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Airbus et Boeing devant l'OMC

Par   •  5 Février 2018  •  5 035 Mots (21 Pages)  •  603 Vues

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A) Une originalité constatée

Avant toute chose, il est nécessaire d'énoncer d'emblée qu'en matière d'aéronautique, il existe quatres principaux différends opposant les États-Unis et les Communautés européennes. Étant donné que les affaires DS 317 et DS 347 ne sont pas des sources importantes dans la compréhension générale des différents enjeux présents, comme la notion de subvention notamment, notre analyse se concentrera sur les affaires DS 316 et DS 353.

Le point de départ de ce contentieux devant l'OMC commence donc par la plainte des Etats-Unis reçue en 2004. Aussi, et vu la complexité de cette affaire et dans la mesure où l'Organe d'appel, dans ses différents rapports, reprend le travail du Groupe spécial en ajoutant à cet effet, une vision ou un raisonnement qui peut être différent, nous nous concentrerons davantage, au cours de notre analyse, sur les conclusions de cet organe. En la matière, le point le plus étonnant dans ces différends opposant Airbus et Boeing est sans doute la durée inhabituelle de la procédure.

En effet, comme le souligne l'Organe d'Appel, à la suite de l'examen de la plainte américaine (WT/DS316/AB/R), [...] « après cinq années de procédure de groupe spécial et presque dix mois d'examen en appel, il y a un certain nombre de questions qui restent non réglées dans le présent différend » (paragraphe 1417 du rapport de l'organe d'appel). Cela est d'autant plus troublant car, comme le rappelle très bien Hélène Ruiz-Fabri, « là où l'article 12:9 du mémorandum prévoit un délai impératif de neuf mois, les 1 618 jours d'examen par le Groupe spécial, explosent le record de 928 jours que détenait le Groupe spécial Hormones ». C'est dire, encore une fois, la difficulté de ce litige et l'ampleur des intérêts présents au sein de ce contentieux; chacun, aussi bien Airbus que Boeing, essayant de répondre succesivement aux attaques et aux arguments de l'autre. Ayant rendu son rapport le 18 mai 2011, l'Organe d'appel a identifié plusieurs questions qui n'avaient jusque là pas été examinés au cours d'une instance devant l'OMC. L'une de ces questions est relatif au champ d'application temporel de l'Accord sur les Subventions et les Mesures Compensatoires (Accord SMC), entré en vigueur le 1er janvier 1995. Ce dernier a pour objectif de limiter l'octroi de subventions, soit en interdisant certaines subventions trop avantageuses pour le destinaire (ce sont les subventions dites « noires » , indiqués à l'article 3 SMC), soit en offrant la possibilité d'autoriser des mesures financières compensatoires face à d'autres subventions dites « grises» (article 5 et 6).

Cet accord a donc pleinement sa place au sein de ce contentieux et va être notamment invoqué par les Etats-Unis à plusieurs reprises au cours de l'instance. A ce titre, et en répondant à ces derniers, Airbus estime sur ce point que certaines subventions devaient être exclus du champ d'application de ce différend. Pour ce faire, plusieurs arguments assez atypiques ont été envisagés. Le premier porte sur l'existence d'un estoppel entre les Etats-Unis et l'UE et le deuxième, sur la méconnaissance, par le Groupe spécial, du principe de non-rétroactivité des traités. L'existence de cet estoppel est avant tout liée à l'existence de l'accord bilatéral américano-européen de 1992. Cet accord, applicable seulement pour l'avenir, fournit une interprétation commune des dispositions de l’accord multilatéral sur le commerce des aéronefs civils relatives aux pressions des pouvoirs publics. Il impose ainsi aux deux parties une discipline en matière d'aides publiques plus rigoureuse que l’actuel code sur les subventions. Selon Habib Ghérari, dans cet accord, « l'admission des soutiens est donc claire (sauf concernant la production) et l'effort fait ainsi que le compromis réalisé a finalement consisté à limiter les aides au développement de nouveaux programmes de construction d'aéronefs de grande capacité ». Autrement dit, il est prévu un plafonnement du montant des subventions. Ce même texte prévoit également un échange périodique d'informations entre les parties afin de favoriser la transparence dans leurs rapports mutuels et e contrôle de sa mise en œuvre. Ainsi, selon l'UE, dans la mesure où l'accord de 1992 est toujours en vigueur, les parties ont donc considéré implicitement que les mesures de subvention étaient compatibles avec l'accord SMC de 1995. Cet argument n'a cependant pas été retenu par l'Organe d'Appel. En effet, par l'article 3: 2 du Mémorandum qui énonce que le système de règlement de différends de l'OMC « a pour objet de préserver les droits et les obligations résultant pour les Membres des accords visés », l'Organe d'Appel, en reprenant les arguments américains (paragraphe 356 du rapport de l'organe d'appel) constate que l'accord de 1992 ne fait pas partie de ces « accords visés », et a donc estimer que les règles de cet accord ne pouvaient pas être efficacement invoquées devant l'Organe de Règlement des Différends (ORD). L'autre argument de l'UE est relatif au principe de non-rétroactivité visé par l'article 28 de la Convention de Vienne de 1969. Ainsi, selon l'UE, l'article 5, qui énonce qu' « aucun membre ne devrait causer, en recourant à l'une quelconque des subventions visées aux paragraphes 1 et 2 de l'article premier, d'effets défavorables pour les intérêts d'autres Membres », devrait s'appliquer aux subventions accordées après le 1er janvier 1995, celles qui ont été accordées avant étant de facto exclus.

Pourtant, là encore, l'Organe d'Appel confirma l'analyse du Groupe spécial qui rejeta cet argument au motif que l'octroi de subventions n'est pas une situation ponctuel, elle déploie ses effets juridiques dans le temps (paragraphe 681 du rapport de l'organe d'appel). Ainsi, une subvention octroyée avant l'entrée en vigueur de l'Accord est susceptible de continuer à produire des effets après. L'OMC a eu en revanche davantage de difficultés dans l'identification des subventions européennes.

B) Airbus et ses subventions : une identification délicate

D'emblée, deux constats peuvent être énoncés. Premièrement, cette identification particulièrement complexe est sinon logique, au moins compréhensible dans la mesure où, comme

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