peut être exonéré, par l’opposition à l’infans de sa propre faute.

Enfin, la portée de cette solution adoptant une position très tranchée apparaît dans le code civil. En effet, l’article 1242 au regard de la responsabilité des parents du fait de leur enfants mineurs reprend quasiment au mot la solution du 9 mai 1984. Il dispose que « Pour que soit présumée sur le fondement de l’art 1242 al 4 la responsabilité des père et mère d’un mineur habitant avec eux ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime ». La véritable prise en compte de l’arrêt Derguini réside dans le fait que « les juges du fond ne sont pas tenus de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte » et ils « n’ont pas à rechercher, si cet enfant, malgré son très jeune âge avait un discernement ».

Néanmoins, la jurisprudence et la loi tendent à nuancer la sévérité des dispositions.

B) Une solution sévère que la jurisprudence et la loi tendent à nuancer

Au vu de la rigueur des arrêts rendus, la jurisprudence n’a pu qu’atténuer la décision. Ainsi tente-t-ton de prendre en compte l’âge et l’expérience. Un enfant de 7 ans qui déroge au règlement mais est enfermé du fait de son camarade n’a pas commis de faute (7 mai 2002) ; une chute en VTT au bord d’un lac n’est pas considérée reprochable (11 mars 1997) ; etc.

Par ailleurs, la loi Badinter est entrée en vigueur le 5 juillet 1985 et faisant partie des « droits particuliers » qui y répond. Cette loi spécifie que, dans le cas des atteintes aux personnes, pour les victimes vulnérables, seules leurs fautes qualifiées et intentionnelles peuvent leur être opposées. La réelle prise en compte de la solution Derguini réside dans la précisions des catégorie visée par la norme. En effet la classe des mineurs de moins de 16 ans recouvre les infans privés de discernement et les enfant ayant atteint ou dépasse l’age de raison (7 ans) mais manquant d’expérience, c’est par cette rédaction que la norme prend en compte les manques révélés par les solutions Derguini et Lemaire (uniquement concernant le discernement l’espèce ne portant pas sur accident de la route). Ainsi la loi Badinter spécifique aux cas des accidents de la circulation se base sur la solution rendue par les juges du quai de l’horloge et en comble les manques permettant une protection de la victime privée de discernement qui verrait la réparation de son dommage amputée par une faute qu’il aurait commis inconsciemment.

Enfin, il faut noter que l’avant-projet de réforme du droit des obligations du 29 avril 2016 compte supprimer l’opposabilité des infans à leur propre faute... Cependant, la 2e chambre civile de la Cour de Cassation considérait encore dans un arrêt le 11 septembre 2014 que l’enfant auteur reste responsable

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